Question de M. BRANTUS Pierre (Jura - UC) publiée le 19/01/1989

M. Pierre Brantus appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences des grèves postales dans le fonctionnement de la justice. En matière de procédure, qu'elle soit civile, pénale ou administrative, les avocats, les avoués sont tenus de respecter des délais qui vont de dix jours à deux mois. Il lui précise qu'en matière de procédure civile, les avocats doivent accomplir des formalités auprès des avoués. Ceux-ci ont besoin d'une confirmation écrite des formalités qui leur sont demandées ; or, bon nombre d'avocats ne disposent ni d'un télex ni d'une télécopie. Les difficultés apparaissent quant à la preuve de l'envoi par un avocat d'un ordre donné ou de la preuve d'un recours effectué par un conseil. Il lui indique le risque de voir d'ici à quelques semaines des tribunaux déclarer irrecevables des recours comme étant parvenus hors des délais. De ce fait, à partir du moment où, malgré leur envoi par lettre recommandée avec accusé de réception, les correspondances ne seraient pas parvenues à temps à leur destinataire, la responsabilité de l'Etat se trouverait engagée. Les délais de procédure ne pouvant pas être prorogés en l'absence d'un texte, il lui demande en conséquence qu'un projet de loi moratoire dont la durée serait au moins égale à celle des perturbations du courrier soit déposé dès que possible.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 09/03/1989

Réponse. - Le Gouvernement n'a pas estimé devoir s'engager dans la voie d'une loi de moratoire qui, affaiblissant la nécessaire rigueur des sanctions attachées à l'expiration des délais et propre à favoriser les plaideurs de mauvaise foi, ne paraît justifiée que lorsque des événements d'une ampleur exceptionnelle ont perturbé gravement le fonctionnement des services publics. Les lois de moratoire qui ont été promulguées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ont été consécutives soit à des grèves générales (lois n° 48-1287 du 18 août 1948, n° 53-1244 du 17 décembre 1953, n° 68-696 du 31 juillet 1968, n° 74-1115 du 27 décembre 1974), soit à des événements bien délimités dans l'espace et dans le temps (menace d'explosion du volcan La Soufrière dans le département de la Guadeloupe : article 19 de la loi de finances rectificative pour 1976). Par circulaire du 23 décembre 1988, le garde des sceaux a rappelé aux parquets que la jurisprudence a reconnu aux juges, indépendamment des cas prévus par la loi, le pouvoir de relever les intéressés des déchéances encourues lorqu'ils justifient de l'impossibilité absolue dans laquelle ils se sont trouvés d'agir avant l'expiration d'un délai. Bien que la jurisprudence soit stricte en ce domaine et exige que l'obstacle rencontré ait les caractères de la force majeure, elle a admis que des perturbations postales soient prises en considération (Cass. Civ. 2e 14 février 1979, Bull. II n° 43 p. 31). Les magistrats du ministère public ont été en conséquence invités à apporter leur appui aux demandes qui seraient ainsi formées, dès lors qu'elles émaneraient de justificiables de bonne foi en mesure d'établir que leurs droits et intérêts ont été compromis par l'interruption des communications postales. En matière répressive, il leur a été également recommandé de tenir compte des conditions dans lesquelles les décisions des juridictions ont été portées à la connaissance des justiciables pour apprécier si le délai d'exercice des voies de recours a pu utilement courir.

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