Question de M. DOMINATI Jacques (Paris - RI) publiée le 23/05/1996

M. Jacques Dominati appelle l'attention de M. le Premier ministre sur le problème du trafic illicite de matières nucléaires en Russie. Il semblerait qu'en 1994 près de 10 000 crimes et délits liés au trafic des matières nucléaires aient été recensés en Russie. Le contre-espionnage aurait répertorié 130 vols de matières radioactives depuis 1990. Ces détournements de matières nucléaires à des fins criminelles ont été confirmés dans le programme de prévention, établi suite à la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement du G7 à Moscou, dont le but était d'étudier la sécurité et la sûreté nucléaires. Il est clairement expliqué dans ce rapport que certains Etats ou groupes terroristes pourraient, par ces détournements, enfreindre les traités internationaux de non-prolifération nucléaire et détenir illégalement une arme nucléaire. Sans verser dans les films de science-fiction, les risques demeurent grands, sachant qu'en Russie il existe, pour ce qui concerne le nucléaire civil, près de 1 000 entrepôts de plutonium et d'uranium dispersés sur tout le pays et que certains ingénieurs auraient déjà été arrêtés pour vols de matériels. En outre, l'armée russe qui doit désarmer plus de 30 000 têtes nucléaires, puis stocker les nombreuses tonnes de plutonium extraites, est-elle en mesure de justifier l'accès à ses stocks ? La France semble avoir donné son accord pour développer une coopération nucléaire avec la Russie, dont le but serait d'établir un programme de sécurité de stockage des matières nucléaires. Il lui demande sur quelles bases la coopération avec la Russie pour lutter contre le trafic illicite de matières nucléaires a-t-elle été engagée, et quelles mesures il compte prendre afin d'éviter les conséquences dramatiques qu'entraîneraient des détournements sur notre territoire.

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 04/07/1996

Réponse. - L'honorable parlementaire a bien voulu interroger le Premier ministre sur le problème des trafics illicites de matières nucléaires en Russie, et sur les perspectives de la coopération franco-russe pour prévenir et lutter contre ces trafics. Depuis l'effondrement de l'ex-URSS, quelques cas de trafic ont été recensés. Les cas réellement significatifs, c'est-à-dire impliquant des matières nucléaires de qualité militaire, sont extrêmement rares. Cependant, tout risque de prolifération nucléaire ne peut être écarté, alors que des stocks importants de matières fissiles s'accumulent aujourd'hui en Russie comme conséquence du démantèlement des armes nucléaires. Une action internationale a donc été développée à deux niveaux : la prévention, par une assistance aux pays de l'Est pour le contrôle et la protection physique des matières nucléaires ; la répression, par un échange accru d'informations et une coordination entre les services de douanes, de police et de justice. Le récent sommet du G7 sur la sûreté et la sécurité nucléaires, qui s'est déroulé le 20 avril dernier à Moscou sous coprésidence franco-russe, a permis l'adoption d'un programme de prévention et de lutte contre les trafics illicites de matières nucléaires, qui comprend deux volets principaux : la prévention des trafics par l'entreposage, la comptabilité et le contrôle des matières nucléaires mais aussi par la formation ou encore par une utilisation finale appropriée (recyclage du plutonium militaire en mox utilisable dans les réacteurs civils), l'échange d'information en amont des trafics, sur l'offre et la demande de matières nucléaires, puis en aval, sur l'historique des trafics (origine et destinations des matières). Le Gouvernement français souscrit pleinement à ces orientations et encourage l'adhésion du plus grand nombre de pays à ce programme. La France conduit une coopération bilatérale avec la Russie visant à encourager le développement, l'apprentissage d'une véritable culture de sûreté. Une importance particulière est attachée à l'utilisation finale des matières fissiles issues du démantèlement des armes nucléaires. La France conduit à cette fin en coopération avec la Russie le programme AIDA (Aide au démantèlement des armes nucléaires) qui vise à promouvoir le recyclage de plutonium en mox. Cette solution permet de rendre le plutonium impropre à des usages militaires, dans des conditions de sécurité, de sûreté, de non-prolifération et de désarmement optimales. La deuxième phase de ce programme vient d'être lancée : elle doit aboutir à la construction d'une usine-pilote de fabrication de mox. Le programme AIDA comprend également la fourniture de containers de sécurité et la construction d'un bâtiment de stockage.

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