Question de M. COLLETTE Henri (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 13/12/1990

M. Henri Collette appelle l'attention de M. le Premier ministre sur le trentième anniversaire du Centre d'information civique (C.I.C.) et notamment sur la proposition qu'il a faite relative à l'institutionnalisation du bulletin blanc lors des consultations, qui serait un élément " important de clarification " car il éviterait de mélanger les voix des citoyens qui s'abstiennent de voter en raison de considérations politiques avec l'abstention d'indifférence. Le C.I.C. fait, par ailleurs, remarquer que les parlementaires disposent du " vote blanc suffrage exprimé " et que " l'électeur de base " pourrait avoir le même droit que celui qu'il a délégué au Parlement. Il lui demande donc la suite qu'il envisage de réserver à cette proposition de bon sens.

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 03/10/1991

Réponse. - La règle selon laquelle les bulletins " blancs " ne sont pas comptabilisés parmi les suffrages exprimés est traditionnelle dans notre droit électoral. Elle a été pour la première fois codifiée dans l'article 30 du décret réglementaire du 2 février 1852 ; elle a été reprise dans l'article 9 de la loi du 29 juillet 1913, lequel est devenu par la suite l'article L. 66 du code électoral. Il convient tout d'abord d'établir nettement la signification qu'on doit accorder aux bulletins " blancs ". La personne qui prend soin de confectionner elle-même, et à l'avance (puisqu'il n'est pas mis à la disposition de l'électeur), son bulletin " blanc " pour l'insérer ensuite dans l'enveloppe électorale manifeste le scrupule d'accomplir exactement son devoir électoral en même temps que le souci de n'avantager aucun des candidats ou aucune des listes en présence. Qu'en serait-il de cette volonté de neutralité si les bulletins " blancs " étaient comptabilisés parmi les suffrages exprimés ? 1° Dans les élections à la représentation proportionnelle. Dans ce type de scrutin, les sièges sont attribués à des listes, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenu. Les bulletins " blancs " ne peuvent, par hypothèse, entraîner l'attribution de sièges au profit d'une liste qui n'existe pas. Que ces bulletins soient comptabilisés ou non parmi les suffrages exprimés ne modifie en rien la répartition mathématique des sièges entre les listes en présence. La réforme suggérée n'aurait d'autre effet que de compliquer inutilement les opérations de dépouillement, puisqu'il devrait être prévu une totalisation spéciale pour les bulletins " blancs ", celle-ci n'existant pas à l'heure actuelle, les bulletins " blancs " étant totalisés avec les " nuls ". 2° Pour les élections au scrutin majoritaire à deux tours (élection des députés, des conseillers généraux et des conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants). Le décompte des bulletins " blancs " parmi les suffrages exprimés aurait pour effet d'élever le chiffre de la majorité absolue. L'élection d'un candidat ou d'une liste au premier tour serait ainsi rendue plus difficile, ce qui augmenterait le nombre des seconds tours. Le résultat final ne pourrait cependant guère avoir de chance d'être modifié à l'issue du second tour, dans le cas d'un candidat ou d'une liste qui a obtenu au premier tour plus de voix que tous ses adversaires réunis. Il n'en reste pas moins que les votes blancs auraient joué au détriment du candidat ou de la liste arrivés en tête, et au détriment d'eux seuls. A la limite on peut d'ailleurs se trouver dans une " impasse " juridique, dans l'hypothèse où le nombre des bulletins " blancs " représenterait la majorité absolue des suffrages au premier tour ou leur majorité relative au second. Aucun candidat ne pourrait en effet alors être proclamé élu, si bien qu'on ne pourrait que constater la vacance du ou des sièges à pourvoir, avec la perspective d'une élection partielle pour la combler. 3° Pour l'élection présidentielle. L'article 7 de la Constitution prévoit que " le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ". Dans le régime actuel, si cette condition n'est pas réalisée au premier tour, elle l'est obligatoirement au second, puisque ne peuvent alors se présenter que " les deux candidats qui, le cas échéant, après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour ". On conçoit aisément que, si les bulletins " blancs " entrent dans le décompte des suffrages exprimés, donc dans le calcul de la majorité absolue, ils joueront automatiquement au premier tour à l'encontre du candidat arrivé en tête, son élection étant ainsi rendue plus difficile. Mais, résultat plus grave, il peut très bien se faire qu'au second tour aucun des candidats n'obtienne la majorité absolue, surtout si les deux adversaires ne sont séparés que par un nombre de voix relativement réduit. 4° Pour les référendums. En cas de référendum, un projet est adopté à la majorité des suffrages exprimés, le projet ne pourra être adopté que si le nombre des bulletins " oui " est supérieur au nombre des bulletins " non " et " blancs " réunis. Le projet pourrait même être rejeté si aucun électeur n'avait voté " non " dès lors que les votes " blancs " l'emporteraient sur les votes " oui ". Pour les référendums, voter " blancs " reviendrait ainsi à voter " non ". Comptabiliser les bulletins " blancs " parmi les suffrages exprimés serait donc sans effet pratique dans les élections à la représentation proportionnelle. Dans tous les autres scrutins, en revanche, une telle réforme irait à l'encontre de la volonté de neutralité manifestée par les électeurs qui auraient déposé un bulletin " blanc " dans l'urne. Compte tenu des observations qui précèdent, l'auteur de la question comprendra que la proposition du Centre d'information civique (C.I.C.) à laquelle il se réfère, laquelle procède en réalité d'un rapprochement abusif opéré entre les procédures de vote au Parlement et les modalités d'expression du suffrage universel, ne puisse être retenue.

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