Question de M. RÉGNAULT René (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 23/02/1995

M. René Regnault souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les conditions dans lesquelles, le 20 décembre dernier, à l'Assemblée nationale, a été discutée et adoptée la loi portant adaptation de la législation française à la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les criminels de guerre de l'ex-Yougoslavie depuis 1991. Déplorant l'imprécision de certains articles défavorables aux victimes des atrocités, il l'interroge sur le rejet des amendements proposés par la commission des lois, lesquels étaient aussi soutenus par les parlementaires socialistes, et plus singulièrement quant aux conséquences juridiques d'un tel texte dont la plus grave consiste, du fait du principe très affirmé en droit français de la non-rétroactivité des lois, dans l'impossibilité de punir les crimes commis avant le 1er mars 1994. Aussi, lui demande-t-il quels moyens il compte mettre en oeuvre pour que la loi en question puisse être appliquée de la façon la plus intégrale et profonde possible.

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Transmise au ministère : Justice


Réponse du ministère : Justice publiée le 20/07/1995

Réponse. - Le garde des sceaux est en mesure d'assurer à l'honorable parlementaire que les dispositions de la loi du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française à la résolution 827 du conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les criminels de guerre de l'ex-Yougoslavie, qui ont été commentées dans la circulaire du 10 février 1995 publiée au Journal officiel du 21 février 1995, permettent aux juridictions françaises de coopérer aussi efficacement que possible avec le tribunal international. La définition du champ d'application de la loi par son article 1er, qui dispose que sont concernées les violations graves du droit humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie constituant " des crimes et délits définis par la loi française " ne limite en rien l'étendue de la répression. En effet, comme le précise la circulaire du 10 février 1995, le rappel du principe de la double incrimination ne soulève aucune difficulté d'application compte tenu de la nature et de la gravité des agissements visés par le statut, ces agissements ayant toujours été incriminés en droit français. En particulier, le fait que le génocide et les autres crimes contre l'humanité ne constituent dans notre droit des incriminations spécifiques que depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal le 1er mars 1994 est sans incidence, ces comportements ayant toujours été pénalement sanctionnés par les textes antérieurs, tels que ceux réprimant les homicides volontaires, les violences, les enlèvements et les séquestrations. Il n'existe donc aucun obstacle à la répression des auteurs de faits commis avant le 1er mars 1994. Par ailleurs, en ce qui concerne les victimes de ces agissements qui se seraient réfugiées en France, la circulaire donne pour instructions aux parquets de procéder ou de faire procéder à leur audition dans le cadre d'enquêtes préliminaires, afin de conserver leur témoignage en cas de poursuites ultérieures. Le fait que la compétence des tribunaux français - comme c'est traditionnellement le cas en matière de compétence universelle - soit limitée aux hypothèses dans lesquelles les auteurs de tels faits seraient trouvés sur le territoire national ne porte donc en rien atteinte aux intérêts des victimes.

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