Question de M. SOUFFRIN Paul (Moselle - C) publiée le 21/02/1991

M. Paul Souffrin rappelle à M. le ministre des affaires sociales et de la solidarité sa question écrite n° 11130 paru au Journal officiel, Sénat, Débats parlementaires, question du 26 juillet 1990, et restée sans réponse. Il attire de nouveau son attention sur les conséquences en France de l'application de la directive européenne prise le 14 juin 1989 et relative au don du sang et produits sanguins. Cette directive provoque l'inquiétude et l'opposition résolue des 780 000 membres de la Fédération française des donneurs de sang bénévoles. Son application conduira à substituer dans notre pays, aux règles qui ont été définies en 1952 - bénévolat des donneurs volontaires, anonymat vis-à-vis des receveurs, interdiction du profit pour les organismes collecteurs -, les règles qui régissent les lois du marché et la recherche du profit. Dans ce domaine, la France est devenue un modèle, pour de nombreux pays, pour l'O.M.S. tant d'un point de vue moral, parce que les principes adoptés en 1952 mettent à l'abri de l'exploitation les personnes les plus pauvres qui ont le plus de difficultés à conserver leur santé, que d'un point de vue de la sécurité offerte aux donneurs bénévoles et aux receveurs, ou d'un point de vue de la qualité des produits sanguins, par les tests et examens de contrôle subis par les dons du sang. Il lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour que cette directive affirme de façon non équivoque et obligatoire le principe d'auto-suffisance basé sur les dons volontaires anonymes et bénévoles de sang et des produits et dérivés sanguins, principe qui assurerait la pérennité de l'éthique transfusionnelle étendue à l'ensemble des pays membres de la Communauté.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 31/03/1992

Réponse. - Le bénévolat est une des règles fondamentales sur lesquelles repose l'organisation du don de sang en France. Les autorités sanitaires françaises ont, de façon constante, proclamé leur attachement à ce principe et leur volonté de le protéger, pour une double raison. Sur le plan éthique, le bénévolat protège le donneur de toute exploitation de son corps par autrui ou par lui-même. Sur le plan de la sécurité transfusionnelle, la plus grande vigilance sur la qualité de la matière première sanguine ou plasmatique est un devoir vix-à-vis du malade. Un donneur rétribué, craignant d'être évincé du don et donc de perdre sa rémunération, risque de dissimuler au médecin préleveur des informations sur son état de santé, faisant ainsi courir un danger éventuel aux receveurs de produits sanguins préparés à partir de son don. La position française a inspiré de nombreuses recommandations du conseil de l'Europe, de l'Organisation mondiale de la santé et la directive C.E.E./89/381 relative aux médicaments dérivés du sang ou du plasma humains adoptée le 14 juin 1989, y fait également référence. De nombreux pays de la Communauté sont sensibles à ces arguments, bien que leur système soit différent du notre. Il convient cependant de noter que, dans la plupart d'entre eux, le don de sang total ou de cellules est totalement gratuit, organisé par un service national de santé comme en Grande-Bretagne ou par les services de la Croix-Rouge (R.F.A., Luxembourg, Belgique). Le donneur de plasma, quant à lui, peut être soit totalement bénévole (comme en Belgique) soit indemnisé (remboursement des frais de déplacement) soit encore rémunéré directement en espèces (R.F.A.). Il y a, dans ce dernier cas seulement, un risque effectif de dérive qui exige en France la mobilisation de tous (établissement de transfusion, donneurs de dang, pouvoirs publics). Les représentants de la France dans les instances de la C.E.E. oeuvrent, quant à eux, pour que les autorités sanitaires, les industriels et les associations des donneurs des pays concernés se mobilisent également contre cette situation. Certains faits doivent, d'ores et déjà, être considérés comme positifs. En particulier, une coordination formelle a été mise en place pour que les experts du Conseil de l'Europe et ceux de la C.E.E. travaillent de concert afin que les objectifs économiques du grand marché ne prennent le pas sur les exigences éthiques de l'activité transfusionnelle. De plus, la création en 1990 de l'association européenne des centres de fractionnement non profit est une initiative importante et prometteuse. Pour ce qui concerne la France, une nouvelle réglementaion est en cours d'élaboration pour adapter les dispositions de la directive européenne sans remettre en cause le principe du bénévolat du donneur de sang ou de plasma. De plus un projet de loi est également à l'étude pour réaffirmer le principe de la non-patrimonialité du corps humain et de s
es produits (sang, organes, tissus). Ces travaux sont complexes car ils doivent prendre en considération de multiples facteurs (éthiques, juridiques, scientifiques, médicaux, économiques...) qui tous méritent une réflexion approfondie. Les représentants des établissements de transfusion sanguine et des donneurs de sang sont d'ailleurs étroitement associés à ces travaux, connaissent les orientations retenues et seront bien entendu les premiers informés des mesures concrètes qui seront décidées.

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