Question de M. ROCCA SERRA Jacques (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 14/04/1994

M. Jacques Rocca Serra appelle l'attention de M. le ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur sur le travail des enfants dans le monde. En effet, selon des rapports internationaux, 100 à 200 millions d'enfants dans le monde travailleraient, parfois dès leur plus jeune âge. Dans certains pays d'Asie, les enfants représenteraient jusqu'à 11 p. 100 de la main d'oeuvre totale. Il est vrai que le souci de favoriser le développement économique par le biais du commerce a, dans la perspective ouverte par le théorie des avantages comparatifs, largement dominé l'organisation des échanges internationaux de ces dernières décennies. L'ouverture des marchés occidentaux aux exportations en provenance de pays à faibles coûts sociaux et à législation minimale en la matière, outre qu'elle va à l'encontre des principes sur lesquels sont fondées nos sociétés, met en difficulté nos entreprises fortement employeurs de main d'oeuvre et alimente une forte tentation protectionniste. Face à cette situation, d'aucuns, notamment au Parlement européen, proposent diverses solutions : l'introduction de clauses dans les accords de commerce, notamment dans le cadre du GATT ; l'application plus généralisée d'un nombre minimum de conventions de l'OIT ; une meilleure utilisation, au profit de l'innovation sociale et du respect des droits de l'homme au travail, de nos investissements à l'étranger ; l'insertion, dans le nouveau schéma décennal du système de préférences généralisées, d'une clause sociale incitative prévoyant un traitement préférentiel aux pays qui respectent les conventions du travail ; etc. Il lui demande en conséquence quelle réflexion ou quelle action le Gouvernement français mène-t-il, ou envisage-t-il de mener, pour sa part, en ce domaine précis.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 23/06/1994

Réponse. - L'honorable parlementaire a attiré l'attention du Gouvernement sur la situation préoccupante des enfants contraints de travailler, souvent sans protection, dans certains pays, et sur les avantages indus que peuvent en retirer ces pays du fait de l'ouverture internationale des échanges. Cette préoccupation est partagée par le Gouvernement qui a constamment plaidé au cours de la négociation du GATT pour que ce problème puisse être traité dans le cadre de la future Organisation mondiale du commerce. Cet objectif a été atteint lors de la conférence ministérielle du GATT à Marrakech. Une approche multilatérale des relations entre questions sociales et commerciales permettrait en effet de développer des principes acceptables par tous, d'organiser la coopération entre les diverses institutions responsables et de conforter le progrès sur la voie de l'interdépendance des économies. Le but recherché est clair : lutter contre les dangers de dérives protectionnistes en associant pays en voie de développement et pays industrialisés dans la définition de disciplines communes, garantissant la loyauté de la concurrence et le respect des avantages comparatifs de chacun. Le comité intérimaire de l'OMC, dont la création a été décidée à Marrakech en avril 1994, aura pour tâche de jeter les bases d'une prise en compte des objectifs sociaux dans le développement des échanges et d'organiser la coopération entre l'OMC et les institutions responsables telles que l'Organisation internationale du travail (OIT). Cette coopération devrait être fondée sur trois principes fondamentaux, qui concilient la diversité des situations nationales avec les bases d'un multilatéralisme renforcé afin d'éviter toute mesure protectionniste de la part de pays importateurs : le respect de normes minimales, à caractère principalement humanitaire : interdiction du travail forcé (déjà reconnue par l'article XX du GATT), du travail des enfants en particulier, liberté syndicale et liberté de négociation collective ; la proportionnalité entre le degré de protection sociale et le niveau de développement, proportionnalité qui pourrait faire l'objet d'examen par l'OIT ; le respect par chaque pays des normes agréées internationalement et de sa propre législation sociale : c'est en cas de manquement à cette obligation que pourrait être envisagé, le cas échéant, le recours au système de règlement intégré des différends de l'OMC. Enfin, la prise en compte de la dimension sociale dans le système des préférences généralisées de la Communauté mérite d'être étudiée.

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