Réunie les mercredi 7 et jeudi 8 septembre 2011 sous la présidence de Jean Arthuis (UC, Mayenne), président, la commission des finances du Sénat a procédé à l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, sur le rapport de Philippe Marini (UMP, Oise), rapporteur général.

1. Sur le « calibrage » du PLFR

La commission des finances juge approprié le « calibrage » retenu, de 11 milliards d’euros par rapport au droit actuel, qui est conforme à ce qu’elle préconise depuis le mois d’avril 2011.

Ce montant doit être comparé avec la fourchette de 10 à 15 milliards d’euros (de 5 à 10 milliards d’euros en cas de dépenses publiques conformes aux prévisions) par rapport à la programmation indiquée, dès le mois d’avril, par la commission des finances, dans son rapport d’information[1] relatif au projet de programme de stabilité 2011-2014, et avec celui, de 11 milliards d’euros (6 milliards d’euros en cas de dépenses publiques conformes aux prévisions), dans son rapport d’information[2] relatif au débat d’orientation des finances publiques pour 2012.

2. Sur les modalités institutionnelles de sortie de crise

La commission des finances du Sénat considère que le principal défi pour la zone euro est la nécessité d’éviter des augmentations auto-réalisatrices des taux d’intérêt de « grands » Etats de la zone euro, comme l’Espagne et l’Italie, auxquelles les dispositifs actuels ne permettraient pas de faire face, et qui pourraient entraîner une crise économique majeure, voire l’éclatement de la zone.

·                    Elle est très sceptique sur la possibilité juridique et politique de mettre en place des « eurobonds » dans un délai suffisamment bref pour empêcher la diffusion de la crise.

Il faut, en effet, être bien conscient de ce qu’impliquent concrètement les eurobonds :

- caractère vraisemblablement conjoint de la garantie des Etats à l’Agence européenne d’émission de la dette (c’est-à-dire garantie, par chaque Etat, de la totalité de la dette de tous les autres), pour que la solidité de l’ensemble ne soit pas celle du maillon le plus faible ;

- taux d’intérêt vraisemblablement plus élevé que ceux actuellement payés par l’Allemagne et la France ;

- nécessité de bouleversements institutionnels majeurs, revenant à communautariser de manière permanente la politique budgétaire, afin que les Etats « vertueux » aient un contrôle suffisant sur la politique des Etats « laxistes » ;

- risque que les investisseurs aient peu confiance en un mécanisme politiquement fragile, et demandent des taux d’intérêt plus élevés que souhaité ;

- nécessité d’une modification lourde et à l’unanimité du traité sur le fonctionnement de l’UE, de révisions constitutionnelles nationales, vraisemblablement de référendums ;

- si seule une partie de la dette est communautarisée, risque d’augmentation auto-réalisatrice des taux sur la part non communautarisée, tant pour les Etats « laxistes » que pour les Etats « vertueux », ce qui aggraverait la crise au lieu de la résoudre.

Compte tenu de la lenteur des réformes en cours (on rappelle en particulier que l’extension de la capacité de prêt effective du Fonds européen de stabilité financière à 440 milliards d’euros, décidée le 11 mars 2011, n’est toujours pas en vigueur six mois plus tard), et des difficultés politiques rencontrées dans leur mise en œuvre, on voit mal comment les eurobonds pourraient être envisagés autrement qu’à long terme, à supposer qu’elles doivent l’être. C’est donc à juste titre que le Président de la République et la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne s’y sont opposés.

·                    Il existe heureusement une autre solution à étudier : celle d’un Fonds monétaire européen (FME) « branché » sur la Banque centrale européenne (BCE).

Moins médiatique, peut-être parce que moins « fédérale », la mise en place d’un FME pourrait permettre de faire face à l’urgence.

Ce fonds devrait disposer de ressources d’au moins 2 000 milliards d’euros. Il se comporterait comme une sorte de « super-FESF », apportant son aide en échange d’une forte conditionnalité, dans le cas des seules crises de liquidité.

Ce FME présenterait l’intérêt de ne pas reposer sur des garanties des Etats, et donc sur leurs contribuables (ce qui suscite des oppositions, en particulier en Allemagne), mais de se financer auprès de la BCE. En particulier, la solution technique proposée par Daniel Gros et Thomas Mayer dans une publication récente[3] du Center for European Policy Studies, consistant à donner à un tel fonds le statut de banque, mérite d’être examinée avec attention.

La BCE soutient aujourd’hui l’Espagne et l’Italie car elle est la seule capable de le faire. Le FME lui permettrait de revenir à un exercice plus strict de ses missions.

Il ne sera pas possible longtemps de « tirer des plans sur la comète ». Il est indispensable que la zone euro mette rapidement en place un dispositif effectivement opérationnel. Faute de quoi, les marchés risquent de ne pas nous en laisser le temps.

Le rapport de la commission des finances sur le site du Sénat est disponible à l’adresse :

http://www.senat.fr/rap/l10-787/l10-787.html

Le compte rendu des réunions des 7 et 8 septembre sera consultable à l’adresse :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/finances.html  


[1] Rapport d'information n° 456 (2010-2011, 26 avril 2011).

[2] Rapport d'information n° 708 (2010-2011, 5 juillet 2011).

[3] Daniel Gros et Thomas Mayer, « August 2011 : What to do when the euro crisis reaches the core », CEPS Commentary, 18 août 2011.

Olivier Graftieaux
01 42 34 25 38 o.graftieaux@senat.fr