Question de M. LE GRAND Jean-François (Manche - RPR) publiée le 10/06/1993

M. Jean-François Le Grand attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle sur les incohérences d'application de la loi 92-1446 du 31 décembre 1992 contraignant un employeur à licencier un salarié victime d'une inaptitude au travail non professionnelle et à lui verser une indemnité de licenciement. En effet, il paraît d'une évidence absolue que, pour qu'il y ait licenciement il faut qu'il y ait volonté de rompre de la part d'un employeur, or la loi du 31 décembre 1992, institue pour la première fois en France une obligation de licencier un salarié inapte ou, si cela n'est pas fait, de lui verser un salaire sans contrepartie de travail ce qui constitue une amende pour l'entreprise et une rente pour le salarié et est contraire aux grands principes constitutionnels selon lesquels une personne en état d'incapacité doit être prise en charge par la collectivité et non par l'entreprise. Lorsque s'ajoute en plus l'application de l'article L 312-13 du code du travail obligeant l'entreprise ayant licencié à payer " la contribution supplémentaire ", l'incohérence est à son comble : l'entreprise obligée de procéder à un licenciement par un texte de loi est sanctionnée par un autre texte pour avoir procédé à ce licenciement. En conséquence il lui demande les mesures qu'il entend prendre pour corriger ces incohérences dans l'application de la loi.

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Réponse du ministère : Travail publiée le 12/08/1993

Réponse. - Depuis 1990, la jurisprudence de la Cour de cassation a posé le principe selon lequel la rupture du contrat de travail d'un salarié atteint d'une invalidité le rendant inapte à exercer toute activité dans l'entreprise s'analyse en un licenciement qui donne lieu à la procédure de droit commun et ouvre droit à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. L'article 32 de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 a consacré cette évolution jurisprudentielle en complétant la protection des salariés dont l'inaptitude est d'origine professionnelle et en instituant des garanties de reclassement ou d'indemnisation en faveur de ceux dont l'inaptitude n'est pas d'origine professionnelle. Ainsi, les nouvelles dispositions généralisent l'obligation de reclassement par l'employeur de tout salarié qui, à l'issue d'une période de suspension de son contrat de travail consécutive à une maladie ou un accident, est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre son précédent emploi. Le salarié est assuré de percevoir sa rémunération à l'expiration d'un délai d'un mois permettant à l'employeur de le reclasser conformément aux propositions du médecin du travail ou, en cas d'impossibilité de donner suite à ces propositions, de le licencer. Dès lors que tout licenciement pour faute nécessite une procédure de licenciement et ouvre droit à indemnité, sauf en cas de faute grave ou lourde, il ne paraît pas opportun de remettre en cause ces dispositions. Par ailleurs, la cotisation prévue à l'article L. 321-13 du code du travail est due pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de cinquante ans ou plus ouvrant droit au versement de l'allocation d'assurance chômage. Le montant de cette cotisation, fixé par décret, varie selon l'âge du salarié, d'un à six mois de salaire brut. Les employeurs peuvent, cependant, bénéficier, s'ils remplissent les conditions requises, de l'un des cas d'exonération prévus par l'article L. 321-13. Toutefois, le licenciement pour inaptitude physique du salarié ne constitue pas, en tant que tel, un cas d'exonération de la cotisation. Le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle est conscient des charges qui peuvent résulter, en particulier pour les petites entreprises, du licenciement d'un salarié devenu inapte. C'est pourquoi il étudie actuellement les solutions qui pourraient être apportées à ces difficultés tout en préservant les droits des salariés. Il ne manquera pas d'informer l'honorable parlementaire des mesures qui seront prises à cet effet.

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