Question de M. PLASAIT Bernard (Paris - RI) publiée le 07/12/1995

M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la recherche sur l'importance de veiller à ce que toute décision d'intérêt national, en matière de " grands équipements ", reste toujours inspirée par une logique scientifique. Evaluer les projets de " grands équipements " du point de vue des objectifs nationaux suppose naturellement des objectifs qui déterminent des priorités et des choix. Ces choix, ces sélections, doivent être le résultat d'une confrontation entre une légitimité scientifique et une autorité politique responsable des deniers publics. La légitimité scientifique ne peut passer outre l'autorité politique. L'autorité politique ferait fausse route si son pouvoir s'exerçait indépendamment de la logique scientifique. Toutefois, deux précisions s'imposent. D'une part, le cours de la science ne se reconnaît pas toujours dans les logiques, quelquefois perverses, des agences (souvent à la source du " plus grand, plus cher ") ; il ne se confond pas non plus avec les intérêts spécifiques des industriels, qui ne sauraient participer à la prise de décision de l'opportunité de programmation d'un " grand équipement ". D'autre part, l'autorité politique ne saurait effacer les intérêts, voire les appétits, régionaux dans la localisation des " grands équipements " ; mais leur maîtrise sera d'autant mieux assurée que sa conception de l'intérêt national fera une juste place à la cohérence des projets scientifiques. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser l'état de ses réflexions et ses intentions sur ce sujet.

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Réponse du ministère : Recherche publiée le 28/03/1996

Réponse. - On ne doit pas opposer une science dite " légère " à celle qui serait tributaire d'équipement " lourds ". Il existe en effet toute une gamme de situations intermédiaires entre les installatioons dont le coût se mesure en dizaines de milliards de francs et des équipements de quelque dizaines de millions, qui dépassent cependant les moyens d'un seul laboratoire et obligent à des mises en commun de moyens. Si certains domaines de la science ne peuvent espérer de progrès notables sans s'appuyer sur de très grands équipements spécifiques - c'est notamment le cas de la physique des hautes énergies, de l'astronomie ou des recherches sur la fusion thermonucléaire contrôlée -, d'autres tirent parti d'installations conséquentes sans en avoir l'exclusivité d'usage. L'évolution de la science conduit, en effet, certaines disciplines, telles que la chimie et la biologie, qui étaient encore considérées il y a peu comme faidant partie des sciences légères, à faire appel à des équipements, en complément de moyens plus traditionnels. Parmi ces grands instruments " multi-usagee ", on peut citer les sources de rayonnements photoniques ou neutroniques, les grands microscopes, les dispositifs de résonance magnétique. Enfin, d'autres moyens, dont le financement entre dans le cadre des budgets de la recherche, constituent des supports indispensables aux progrès de la science ; c'est notamment le cas des satellites, pour l'observation du ciel ou de la Terre, et des navires océanographiques. Cette grande diversité des situations oblige à des arbitrages et à des regroupements. La construction des instruments les plus coûteux impose de dépasser une logique de concurrence mondiale pour aboutir à des installations uniques (tel que le projet d'accélérateur LHC au CERN, pour la physique des particules élémentaires), ou pour organiser la complémentarité des projets mondiaux. S'agissant d'installations de dimensions plus modestes, le niveau d'association pertinent peut être celui de l'Europe, de la France ou de la région. Les arbitrages ne sont jamais simples et doivent prendre en compte bon nombre de préoccupations d'ordre scientifique et politique. Sur le plan scientifique, la nécessité pour une discipline de disposer de moyens performants pour se maintenir au niveau international, la volonté de préserver une certaine harmonie dans le développement des champs de recherche et l'intérêt que présentent les grands équipements pour structurer la communauté des chercheurs, sont les principaux éléments à prendre en compte. Comme le souligne la question de l'honorable parlementaire, à ces éléments d'appréciation scientifique se superposent des enjeux politiques, notamment pour les choix d'implantation des grands équipements, internationaux ou nationaux. Ce souci d'aménagement du territoire ne peut être ignoré. Il doit cependant être subordonné à la cohérence du projet scientifique et prendre en compte les coûts de construction et de fonctionnement induits par la localisation d'une installation.

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