Question de M. DELEVOYE Jean-Paul (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 02/02/1995

M. Jean-Paul Delevoye attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur les difficultés de mise en oeuvre par les maires de la note aux préfets du 27 novembre 1991 établie par son prédécesseur, relative à l'interdiction de l'organisation de spectacles dits de " lancers de nains ", recommandant aux maires d'user de leurs pouvoirs de police pour interdire ces spectacles sur le territoire de leurs communes, en se référant, en particulier, à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, les maires qui, à la demande expresse des préfets, prennent un arrêté municipal d'interdiction d'un spectacle de cette nature, voient ces textes réglementaires annulés par les tribunaux administratifs pour défaut de base légale, celle-ci ne pouvant être constituée d'une simple note du ministre de l'intérieur aux préfets. Il constate donc l'existence d'un réel vide juridique et il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures il compte prendre pour le combler.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 02/03/1995

Réponse. - Le spectacle dit de " lancers de nains " se caractérise par son aspect brutal, et attentatoire à la dignité de la personne. Le ministre de l'Intérieur, lorsqu'il a eu connaissance de l'organisation de telles manifestations dans des discothèques, a réagi par une circulaire en date du 27 novembre 1991. En rappelant que les " principes de liberté d'expression et de liberté de commerce trouvent leurs limites lorsque sont gravement compromis les impératifs d'ordre, de moralité et de santé publics ", la circulaire prescrit aux préfets d'inviter les maires à une grande vigilance. Il va de soi que cette circulaire, en visant les impératifs de moralité d'ordre et de sécurité publics, se réfère aux pouvoirs de police administrative des maires (art. L. 131-2 du code des communes). L'étendue des pouvoirs de police des maires sur les spectacles a été précisée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt de principe " films Lutetia " du 18 décembre 1959. Cette décision a considéré l'immoralité d'un spectacle comme un motif valable d'interdiction d'un spectacle dans une commune, si cette immoralité est déterminée par des circonstances locales concrètes et précises. En visant l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants, la circulaire soulignait le caractère irréfragable de certains droits à l'égard desquels la vigilance des autorités locales était appelée comme elle l'était sur les impératifs d'ordre et de sécurité strictement entendus. Une large part de l'opinion publique a d'ailleurs fait entendre son émotion et son indignation à l'égard de ces exhibitions. Cette circulaire du 27 novembre 1991 ne peut pas fonder, à elle seule, un arrêté municipal d'interdiction, lequel doit nécessairement, pour sa légalité, comme toute mesure de police administrative locale, se référer à l'article L. 131-2 du code des communes et être motivé en fait par l'énoncé des circonstances locales concrètes et précises justifiant la mesure. Les maires qui ont méconnu ces exigences de motivation inhérentes à toute mesure de police ont vu leurs décisions annulées par le juge administratif.

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