Question de M. DELELIS André (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 23/06/1988

M. André Delelis rappelle à M. le ministre de l'intérieur que la législation veut que toute personne puisse librement disposer de ses biens par testament au profit de qui que ce soit. A cet égard, il attire son attention sur le caractère discriminatoire des conditions d'exécution des testaments, différentes selon que le légataire est un simple particulier ou un organisme social. En effet, s'agissant d'un legs universel au profit d'un particulier, la procédure est la suivante : une notoriété constatant que le défunt n'avait pas d'héritier à réserve est dressée par un notaire et signée par deux témoins, puis le testament est déposé aux minutes du notaire, enfin les expéditions de ce dépôt de testament et de notoriété sont présentées au tribunal qui envoie le légataire universel en possession des biens du défunt. S'il s'agit d'un legs particulier, les héritiers du sang ou le légataire universel peuvent délivrer ce legs sans aucune formalité. Par contre, si le legs est fait au profit d'une oeuvre reconnue d'utilité publique, il faut, avant toute autre démarche, que l'organisme soit autorisé à accepter par les services préfectoraux qui doivent, pour ce faire, contacter tous les héritiers du sang. La procédure est donc bloquée jusqu'à ce que ces derniers soient tous retrouvés. Cet obstacle majeur est d'autant plus difficile à franchir que les recherches d'héritiers effectuées par le notaire auprès de la famille se heurtent le plus souvent à l'indifférence de celle-ci, du fait qu'elle ne peut prétendre à rien en raison du testament. Ainsi, un grand nombre de successions de ce type restent en souffrance, privant les associations des biens à elles légués, sans aucun bénéfice pour les héritiers non réservataires qui peuvent exister. En conséquence, il .lui demande s'il ne peut être envisagé de donner des directives aux divers services préfectoraux afin que les testaments faits au profit d'organismes sociaux puissent s'exécuter dans les mêmes conditions que ceux faits au profit de particuliers, mesure qui, sans nul doute, s'avérerait d'utilité publique.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 25/08/1988

Réponse. - La procédure administrative qui consiste à autoriser les établissements reconnus d'utilité publique à recevoir des legs après avoir fait la recherche de tous les héritiers de sang, réservataires ou non, et jusqu'au sixième degré, résulte d'un ensemble de textes légaux et réglementaires : l'article 910 du code civil stipule que les dispositions entre vifs ou par testament au profit d'établissements d'utilité publique n'auront leur effet qu'autant qu'elles seront autorisées ; le décret du 1er février 1896 a confié à l'administration la publicité des dispositions testamentaires à l'égard des héritiers lorsque les dispositions sont faites au profit d'établissements publics ou reconnus d'utilité publique et la manière d'accomplir ces formalités de publicité y est clairement précisée ; selon les articles 755, 766 et suivants du code civil, doivent être soumis à interpellation les héritiers naturels, donc non seulement les héritiers réservataires, mais encore le conjoint survivant et les héritiers jusqu'au sixième degré successible ; la loi du 4 février 1901 prévoit que, dans tous les cas où les dons et legs donnent lieu à des réclamations des familles, l'autorisation de les accepter est donnée par décret en Conseil d'Etat. Cette procédure, qui peut effectivement paraître lourde, a pour but de s'assurer que les dispositions testamentaires faites au profit d'un établissement reconnu d'utilité publique ne lèsent pas un héritier dont la situation de famille et de fortune serait précaire. L'administration est ainsi en mesure de négocier à l'amiable avec les organismes gratifiés de telle sorte que, sans formalité pour les héritiers du sang, ces derniers puissent recevoir une aide répondant à une véritable nécessité sociale. En ce qui concerne lesdits établissements gratifiés, certes, la procédure en usage en application des textes rappelés ci-dessus peut entraîner des retards dans la délivrance des legs. Mais, en contrepartie, l'entrée en possession s'accompagne d'avantages fiscaux non négligeables. En effet, le code général des impôts prévoit un certain nombre d'exemptions ou de réductions propres à ce type d'établissements et qui n'existent pas pour les héritiers naturels. Ainsi, l'exonération des droits de mutation est-elle totale en application des dispositions de l'article 795. De plus, la transmission d'un bien immobilier, sous quelque forme que ce soit, et dans un intérêt général, à un établissement reconnu d'utilité publique ne donne lieu à aucune perception au profit du Trésor alors que la même transmission faite au bénéfice d'un particulier est taxée de droit de timbre et de droits d'enregistrement.

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