Question de M. FAURE Jean (Isère - UC) publiée le 10/05/1990

M. Jean Faure appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la très récente décision de la Cour européenne des droits de l'homme qui condamne la législation et la réglementation françaises en matière d'écoutes téléphoniques au motif que celles-ci manquent de clarté et apparaissent insuffisamment protectrices des droits de l'homme. Il demande de bien vouloir lui indiquer quels sont les textes qui fondent l'actuel droit applicable en la matière. Il le prie en outre de bien vouloir lui préciser si le Gouvernement entend donner une suite à cet arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme qui condamne l'état de droit actuel applicable dans ce domaine particulièrement sensible sur lequel la rumeur et la pratique n'ont pas cessé d'inquiéter nos concitoyens.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 12/07/1990

Réponse. - D'après les articles 81 et 151 du code de procédure pénale, le juge d'instruction peut procéder, en se conformant à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. La généralité des termes de ces textes autorise le juge d'instruction à ordonner la mise sous écoutes et l'enregistrement des conversations téléphoniques lorsqu'une telle investigation lui apparaît susceptible d'apporter des éléments de preuve, à charge ou à décharge, quant à l'imputabilité d'une infraction à une personne déterminée. La Cour européenne des droits de l'homme, dans ses deux arrêts du 24 avril 1990, n'a pas contesté l'existence de ce fondement légal, mais elle a considéré que l'ensemble du dispositif juridique existant était insuffisamment protecteur des libertés individuelles. Elle a énuméré, à cette occasion, de manière non exhaustive, les conditions devant être observées en matière de mise sous écoutes téléphoniques et qui,selon elle, sont de nature à satisfaire aux prescriptions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ainsi, les enregistrements de communications ne devraient être ordonnés, d'après le cour de Strasbourg, que pour élucider les infractions les plus graves, pendant une période de temps précisée par le magistrat instructeur, mis sous scellés, retranscrits selon des modalités fixées par la commission rogatoire de ce juge, et détruits lorsqu'a été définitivement jugée l'affaire pour l'instruction de laquelle ils ont été ordonnés. La Cour européenne n'excluant pas que les garanties exigées par la convention puissent résulter de la jurisprudence, ses décisions ont été portées à la connaissance des juridictions afin que les principes qui y sont dégagés reçoivent, dès à présent, application. La chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un récent arrêt du 15 mai 1990, a d'ores et déjà précisé que les écoutes ne pouvaient être décidées qu'en cas d'infractions portant gravement atteinte à l'ordre public, et que leur résultat devait être discuté contradictoirement par les parties. Toutefois, s'agissant d'une question qui concerne la protection des libertés fondamentales, le garde des sceaux a demandé à la commission " justice pénale et droits de l'homme " d'examiner le problème posé par les écoutes téléphoniques dans le cadre de sa réflexion d'ensemble sur une réforme de la mise en état des affaires pénales.

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