Question de M. RAUSCH Jean-Marie (Moselle - R.D.E.) publiée le 06/04/1995

M. Jean-Marie Rausch attire l'attention de M. le Premier ministre sur la tendance actuelle, dans le domaine du commerce international, à la conclusion d'accords régionaux du type de l'Alena. En effet, parallèlement au GATT, plusieurs initiatives d'envergure de ce type ont eu lieu depuis quelques mois, réunissant des pays aux niveaux de développement très différents, dont le but est de renforcer en unifiant la puissance économique de l'Amérique du Nord. Doit-on considérer ces accords comme une alternative à la libéralisation du commerce mondial ? On ne peut exclure la constitution de blocs commerciaux rivaux, même si leur développement n'est pas nécessairement l'hypothèse la plus probable pour l'avenir. Mais on ne peut considérer que l'intégration régionale risque d'affaiblir l'élan politique et économique indispensable aux négociations multilatérales. En maîtrisant les difficultés nées de l'ouverture des frontières, l'exemple de la CEE constitue une propédeutique utile. Le commerce international reste dominé par les rapports de force entre les nations et la perspective d'une autorité commerciale mondiale représente l'enjeu des années 2000. Il souhaiterait savoir quelle est l'option choisie par la France et l'action qu'elle envisage de mener à l'issue de l'Uruguay Round et après la nomination du directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, qui a déjà donné lieu à des controverses.

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Transmise au ministère : Industrie


Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 24/08/1995

Réponse. - La position de la France concernant la conclusion d'accords régionaux, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), est la suivante. Tout d'abord, la France participe, par l'intermédiaire de l'Union européenne, à un réseau d'accords régionaux sans équivalent, l'Union européenne étant elle-même l'accord régional commercial le plus achevé qui existe. Les accords de l'Union s'organisent ainsi en trois cercles concentriques : - un cercle régional des pays qui ont vocation à adhérer à l'Union européenne (espace économique européen, pays d'Europe centrale, pays Baltes, Chypre et Malte) ; ces accords prévoient le libre-échange, mais vont bien au-delà puisqu'ils comprennent l'extension du marché unique et des efforts de rapprochement des législations ; - des accords préférentiels dans la zone d'influence de l'Union européenne (Turquie et Méditerranée) ; il s'agit tantôt d'accords réciproques (union douanière avec la Turquie) et tantôt d'accords asymétriques (Maroc, Tunisie) qui ont vocation à être transformés en accords de libre-échange. La Communauté envisage désormais des accords de libre échange avec des pays plus lointains (Afrique du Sud, Mercosur) dépassant ainsi la logique initiale des zones d'influence ; - des accords dont la vocation est d'assurer le développement des pays bénéficiaires : il s'agit de la convention de Lomé, qui accorde un accès préférentiel non réciproque et un soutien financier, des accords de partenariat de coopération avec les pays de la CEI et, finalement, du système des préférences généralisées qui ouvre l'accès au marché communautaire à certains produits pour environ 130 pays. La Communauté a également conclu avec plusieurs pays d'Asie et d'Amérique latine des accords de coopération sans préférence commerciale. Parallèlement à cette action régionale, l'Union européenne a toujours été un participant très actif aux négociations commerciales multilatérales du GATT, maintenant de l'OMC, et se veut le plus fidèle défenseur des règles qui en sont issues. L'action des Etats-Unis en matière d'ingégration régionale est beaucoup plus récente et limitée. Après la mise en place du libre-échange nord américain (Alena), les Etats-Unis ont lancé l'objectif des zones de libre-échange avec la zone Asie Pacifique à l'horizon 2010 et avec l'ensemble du continent américain. Ces ambitions pourraient, si elles étaient menées à leur terme, effectivement conduire à la constitution de " blocs commerciaux ", dont serait exclue essentiellement l'Afrique. Il reste qu'elles sont loin d'être effectives et que les Etats-Unis semblent s'intéresser davantage à des mesures moins voyantes mais plus faciles à mettre en oeuvre, par exemple le rapprochement des normes. Cette lenteur contraste avec l'agressivité mise par les Etats-Unis à pousser les négociations strictement bilatérales, notamment avec le Japon. Ensuite, la France estime désormais prioritaire d'assurer le bon fonctionnement de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'Union européenne a été à l'origine de la création de l'Organisation multilatérale du commerce, qui entraîne un renforcement considérable du système commercial multilatéral. Elevée au rang d'institution internationale, l'OMC est chargée du bon fonctionnement d'un mécanisme de règlement d'un différend obligatoire et contraignant. Par ailleurs, la Communauté a obtenu, au prix d'une action intense, que M. Ruggiero soit nommé président de cette organisation. La France a largement contribué à ces résultats. Le premier objectif est, dès lors, d'assurer le bon fonctionnement de l'OMC et de privilégier la libéralisation multilatérale du commerce. C'est pourquoi l'Union européenne a joué un rôle de premier plan dans la négociation en cours à l'OMC sur les services financiers et qu'elle surveille très attentivement les actions bilatérales des Etats-Unis et leur tendance persistante à recourir à des instruments unilatéraux comme la section 301. Cette priorité ne signifie aucunement un renoncement à la politique d'accords bilatéraux préférentiels d'autant que notre pays considère que action multilatérale et accords commerciaux régionaux se complètent et se renforcent. Une étude de l'OMC elle-même a conclu en ce sens, rompant avec un discours stéréotypé qui reprochait, à tort, aux unions régionales de nuire à la libéralisation de ces échanges et dont l'exemple le plus excessif était la critique de la " forteresse Europe ". Cette priorité signifie que : - d'une part, des initiatives de libre-échange régionales ne doivent être prises que dans le strict respect des règles de l'OMC, afin d'éviter tout contentieux qui pourrait se traduire par un recours au règlement des différends. Cette règle de conduite vaut pour nos initiatives et, bien sûr, pour celles des pays tiers. Il convient de rappeler que ces règles (art. 24 du GATT) sont très strictes et obligent à un examen de l'accord préférentiel par un groupe de travail. Elles ont obligé la Communauté à accorder des compensations lors de sa constitution et de son élargissement, ce en dépit de son caractère libéral ; - d'autre part, le libre-échange doit être utilisé uniquement lorsqu'il correspond à de réelles priorités politiques et stratégiques. Il ne faut pas négliger les instruments moins visibles politiquement mais aux effets pratiques importants comme les accords sur les normes ou la protection des investissements. Par ailleurs, le libre-échange peut avoir des conséquences très importantes sur les politiques communes, notamment sur la politique agricole, conséquences qui doivent être étudiées préalablement à toute nouvelle idée en la matière. Sous la présidence française de l'Union, le conseil affaires générales du 12 juin 1995 a débattu de ces questions et a adopté des conclusions qui rappellent ces règles de prudence et qui fixent des règles de procédures visant à éviter des initiatives intempestives et qui nous mettraient ensuite en difficulté tant vis-à-vis de nos partenaires que de l'OMC. ; fonctionnement de l'OMC et de privilégier la libéralisation multilatérale du commerce. C'est pourquoi l'Union européenne a joué un rôle de premier plan dans la négociation en cours à l'OMC sur les services financiers et qu'elle surveille très attentivement les actions bilatérales des Etats-Unis et leur tendance persistante à recourir à des instruments unilatéraux comme la section 301. Cette priorité ne signifie aucunement un renoncement à la politique d'accords bilatéraux préférentiels d'autant que notre pays considère que action multilatérale et accords commerciaux régionaux se complètent et se renforcent. Une étude de l'OMC elle-même a conclu en ce sens, rompant avec un discours stéréotypé qui reprochait, à tort, aux unions régionales de nuire à la libéralisation de ces échanges et dont l'exemple le plus excessif était la critique de la " forteresse Europe ". Cette priorité signifie que : - d'une part, des initiatives de libre-échange régionales ne doivent être prises que dans le strict respect des règles de l'OMC, afin d'éviter tout contentieux qui pourrait se traduire par un recours au règlement des différends. Cette règle de conduite vaut pour nos initiatives et, bien sûr, pour celles des pays tiers. Il convient de rappeler que ces règles (art. 24 du GATT) sont très strictes et obligent à un examen de l'accord préférentiel par un groupe de travail. Elles ont obligé la Communauté à accorder des compensations lors de sa constitution et de son élargissement, ce en dépit de son caractère libéral ; - d'autre part, le libre-échange doit être utilisé uniquement lorsqu'il correspond à de réelles priorités politiques et stratégiques. Il ne faut pas négliger les instruments moins visibles politiquement mais aux effets pratiques importants comme les accords sur les normes ou la protection des investissements. Par ailleurs, le libre-échange peut avoir des conséquences très importantes sur les politiques communes, notamment sur la politique agricole, conséquences qui doivent être étudiées préalablement à toute nouvelle idée en la matière. Sous la présidence française de l'Union, le conseil affaires générales du 12 juin 1995 a débattu de ces questions et a adopté des conclusions qui rappellent ces règles de prudence et qui fixent des règles de procédures visant à éviter des initiatives intempestives et qui nous mettraient ensuite en difficulté tant vis-à-vis de nos partenaires que de l'OMC.

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