Alors qu’approchent des échéances électorales, un grand nombre de nos concitoyens ont le sentiment que leur vote n’a que peu de portée en raison de la place prise par les juges nationaux et européens dans le processus de prise de décision . Régulièrement, des décisions de justice alimentent l’accusation, polémique, d’un "gouvernement des juges".

La mission d’information que le Sénat a constituée à la demande du groupe de l’Union centriste a travaillé pendant trois mois pour poser un diagnostic sur ce phénomène de "judiciarisation" de la vie publique et en évaluer les effets sur le fonctionnement de notre démocratie. Ces effets sont ambivalents : d’une part, les contraintes résultant de certaines décisions de justice ont eu pour corollaire un renforcement de l’État de droit, d’autre part, le combat politique se prolonge dans le prétoire, comme l’ont notamment montré des arrêts récents concernant la lutte contre le changement climatique.

La mission considère que les juridictions sont parfois amenées à trancher des questions politiques. Il convient d’en prendre acte, et d’inventer de nouveaux mécanismes de régulation. Dans cette perspective, la mission recommande d’agir dans trois directions.

D’abord, améliorer la qualité de la production normative. Pour le rapporteur Philippe Bonnecarrère, "la prolifération normative, et la mauvaise qualité des textes qui en découle, ouvrent un espace pour le juge, contraint d’intervenir pour interpréter des dispositions ambiguës, contradictoires ou instables". La mission suggère notamment de mieux encadrer le recours aux ordonnances et de contrôler la qualité des études d’impact. Elle plaide pour que les parlements nationaux influencent davantage la conception des textes européens en amont de leur adoption.

Ensuite, ouvrir de nouveaux espaces de dialogue avec les juridictions : les parlementaires pourraient adresser des contributions au Conseil constitutionnel ; la Première présidente et le Procureur général de la Cour de cassation ainsi que le Vice-président du Conseil d’État pourraient présenter leur rapport annuel devant le Parlement ; des conseils de juridictions locaux et nationaux pourraient constituer une instance adaptée pour des échanges entre les juges et la Cité... Il convient de multiplier les occasions de dialogue pour éviter le duel.

Enfin, une incitation à l’autorégulation afin que les juridictions exercent leur pouvoir avec retenue. La mission défend des pistes de réformes concernant la responsabilité pénale des ministres et elle souligne l’importance de la notion d’identité constitutionnelle de la France comme élément essentiel dans les rapports avec l’Union européenne. Comme le note en conclusion la présidente Cécile Cukierman, "la place prise par le juge est souvent celle qui lui est laissée par le politique, ce qui doit nous inciter à renforcer le contrôle de l’action du Gouvernement et à revivifier notre démocratie".

L’actualité de la mission d’information sur le site internet du Sénat :
http://www.senat.fr/commission/missions/2021_judiciarisation_de_la_vie_publique.html

Jean-Christian Labialle
01 42 34 25 51 presse@senat.fr