Question de M. MARINI Philippe (Oise - RPR) publiée le 02/10/1996

M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'urgence de la création d'un commissariat de police à Noyon. Noyon est une ville de 15 000 habitants de l'arrondissement de Compiègne (Oise) dont 18 p. 100 de la population est d'origine immigrée. Elle se trouve confrontée à d'énormes difficultés en matière de sécurité des personnes et des biens. Pour lutter contre la délinquance et les problèmes d'insécurité enregistrés depuis quelques années, cette cité ne dispose que d'une police municipale non étatisée de onze personnes et sans officier de police judiciaire, ainsi que d'une brigade de gendarmerie dont l'effectif ne s'élève qu'à un gendarme pour 1 500 habitants, contre un pour 900 en moyenne en France métropolitaine. Malgré tous les efforts déployés par la municipalité et son maire en terme de prévention, force est de constater que certains problèmes subsistent et s'aggravent, et en l'absence de moyens accrus, cette ville pourrait connaître, à terme, les mêmes difficultés et les troubles que rencontrent les grands ensembles périphériques des grandes agglomérations. Il est fondamental de pouvoir répondre : à une immigration galopante et à ses conséquences, alors que le taux de population étrangère atteint plus de 36 p. 100 dans certains quartiers ; à la drogue et à la délinquance, générateurs de prostitution et de délinquance. Ainsi, sur une seule année, 3 000 plaintes ont été déposées, 174 interpellations ont été opérées. 25 p. 100 des affaires judiciaires traitées par le tribunal de grande instance de Compiègne pour l'arrondissement ont lieu à Noyon ; au chômage, un récent rapport de la DATAR considèrent cette agglomération comme " fragile et sinistrée ". L'inactivité forcée d'une partie importante de la population (près de 15 p. 100) crée des problèmes de mésentente familiale, de troubles du voisinage, d'alcoolisme, de violence auxquels Noyon ne pourra plus faire face. Devant la montée de l'insécurité, on assiste à un développement des ventes d'armes et certains habitants parlent de création de groupes d'autodéfense. Dans le cadre de la loi no 95-73 d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, il est essentiel d'établir à Noyon les missions et les moyens de la police nationale afin de restaurer le principe républicain du droit à la sécurité trop souvent bafoué. En conséquence, il souhaiterait savoir si, conformément au décret d'application de cette loi, qu'attend l'ensemble des élus, redéfinissant les critères de compétence géographique, c'est-à-dire les critères à partir desquels le Gouvernement peut décider l'étatisation du régime de police dans une commune, la situation de Noyon sera prise en compte par son ministre et à quelle échéance.

