Question de M. MIROUDOT Michel (Haute-Saône - RI) publiée le 12/01/1995

M. Michel Miroudot rappelle qu'un décret du 25 novembre 1977 a institué les arrêtés de protection du biotope afin de prendre localement et ponctuellement des mesures tendant à favoriser la conservation de milieux tels que mares, marécages, haies, bosquets, landes, dunes... ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l'homme, dans la mesure où ils sont nécessaires à l'alimentation, la reproduction, le repos ou la survie d'espèce protégées en France, mesure souple de protection, facile à mettre en oeuvre puisque la création de biotopes protégés est de compétence préfectorale. Originellement conçue dans un dessein d'usage exceptionnel pour des opérations de sauvegarde, cette procédure longtemps ignorée (l'arrêté de protection du biotope ne fut pris qu'en 1980 à propos des marais de Bruges) est devenue l'outil de protection des milieux indispensables à la vie ou à la survie des espèces à protéger. Actuellement, plusieurs dizaines d'arrêtés de biotope ont été pris, s'adaptant à des cas très divers comme la protection des sites de nidification, le maintien de la valeur esthétique et écologique de rives, la sauvegarde de marais, etc. Les espèces fossiles, et plus généralement le patrimoine géologique (intégrant le patrimoine paléontologique, minéralogique et géomorphologique), particulièrement menacé par les trafics et les pillages de tout ordre, ne bénéficient jusqu'ici d'aucune mesure de protection spécifique tendant à favoriser localement et ponctuellement la sauvegarde d'un site géologique d'intérêt scientifique du même type que l'arrêté de protection du biotope. De la même manière, les ZNIEFF (zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique) mises en place pour dresser un inventaire national des sites intéressant la faune et la flore n'intègrent que très rarement la notion de patrimoine géologique. Les protections existantes : réserves naturelles, réserves naturelles volontaires..., ne répondent que partiellement à ce problème. Les procédures sont longues et limitées. Or le patrimoine géologique national reste fort dispersé, intégrant aussi bien les sites géologiques historiques (carrière abandonnée, comportant un stratotype par exemple), les sites paléontologiques (gisements de fossiles...) que les sites minéralogiques ou géomorphologiques (modelé glaciaire fossile par exemple...). Il demande donc à M. le ministre de l'environnement de bien vouloir étudier un outil institutionnel adapté et facile à mettre en oeuvre afin d'assurer la protection du patrimoine géologique local et ponctuel du même type que les arrêtés de protection du biotope décrits ci-dessus. Cet outil devrait permettre d'assurer également la mise en réseau de différents sites. De la même manière, il l'interroge pour lui demander l'extension du programme d'inventaire ZNIEFF à l'ensemble du patrimoine géologique mettant en oeuvre un dispositif et un protocole d'étude spécifiques à ce patrimoine.

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Réponse du ministère : Environnement publiée le 13/04/1995

Réponse. - Il est tout à fait normal que les ZNIEFF (zones naturelles d'intérêt écologique floristique et faunistique), conçues pour répertorier le patrimoine biologique, n'intègrent pas les préoccupations géologiques. Il ne paraît pas souhaitable de modifier aujourd'hui le contenu thématique de ces ZNIEFF qui ont mis plus de dix ans à s'imposer auprès des décideurs et des acteurs locaux comme des outils scientifiques d'évaluation de la valeur patrimoniale des milieux naturels vivants. Il est, en revanche, bien clair que la mise en place sur l'ensemble du pays d'un véritable système de protections du patrimoine fossile et minéralogique devra s'appuyer sur des inventaires qui permettront de mettre en évidence la patrimoine national, de le faire reconnaître, et de protéger ses éléments les plus remarquables. L'organisation et la mise en place de cet inventaire pourrait, dans une certaine mesure, s'inspirer de ce qui a été fait pour les ZNIEFF : prospection systématique du territoire, utilisation des réseaux de connaissance, des associations et des universités locales, etc... Mais il est clair que la spécificité du domaine géologique fera que les méthodes employées, les experts mobilisés, les systèmes de collecte et les grilles d'interprétation et de classement seront notablement différents de ce qui a été fait pour les ZNIEFF et que ces inventaires seront tout à fait spécifiques. Il ne paraît pas possible non plus d'appliquer tel quel à la protection du patrimoine géologique le système des arrêtés préfectoraux de protection des biotopes qui s'appuie sur la notion " d'espèce protégée " dont la transposition au domaine géologique paraît hasardeuse, et surtout celles de " milieu de vie " et de " relation entre l'espèce et son milieu " qui n'ont plus aucun sens pour la monde minéral. On peut, en revanche, essayer de trouver un système de protection léger et décentralisé comme l'est celui des arrêtés de biotopes, ... mais sans méconnaître non plus les difficultés juridiques posées par la protection d'éléments du sol et du sous-sol en matière de droit de la propriété. Depuis la promulgation de la loi no 95-101 du 2 février 1995, il n'est plus possible de dire qu'il n'existe aucune protection juridique possible pour la sauvegarde des sites géologiques contenant des fossiles et des sites minéralogiques même si le système est en cours de mise en place. En effet, l'article 56 permet de fixer des sites fossilifères protégés sur lesquels la destruction et l'enlèvement des fossiles est interdite et l'article 93 permet de faire de même pour les sites minéralogiques. Ce système de désignation de site présente certaines similitudes avec les arrêtés de biotope. Les conditions d'application de ces deux articles devront être précisées par des décrets en Conseil d'Etat qui indiqueront en particulier quelle autorité sera amenée à désigner un site protégé et qui préciseront les expertises et les consultations n écessaires. Lorsque ces décrets auront été pris, ils constitueront la base juridique d'un nouveau système de protection du patrimoine fossile et minéralogique. La protection du patrimoine fossile et minéralogique constituera, une fois ce système juridique mis en place, une mission de l'Etat tout à fait nouvelle pour laquelle il sera nécessaire de dégager, lors de l'examen des lois de finances, des moyens en personnel nouveaux et des ressources financières nouvelles. Ces moyens ne sauraient évidemment être pris sur ceux que le ministère de l'environnement consacre à la protection du monde vivant.

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