Question de M. LAURIOL Marc (Yvelines - RPR) publiée le 22/04/1993

M. Marc Lauriol expose à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, qu'aux termes de l'article 21-1-2 du code de la nationalité l'enfant né en France de parents étrangers et à qui n'est attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des parents est français. D'autre part, en vertu de l'article 15-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la carte de résident est délivrée de plein droit à l'étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France, à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Selon certains renseignements, des étrangers colombiens et péruviens, se prévalant de ces dispositions et en remplissant les conditions, voient leurs demandes de cartes de résident demeurer sans réponse. En conséquence, il lui demande : 1° si ces renseignements sont exacts ; 2° dans l'affirmative, quelle est la raison du silence de l'administration et quelle en est la base légale ; 3° si l'article 21-1 du code de la nationalité instituant une sorte de nationalité française exutoire de l'état d'apatride, lui paraissant mal venu, il envisage d'en proposer la modification.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 19/05/1994

L'honorable parlementaire évoque le cas de certains étrangers originaires de Colombie ou du Pérou qui, pour faire échec à des mesures de reconduite à la frontière dont ils sont l'objet, s'abstiennent d'effectuer des démarches auprès de leurs autorités pour obtenir un certificat de nationalité française pour leur enfant né en France ou obtiennent des autorités de leur pays des attestations précisant que leur enfant résidant à l'étranger (en l'occurrence en France) n'a pas la nationalité de leur pays. En effet, la législation de certains pays d'Amérique latine, notamment du Pérou et de la Colombie, n'accorde pas de plein droit la nationalité correspondante aux enfants d'un couple de leurs ressortissants lorsque celui-ci naît à l'étranger. L'attribution de la nationalité des parents suppose soit de « fixer sa résidence » (cas de la Colombie, mais l'enregistrement au consulat de Colombie en France vaut en la matière domiciliation), soit, dans le cas du Pérou, l'accomplissement de formalités administratives qui sont considérées sur le plan juridique comme « substantielles ». Ils en tiraient argument pour affirmer que leur enfant est français puisque l'article 21-1-2 du code de la nationalité (nouvel article 19-1-2 du code civil en application de la loi du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité) prévoit qu'est français l'enfant né en France de parents étrangers et à qui n'est attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des deux parents. De ce fait, les parents se plaçaient de leur propre chef dans les conditions de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en ce qui concerne l'inexpulsabilité (art. 25-5) ainsi que la délivrance de plein droit d'une carte de résident (art. 15-3). S'il n'a pas été jugé opportun de modifier les dispositions de l'article 21-1-2 du code de la nationalité pour lutter contre ce détournement de procédure, en revanche, il convient de souligner que l'article 15 nouveau de l'ordonnance de 1945 précitée, dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, réintroduit la condition de situation régulière pour l'obtention d'une carte de résident de plein droit et permet ainsi d'éviter que l'article 19-1-2 du code civil soit détourné de son objet. Enfin, il est rappelé qu'en application de la doctrine et de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE 12 avril 1935 Sarovitale ; CE 7 juin 1955 Silberstein ; CE 1er mars 1976 Todeschive ; avis du Conseil d'Etat du 25 octobre 1992 Abihilali) la fraude est une circonstance qui permet à l'autorité administrative de faire échec à la théorie des actes créateurs de droit. En conséquence, dans le cas de ces personnes, l'administration est parfaitement fondée sur le plan juridique, en application du principe fraus omnia corrumpit, à refuser la délivrance de la carte de résident qu'elles sollicitent.

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