- page 4386


Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 16/10/1996

Réponse apportée en séance publique le 15/10/1996

M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord souligner
qu'il n'est pas dans mes habitudes d'utiliser la procédure des questions orales sans débat pour aborder des problèmes de
caractère local. Toutefois, deux raisons m'amènent à le faire dans le cas de Noyon.
D'une part, les nombreuses démarches que j'ai effectuées depuis la fin de 1992 ne m'ont permis d'obtenir que des
réponses plus ou moins satisfaisantes des ministres successifs. D'autre part, la situation de Noyon a, en quelque sorte, un
caractère emblématique : cette ville de 15 000 habitants - c'est la deuxième commune de l'arrondissement de Compiègne
-, dont 18 % sont d'origine immigrée, se trouve confrontée à des difficultés considérables dans le domaine de la sécurité.
Sans faire d'amalgame - et bien loin de moi l'idée de faire des amalgames en la matière - je soulignerai que la ville de
Noyon a, hélas ! la triste palme du record de France des votes en faveur du Front national au premier tour des élections
municipales de 1995 : 44 % des votes au premier tour ! Cela au terme d'une campagne à mes yeux absolument
scandaleuse, au cours de laquelle a notamment été mis en cause de façon ignoble un conseiller général qui avait été
déporté à Buchenwald pendant un an et à qui on a tenu un langage absolument invraisemblable que j'aurais peine à
répéter dans cette assemblée.
Depuis pourtant près de quatre ans, monsieur le ministre, je tire la sonnette d'alarme et je mets en garde aussi bien les
ministres de l'intérieur que les ministres de la défense ! J'ai, par exemple, sous les yeux une lettre que j'adressais au
ministre de la défense en juin 1994 pour l'informer qu'aux élections européennes qui venaient d'avoir lieu cette formation
extrémiste avait obtenu 24 % des voix. Eh bien, un an après, elle en obtenait 44 %.
Pourquoi une telle augmentation ? Parce que des problèmes d'intégration se combinent avec un sous-effectif criant en
matière de sécurité. On compte en effet un gendarme pour 1 500 habitants, alors que la moyenne en France
métropolitaine est de un pour 900 et qu'elle est dans l'Oise de un pour 1 000.
La municipalité fait ce qu'elle peut avec onze policiers municipaux, dont on connaît le peu de pouvoirs, et cela sur fond de
drogue et de délinquance. Ainsi, 3 000 plaintes ont été déposées en une seule année dans cette petite ville de 15 000
habitants ; 174 interpellations ont été effectuées et 25 % des affaires judiciaires traitées par le tribunal de grande instance
de Compiègne concernaient Noyon.
Je souligne, par ailleurs, que des diagnostics préoccupants sont portés sur cette agglomération, qualifiée de « fragile » et
de « sinistrée » dans un récent rapport de la DATAR.
Je me permets donc, monsieur le ministre, d'appeler de façon solennelle votre attention. Depuis près de quatre ans, je
reçois des réponses administratives. Le ministre de l'intérieur me renvoie au ministre de la défense, qui me renvoie au
ministre de l'intérieur. On m'explique que tels ou tels critères doivent être respectés. Je veux bien ! Je suis moi-même issu
de la fonction publique. Je crois cependant que, dans certains cas, nécessité devrait faire loi.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je
voudrais d'abord demander à M. Marini d'excuser l'absence de M. Jean-Louis Debré, qui m'a demandé de répondre en
son nom.
Dans votre question, monsieur Mmarini, il y a au fond deux éléments : d'une part, quel doit être le statut de Noyon en
termes de police et, d'autre part, quelle doit être la capacité des services pour faire face à la montée de la délinquance
dans cette commune.
S'agissant de la première question, le passage d'un système de gendarmerie à un système de police d'Etat ne paraît pas
possible aujourd'hui au vu des textes, qui, vous le savez, ont été modifiés depuis l'adoption de la loi d'orientation sur la
sécurité ; un décret est intervenu au mois de septembre dernier.
Il semble que la ville de Noyon ne réponde pas aux critères qui, quasiment automatiquement, la ferait passer au système
de police dit d'Etat, avec installation d'un commissariat de police et donc retrait de la gendarmerie.
D'ailleurs, comme le rappelle le ministère de l'intérieur dans la note qu'il m'a transmise, un tel changement aurait sans doute
des conséquences relativement importantes en termes de coût. Par conséquent, la réponse qu'il m'a chargé de vous
apporter est que l'on conserve la gendarmerie.
J'en viens à la question qui vous intéresse le plus : quel doit être le niveau de la riposte pour résoudre les difficultés
croissantes de la commune ? C'est le problème des effectifs et de la capacité d'organisation des services de gendarmerie.
Ce à quoi je peux m'engager, après vous avoir entendu, monsieur Marini, c'est à prendre contact avec MM. Millon et
Debré pour leur faire part de votre vive inquiétude. Ils pourront ainsi déterminer ensemble quel est le niveau pertinent des
forces de police ou de gendarmerie - en l'occurrence, plutôt de gendarmerie - à mettre en place pour ramener la sérénité
à Noyon.
En tout état de cause, et malgré les caractéristiques sociales et économiques complexes de cette commune, que vous avez
rappelées, il me semble qu'à son échelle il devrait être possible de revenir à un taux de délinquance plus raisonnable. Ce
devrait tout de même être plus facile que dans les très grandes agglomérations, où les gens ne se connaissent pas et
n'entretiennent pas de contacts directs avec les services administratifs.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, votre réponse ne me surprend pas.
La formule administrative - étatisation, pas d'étatisation, gendarmerie, police... - importe peu. L'important, c'est que nous
luttions, car l'Etat républicain ne peut rester désarmé alors que nous sommes confrontés à des situations où il est en péril.
En effet, il y a sur notre territoire des abcès de fixation. On les traite, à mon avis, plutôt correctement, notamment par la
mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, qui permettra, dans un certain nombre de lieux bien identifiés, d'accroître
considérablement les efforts. Mais nous ne pourrons défendre les valeurs auxquelles nous sommes attachés qu'en
réduisant systématiquement ces abcès de fixation.
L'objet de cette question orale est de montrer que les banlieues ne sont pas les seules à être concernées. Certaines petites
villes, certaines petites agglomérations connaissent aussi de très graves tensions sociales, qui sont exploitées de façon
scandaleuse par certains extrémistes. Il appartient à l'Etat de se défendre, monsieur le ministre.

- page 4729

Page mise à jour le