Question de M. LE JEUNE Edouard (Finistère - UC) publiée le 20/10/1994

M. Edouard Le Jeune attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le phénomène des sectes en France. On recense 167 sectes dans notre pays. Elles regroupent environ 100 000 adeptes, en majorité des jeunes de moins de trente ans. Les sectes en France n'ont pas de statut juridique particulier et il n'existe pas de restrictions spécifiques à leurs activités. Leur liberté d'expression et de recrutement est entière dès qu'elles ont été déclarées associations au titre de la loi du 1er juillet 1901. Ces organisations savent déployer de grands moyens afin de détecter les personnes psychologiquement en difficulté et user de stratagèmes afin de les rallier à leur cause. Il lui demande, en conséquence, s'il entend prendre des mesures afin de mieux protéger les citoyens français des dangers que représentent de tels mouvements.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 22/12/1994

Réponse. - Les activités des associations pseudo-religieuses sont suivies avec une particulière attention par les services de mon département, ainsi que, à sa demande, et selon le problème posé, par les autres départements ministériels. En premier lieu, l'administration veille à ce que de telles associations ne bénéficient pas de l'article 19 de la loi du 9 juillet 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat qui permet aux associations ayant exclusivement pour objet l'exercice d'un culte de recevoir des dons et legs et divers avantages fiscaux. Elle ne leur a jamais non plus accordé la reconnaissance légale au contrat d'association, statut qui entraîne des avantages analogues à ceux consentis aux associations reconnues d'utilité publique. En second lieu, l'administration veille à ce que ces groupements, sous couvert de la liberté d'association, n'attentent pas aux libertés individuelles et dénonce à cet effet tout agissement imputable à des dirigeants ou à des adeptes qui lui paraissent répréhensibles : au regard des dispositions pénales de caractère général (séquestration de personnes, détournement de mineurs, outrage aux bonnes moeurs, escroquerie et abus de confiance, publicité mensongère, colportage et quête sur la voie publique, provocation à la discrimination raciale...) ; au regard des législations ou réglementations plus spécifiques (fiscalité, contrôle des changes, droit des sociétés, droit du travail, législation sociale, commerce, enseignement, sécurité des établissements recevant du public...). L'efficacité réelle de ces mesures ne peut cependant empêcher que nombre de poursuites ne peuvent aboutir en raison tant des difficultés que pose la réunion des éléments de preuve que des moyens dont disposent les sectes qui leur permettent de tirer profit de tous les artifices de procédure tels la dissolution spontanée et la reconstitution sous une nouvelle appellation. S'agissant de la création d'une incrimination spécifique telle que le " viol des consciences ", cette possibilité a été écartée jusqu'à présent en raison des dangers qu'elle ferait peser sur la liberté d'opinion. De plus, les adeptes des sectes sont très généralement des adultes libres de tout lien de subordination à l'égard de leur entourage. En tout état de cause, cette surveillance et ces mesures ne peuvent entièrement répondre au problème posé dès lors que l'arsenal répressif ne peut à lui seul résoudre ce qu'il faut bien qualifier de problème de société. Le rapport de M. Vivien remis au Premier ministre il y a dix ans n'a pas eu de véritable suite jusqu'à présent. Cela montre bien la difficulté éprouvée par les gouvernements successifs pour traiter convenablement la question. La politique des pouvoirs publics en dehors des aspects répressifs doit à l'évidence promouvoir la prévention et l'éducation, notamment au bénéfice des jeunes afin que ceux-ci puissent exercer leur discernement. C'est en effet le plus souvent faute d'équilibre moral qu'ils sont victimes de tentatives de captation et de mise sous influence. Le débat engendré par de récentes affaires permet aussi de relayer auprès de chacun l'information complète à propos du danger que représentent certains agissements de sectes. Cette politique d'information est utile pour renforcer les défenses individuelles des personnes les plus vulnérables contre toute forme de conditionnement ou d'aliénation. En définitive nous devons bien considérer l'emprise nouvelle acquise par certaines sectes comme un risque d'obscurantisme opposé aux valeurs républicaines. Il s'agit là d'un symptôme révélateur de la crise que certains peuvent traverser. Il appartient à la puissance publique et, d'une manière générale, à la société d'aider autant qu'il est possible les personnes concernées à retrouver leurs attaches avec leur environnement et leur place normale dans la vie sociale. ; révélateur de la crise que certains peuvent traverser. Il appartient à la puissance publique et, d'une manière générale, à la société d'aider autant qu'il est possible les personnes concernées à retrouver leurs attaches avec leur environnement et leur place normale dans la vie sociale.

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