Question de M. DILIGENT André (Nord - UC) publiée le 10/04/1986

M. André Diligent expose à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget, qu'après avoir soutenu que le code général des impôts ne subordonne l'envoi de l'avis à tiers détenteur qu'à l'existence " de la créance de l'administration, que l'établissement préalable d'un titre de perception n'est pas nécessaire, que cette solution est conforme aux principes généraux et à la jurisprudence en la matière " (affaire Dame Serre, cour d'appel de Pau, arrêt du 29 avril 1958), la direction générale des impôts prescrit maintenant à ses comptables de faire précéder " la notification d'un avis à tiers détenteur... d'un avis de mise en recouvrement qui invite le redevable à s'acquitter de sa dette et qui indique la liquidation et le détail, par période d'imposition, des sommes réclamées ". " Ces dispositions permettent ainsi au redevable concerné d'être exactement renseigné sur la nature, le montant et l'exigibilité de la créance dont le paiement est réclamé au tiers détenteur " (réponse à la question n° 69707, J.O. Assemblée nationale, 23 septembre 1985, page 4461). Ainsi, le receveur des impôts, bien qu'exerçant les pouvoirs du directeur des services fiscaux (article 17 de la loi de finances rectificative pour 1983 ; arrêt du Conseil d'Etat du 13 février 1985, n° 1709 - R.J.F. 4.85, n° 542) ne peut plus procéder par avis à tiers détenteur sans, au préalable, faire parvenir au redevable un titre exécutoire (avis de mise en recouvrement détaillé). Or, en principe, " en l'absence de titre exécutoire, le " Trésor créancier " (le percepteur) " ne saurait..., sauf circonstances particulières, être admis à... poursuivre le paiement " (d'impositions) " notamment par voie d'opposition sur le prix de " cession " (réponse à la question n° 6364, J.O., Assemblée nationale, 10 mai 1982, pages 1933 et 1934). En fait, les percepteurs, bien que n'agissant pas par délégation du préfet ou du directeur des services fiscaux, procèdent couramment par voie d'avis à tiers détenteur pour recouvrer des sommes auxquelles ne correspondent pas des impositions préalablement mises en recouvrement dans les formes prévues à l'article 1658 du code général des impôts. Il arrive d'ailleurs que le montant des créances en question soit déterminé avec beaucoup d'approximation et même d'exagération par les percepteurs eux-mêmes (plus-values de cession de fonds de commerce déterminées en appliquant le taux 15 p. 100 au montant brut du prix de cession figurant dans le journal d'annonces légales ; évaluation des impositions locales à émettre au titre de l'année courante en appliquant un coefficient arbitraire de majoration des impositions de l'année précédente), ou encore, sommairement, mais en voyant large, surtout pour les affaires peu importantes, au cours d'une conversation téléphonique entre le service du recouvrement et celui de l'assiette. Ainsi, faute d'être en possession d'avis d'imposition, les contribuables se trouvent dans l'impossibilité de présenter des réclamations contentieuses assorties de demande de sursis de paiement. Il demande donc de lui indiquer pour quels motifs l'administration adopte, en matière d'avis à tiers détenteur, des méthodes différentes selon que le comptable chargé du recouvrement est un fonctionnaire de la direction générale des impôts ou un fonctionnaire de la direction de la comptabilité publique. Rien ne paraît s'opposer à ce qu'en matière de contributions directes l'envoi d'un avis à tiers détenteur soit, dans tous les cas, précédé de l'envoi d'un avis donnant au contribuable le détail, par nature ; d'impôt et par période d'imposition, des créances dont le paiement est réclamé au tiers détenteur.

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Réponse du ministère : Budget publiée le 30/10/1986

Réponse. -En application des dispositions de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales, un avis d'imposition, mentionnant le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement, est systématiquement adressé aux redevables inscrits au rôle des impôts directs préalablement à l'engagement de toutes poursuites. Le contribuable qui n'a pas acquitté à l'échéance ainsi fixée par la loi la portion exigible de ses contributions peut être poursuivi. Cependant, la notification du premier acte de poursuite aves frais doit nécessairement être précédée de l'envoi, vingt jours avant, d'une lettre de rappel. Il n'a pas été prévu que l'avis à tiers détenteur, procédure sans frais valant saisie-arrêt validée, soit obligatoirement précédé d'une lettre de rappel. Conformément à l'article L. 262 du livre des procédures fiscales, cette procédure dérogatoire du droit commun n'est réservée que pour le seul recouvrement d'impositions, pénalités et frais accessoires garantis par le privilège du Trésor. C'est dire qu'il ne peut y être recouru pour des impôts non encore mis en recouvrement. Le cas évoqué dans la gestion, concernant les oppositions pratiquées par les comptables du Trésor sur le prix de cession de fonds de commerce antérieurement à l'émission des rôles correspondants obéit en fait à des règles particulières puisque l'article 3 de la loi du 17 mars 1909, relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce, impartit à tout créancier du précédent propriétaire du fonds, que sa créance soit ou non exigible, un délai de dix jours pour former opposition au paiement du prix par acte extrajudiciaire ; ce délai court à compter de la dernière en date des publications légales. Sur le fondement de ce texte, il a été admis que les oppositions sur prix de vente d'un fonds de commerce pour le recouvrement d'impôts directs privilégiés soient faites, dans ce délai exclusivement, en la forme d'un avis à tiers détenteur, que l'impôt soit mis en recouvrement ou même non encore établi. Mais dans cette dernière hypothèse (impôts non encore établis), il est bien évident que la procédure de l'avis à tiers détenteur n'est valable qu'en tant qu'elle vaut oppposition de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909. Prise en tant que mesure conservatoire, elle n'a d'autre but que de prolonger l'indisponibilité du prix de cession du fonds, de par l'existence d'une créance fondée en son principe et estimée dans un premier temps par les services de l'assiette. A l'expiration du délai précité, les comptables du Trésor, pour le recouvrement des impôts à émettre, se trouvent obligés comme tout créancier n'ayant pas encore de titre exécutoire, de recourir aux mesures conservatoires judiciaires prévues aux articles 48 et suivants du code de procédure civile ancien et de demander au juge l'autorisation de pratiquer une saisie-arrêt conservatoire sur le prix de vente du fonds de commerce, lorsque celui-ci est encore disponible. L'ensemble de ces dispositions qui procèdent de l'application stricte de textes législatifs devraient, dès lors, être de nature à répondre aux préoccupations exprimées par l'auteur de la question. Toutefois, des recommandations vont être prochainement données aux comptables pour que, s'agissant des créances non exigibles, ils procèdent dans toute la mesure du possible par voie d'acte extrajudiciaire, remarque étant faite que les frais occasionnés par la mise en oeuvre de cette procédure de droit commun sont à la charge des contribuables.

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