Question de M. PLASAIT Bernard (Paris - RI) publiée le 16/11/1995

M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la recherche sur les dispositions relatives aux législations de précaution. Compte tenu de la nécessité de prendre des mesures législatives de précaution en l'absence de certitude scientifique, il serait souhaitable, d'une part, qu'avant chaque décision de ce type il soit procédé à une évaluation qui prenne en compte tous les paramètres, notamment techniques et économiques, d'autre part, que chaque disposition de précaution comporte le financement d'un suivi scientifique destiné à s'assurer de son bien-fondé sur le long terme, et fixe une date de réexamen de la disposition en fonction du bilan financier et du suivi scientifique. Le cas échéant, ce financement couvrirait un programme de recherche ou au minimum de veille technologique pour rechercher des solutions plus efficaces ou moins coûteuses au risque visé par la disposition de précaution. En tout état de cause, il paraît indispensable de prévoir systématiquement un retour d'expérience et une évaluation des ratios coût-efficacité. En ce qui concerne plus particulièrement les dispositions de précaution relatives aux normes de teneurs en polluants, il serait recommandé que les décisions fassent l'objet d'un argumentaire qui ne soit pas seulement fondé sur l'utilisation criticable de modèles animaux à dose élevée, mais qui prenne aussi en compte les études épidémiologiques, ainsi que le fait que, pour de nombreuses pathologies liées à des xénobiotiques, notamment le cancer, la survenue d'une affection est multiparamétrique, avec souvent une composante génétique qui est de mieux en mieux cernée. Il conviendrait que, dans ces domaines, soit établi un schéma conceptuel d'explication scientifique de l'effet nocif du polluant, au moins sur le plan qualitatif. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer l'état de ses réflexions sur ce sujet.

- page 2149


Réponse du ministère : Recherche publiée le 28/03/1996

Réponse. - Comme le rappelle l'honorable parlementaire, les mesures de précaution ont pour objet de se prémunir contre les risques induits par les activités humaines, lorsqu'on peut craindre que ces activités nuisent à la santé humaine ou à l'environnement. Ces mesures peuvent effectivement avoir des incidences économiques importantes et doivent évidemment être prises en pesant les avantages qu'elles procurent et les inconvénients qu'elles causent. Dans certains cas, les connaissances scientifiques du moment ne sont pas suffisantes pour étayer une décision politique ; il est alors nécessaire d'engager des études pour lever les incertitudes et, dans l'attente des résultats, de prendre des mesures conservatoires. Il serait évidemment souhaitable d'assortir chaque décision d'un échéancier de réexamen des mesures de précaution, mais en pratique il est souvent difficile de préjuger des délais d'aboutissement des études. Les diverses taxes qui ont été mises en place, notamment sur les déchets et la pollution de l'air, ont, pour partie, vocation à financer des travaux pour évaluer les risques ou suggérer des solutions alternatives. L'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), qui collecte ces taxes, joue un rôle particulier dans la promotion de ces études. L'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques, établissement sous tutelle du ministère de l'environnement) a aussi mission d'apporter des réponses à ces questions. Pour sa part, le secrétariat d'Etat à la recherche veut accroître l'effort des organismes de recherche dans deux domaines : les relations entre environnement et santé humaine, et l'écotoxicologie afin de mieux comprendre les mécanismes de diffusion et de transformation des polluants dans les milieux naturels. Le CNRS contribue déjà à ces recherches dans le cadre de son programme " environnement, vie et société ", ainsi que des laboratoires des universités et d'autres organismes de recherche (CEMAGREF, INRA, IFREMER, CEA...). Une concertation avec le ministère de l'environnement est en cours afin de préciser les objectifs prioritaires qui doivent mobiliser ces équipes de recherche. Les études épidémiologiques, que recommande l'honorable parlementaire pour analyser les effets des polluants, fournissent évidemment des données plus précises que celles menées sur des modèles animaux à doses élevées, qui peuvent conduire à imposer des normes très contraignantes et parfois excessives. Il faut cependant être conscient que de telles études sont longues, coûteuses et pas toujours aisées à interpréter en présence de cofacteurs. Elles ne peuvent être engagées que pour des questions qui sous-tendent des enjeux économiques ou sociaux importants.

- page 745

Page mise à jour le