Question de M. SOUVET Louis (Doubs - RPR) publiée le 16/02/1989

M. Louis Souvet appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les abus honteux constatés dans le fonctionnement des messageries conviviales du Minitel. Il est urgent de doter l'appareil répressif des moyens légaux lui permettant de punir sévèrement de tels abus ; une fois de plus les progrès techniques ont devancé les textes juridiques (à l'image du vol d'électricité). A travers les perversions, et autres sévices en tout genre proposés par ces messageries " conviviales ", c'est la dignité de la personne humaine qui est atteinte. De plus, profitant d'une immunité totale due tant au vide juridique qu'à la complexité technique (exemple : code d'accès), nous assistons à la prolifération et au développement de réseaux de vente de drogue, de proxénétisme qui réalisent d'énormes bénéfices. Circonstance aggravante, n'importe quel enfant peu consulter les annonces en tout genre proposées par ces messageries. Le secret de la correspondance privée doit dans des circonstances exceptionnelles aussi graves pouvoir faire l'objet d'aménagements ; sous couvert de grands principes juridiques c'est la santé morale de nos enfants qui est durablement et irrémédiablement remise en cause. Ces enfants risquent d'être traumatisés toute leur vie par ces dialogues tout à fait scabreux et obscènes. Il lui demande si une autorité judiciaire ne pourrait pas être mandatée pour contrôler strictement (avec l'assistance technique des P.T.T.) le fonctionnement de telles messageries. Le Minitel si utile par ailleurs, a engendré des effets pervers, il convient de les combattre avec la plus grande fermeté.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 01/06/1989

Réponse. - Le garde des sceaux est particulièrement conscient des atteintes portées à la dignité de la personne humaine par certains services télématiques spécialisés qui diffusent des annonces susceptibles de constituer un réel danger pour l'enfance et la jeunesse. Il est convaincu de la nécessité de combattre fermement tous les excès qui ont pu être engendrés par le minitel, lorsque ceux-ci caractérisent des infractions pénalement sanctionnées. Les annonces diffusées par ces messageries, qui peuvent être consultées par toute personne composant le code d'accès au service télématique, ne sauraient être assimilées à de la correspondance privée, mais présentent au contraire un caractère public et peuvent ainsi éventuellement tomber sous le coup des articles 283 et suivants du code pénal, réprimant les outrages aux bonnes moeurs commis par voie de presse, notamment lorsqu'elles décrivent diverses formes de perversions sexuelles. Il ne paraît donc d'aucune utilité d'aménager le principe du secret de la correspondance privée, qui couvre effectivement d'autres services offerts par ces messageries. Plusieurs directeurs de services télématiques spécialisés font d'ailleurs actuellement l'objet de poursuites pénales pour avoir autorisé la diffusion d'annonces attirant l'attention sur des occasions de débauche. Cependant, s'il peut arriver qu'à la suite de signalements émanant de personnes privées ou des autorités publiques, des services de police spécialisés, agissant dans le cadre d'une enquête de police judiciaire, dressent des procès-verbaux constatant que telle ou telle messagerie conviviale a diffusé des annonces susceptibles de tomber sous le coup de la loi - c'est à la suite d'une enquête de ce type, réalisée par la brigade des stupéfiants et du proxénétisme, que les poursuites pénales précitées ont pu être engagées - il ne paraît pas possible, ne serait-ce que pour des raisons d'effectifs des personnels de police judiciaire, qu'un tel contrôle soit effectué en permanence et de façon systématique sur l'ensemble des services télématiques. En tout état de cause, les directeurs des messageries dites " grand public " doivent respecter les obligations du code de déontologie professionnelle annexé à la convention passée avec l'administration des télécommunications, dont l'article 4 dispose que le fournisseur de services s'engage à effectuer une surveillance constante des informations mises à la disposition du public de manière à éliminer au maximum, avant affichage, les messages publics même reçus en direct, et à ne pas mettre à la disposition du public les messages différés, lorsqu'ils sont susceptibles d'être contraires aux lois et règlements en vigueur, et à mettre fin, dans les meilleurs délais, à la communication avec toute personne insérant ou ayant inséré un tel message ou une telle information. Le non-respect de ces obligations, qui sont de nature à moraliser le fonctionnement des messageries et à éviter les excès qui ont pu être constatés, permet à l'administration des télécommunications de résilier la convention passée avec le fournisseur de services.

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