Question de M. DELEVOYE Jean-Paul (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 17/03/1994

M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions dans lesquelles sont rendues des décisions de justice par les cours d'assises. En effet, alors qu'en matière correctionnelle, toute décision doit être motivée et peut faire l'objet d'un appel, les cours d'assises peuvent prononcer de très lourdes condamnations, sans possibilité de recours sur le fond. Avec la criminalisation de certains délits, désormais susceptibles d'être examinés par les cours d'assises, il apparaît qu'une réflexion et une réforme s'imposent à l'égard d'une juridiction qui peut prononcer des condamnations insusceptibles d'appel. Il lui demande de lui préciser s'il envisage, effectivement, la mise en oeuvre d'une réflexion et éventuellement d'une réforme relatives aux cours d'assises.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 02/06/1994

Réponse. - La création d'une juridiction d'appel en matière criminelle répond assurément à de légitimes préoccupations, mais elle se heurte à de sérieuses difficultés. Il est en effet paradoxal que les décisions des cours d'assises qui prononcent les peines les plus lourdes de notre arsenal répressif ne soient susceptibles que d'une voie de recours exceptionnelle, le pourvoi en cassation, alors que les jugements en matière conventionnelle ou délictuelle peuvent être frappés d'appel. Mais une telle situation s'explique par des raisons historiques et philosophiques puisque l'institution du jury populaire en matière criminelle est apparue comme une conquête révolutionnaire, propre à restituer aux citoyens une justice qui, sous l'Ancien Régime, était retenue par le souverain, et à conforter l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l'exécutif. Cependant, le principe d'un double degré de juridiction en matière criminelle comme celui d'une motivation des décisions rendues par les cours d'assises est traditionnellement considéré comme difficilement compatible avec la composante populaire de ces juridictions. En effet, le caractère souverain des décisions rendues par les cours d'assises découle de l'existence même d'un jury populaire désigné par le sort. L'existence de l'appel est en revanche étroitement liée à celle d'une hiérarchie parmi les magistrats professionnels, puisque l'affaire est soumise à nouveau sur le fond à l'appréciation de magistrats plus âgés et plus expérimentés que ceux du premier ressort. Or, ce fondement du droit d'appel ne vaut pas en matière criminelle. Toute modification de la procédure criminelle devrait être nécessairement soumise à une large concertation dès lors qu'elle remettrait profondément en cause notre organisation judiciaire. Une éventuelle réforme qui ne saurait être adoptée dans la précipitation, en réponse à des procès sans doute exagérément médiatisés devrait avoir aussi pour finalité d'alléger la tâche des juridictions et d'améliorer le déroulement des procédures, y compris lors de l'audience, et d'instituer un véritable statut du juré.

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