Question de M. RÉGNAULT René (Côtes du Nord - SOC) publiée le 08/03/1990

M. René Régnault attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des nombreuses prisonnières détenues à la maison d'arrêt de Rennes pour trafic de stupéfiants. Ces femmes, plus communément appelées " mules ", doivent purger des peines de cinq ans en moyenne, pour avoir transporté de la drogue d'un pays à l'autre en contrepartie de quelques dollars et d'un billet d'avion aller-retour pour un pays d'Europe. Jeunes, sud-américaines, haïtiennes ou africaines pour la plupart, recrutées dans les bas-quartiers des villes où les difficiles conditions de vie conduisent à accepter facilement de la drogue, les " mules " ne sont, le plus souvent, que de simples instruments au service de gros trafiquants. Outre la prison, ces détenues doivent acquitter de lourdes amendes. Les travaux qu'elles effectuent au cours de leur incarcération ne permettent d'en couvrir qu'une partie. Hormis quelques activités rémunératrices (atelier de couture et fabrications diverses), ces femmes ne bénéficient d'aucune formation qualifiante, si ce n'est des cours de français, lesquels s'avèrent en pratique peu utiles puisque les " mules " sont expédiées de France dès la fin de leur peine. C'est pourquoi, considérant l'importance des risques de récidive, il lui demande s'il envisage de prendre des mesures pour faciliter au mieux la réinsertion de ces détenues.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 19/07/1990

Réponse. - La situation des femmes étrangères incarcérées pour trafic de stupéfiants, communément appelées " mules ", constitue une préoccupation importante pour l'administration pénitentiaire, car ces détenues sont confrontées à de nombreuses difficultés liées à la longueur des peines, à la non-maîtrise de la langue, à l'éloignement familial et, naturellement, à l'absence de ressources financières. Leur condition d'étrangères expulsables accentue la rigueur de leur incarcération (pas de permission de sortie, notamment) et le paiement de l'amende douanière, souvent très lourde, constitue une épreuve supplémentaire ; cependant, des transactions sont toujours possibles avec l'administration des douanes. Devant cette situation, l'administration pénitentiaire a mis en place une prise en charge spécifique qui débute dès l'entrée en prison - au bénéfice de la centaine de Colombiennes, Boliviennes, Péruviennes, Espagnoles et Africaines qui sont actuellement incarcérées en France. Lors de l'entretien d'accueil, des informations leur sont données dans leur langue sur la prison, son fonctionnement, les possibilités qui sont offertes au niveau de la vie quotidienne, etc. En outre, la plupart des détenues originaires d'Amérique latine reçoivent la visite d'un visiteur de prison parlant l'espagnol. Dans le cadre des cours d'alphabétisation qui sont dispensés, elles peuvent s'initier au français, ce qui leur permet de communiquer avec l'institution, leur avocat et les autorités judiciaires ; après deux mois de cours, à raison de plusieurs heures par semaine, la majorité d'entre elles maîtrisent le français de la vie quotidienne et, par la suite, un vocabulaire plus judiciaire. Généralement à la fin de la première année, elles sont capables d'intégrer l'enseignement dispensé par l'éducation nationale, avec un soutien spécifique pour le français, ce qui leur ouvre l'accès à des stages de formation professionnelle rémunérés et de travailler en atelier ; cet emploi leur permet d'approvisionner leur compte nominatif - avec la possibilité de procéder à des achats par la biais de la cantine - et même d'envoyer parfois de l'argent à leur famille. Cependant, malgré tous les efforts entrepris, ces femmes se trouvent encore très démunies pour réaliser leur insertion lors de leur retour dans leur pays, même si le temps de détention a permis des acquisitions certaines.

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