Serge Babary (Les Républicains – Indre-et-Loire), président de la délégation aux entreprises du Sénat, conclut de la table ronde organisée ce jeudi 4 mars : "Avec une entreprise sur quatre qui a consommé 100 % de son PGE, il faut éviter la catastrophe annoncée du tsunami des défaillances. Attention aussi à la désespérance de nombreux dirigeants de PME et TPE ! La sortie de crise doit s’organiser autour de trois maîtres mots : lucidité, confiance et prévention".

Cette nouvelle table ronde sur "les difficultés des PME et TPE dans la crise : comment franchir le cap du 1er semestre 2021 ?", a réuni Christian Nibourel, président de l’AGS (Association pour la gestion du régime de Garantie des Salaires), Yannick Ollivier, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), Jacques Maureau, vice-président, en charge du secteur valorisation et adaptation des compétences du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables (CSOEC) et Patrice Duceau, vice-président du Groupement de prévention agréé du Val-de-Loire.

Les acteurs de l’accompagnement des entreprises en difficulté ont évoqué les perspectives pour l’année 2021 et formulé des propositions pour éviter un déferlement de défaillances entraînant des TPE et PME qui pourraient objectivement espérer redémarrer . L’accélération des défaillances d’entreprises est notable au deuxième semestre de l’année 2021, après une période paradoxale de ralentissement des procédures collectives en raison des dispositifs maintenant "sous perfusion" un certain nombre d’entreprises.

En règle générale, 86 % des dossiers annuels de procédures collectives concernent des entreprises de moins de 10 salariés et 70 % sont des liquidations judiciaires directes ne passant même pas par le stade de la prévention ni du redressement judiciaire. Alors que l’AGS - qui intervient à destination exclusive du paiement des salariés en cas de défaillance de leurs employeurs, avec un coût nul pour l’État - débourse chaque année 1,5 milliard d’eurospour payer les salariés, laperspective de ses dépenses pour 2021 s’élève jusqu’à 2,5 milliards d’euros, surcoût couvert par un emprunt à titre de précaution.

Les principaux sujets d’alerte sont les suivants :

  • Un projet d’ordonnance du ministère de la justice soulève une profonde inquiétude des partenaires sociaux - partagée par les sénateurs de la délégation aux entreprises - car il prévoit de modifier partiellement l'ordre des créanciers privilégiés en cas de liquidation judiciaire, en faisant passer le remboursement de tous les frais de justice (en y intégrant la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires) avant celui des salaires, entraînant une perte de 200 à 300 millions d’euros, préjudiciable pour la pérennité du régime selon le président de l’AGS. Pour lui, "cette réforme, si elle aboutissait, remettrait en cause le rôle d’amortisseur social de l’AGS et la logique de solidarité qui existe depuis 1973". "Ce serait une catastrophe en période de crise". Cette réforme serait d’autant plus "inacceptable qu’il n’existe aucune transparence ni aucun contrôle dans l’évaluation des frais de justice". Ce projet d’ordonnance profite de l’habilitation prévue dans la loi PACTE pour transposer, d’ici mai 2021, la directive (UE) 2019/1023 et réformer le droit des sûretés dans son volet relatif à l’articulation avec le droit des procédures collectives.
  • Les perspectives de remboursement du PGE constituent une autre source d’inquiétude . Bon nombre de dirigeants, notamment ceux de TPE et PME, n’appréhendent pas nécessairement le rôle de caution simple que jouera l’État, c’est-à-dire en dernier ressort et à condition que la banque ait tenté par tous les moyens de récupérer les sommes dues. Pour les 25 % de bénéficiaires du PGE ayant d’ores-et-déjà consommé l’intégralité du prêt, il sera extrêmement difficile de le rembourser dans les délais ; la liquidation judiciaire risque d’être un passage obligé pour bon nombre d’entre eux. L’évaluation du défaut de remboursement, par le Gouvernement, à un montant total compris entre 450 et 600 millions d’euros semble largement sous-estimé pour certains.
  • La confiance et la prévention sont la clé pour anticiper les difficultés et doivent guider tous les acteurs à agir en amont des procédures devant les tribunaux de commerce. Le traitement de la vulnérabilité implique de sortir les dirigeants de leur isolement, ce que permettent les groupements de prévention agréés (GPA) , en offrant notamment un dialogue avec d’autres chefs d’entreprise bénévoles. Par ailleurs, "toutes les entreprises ne pourront pas être sauvées, il faudra éviter de laisser vivoter celles qui n’ont pas vocation à survivre au détriment de celles qui ont des vraies chances de redémarrer. Il faut créer une sorte de tamis pour le fléchage des entreprises." Par conséquent, les "signaux faibles" doivent être mieux exploités et les acteurs de l’accompagnement des entreprises doivent s’entendre pour identifier le bon interlocuteur et définir la bonne procédure lorsque ces signaux sont détectés, afin d’agir rapidement et de façon efficace.
  • Parallèlement il faut éviter la "double peine" des entreprises qui risquent de souffrir d’une mauvaise notation de la Banque de France ou de la frilosité des banques pour les aider à redémarrer, en raison d’une dégradation des bilans de l’année 2020 pour de nombreuses TPE et PME.
  • Enfin la numérisation devrait aussi favoriser le développement d’outils de gestion qui permettront aux dirigeants de prendre connaissance de façon immédiate des difficultés en temps réel.

La vidéo de cette rencontre : http://videos.senat.fr/commission.ENTR.p1

La délégation aux entreprises du Sénat est présidée par Serge Babary (Les Républicains - Indre-et-Loire).

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Philippe PÉJO
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