Question de M. GAILLARD Yann (Aube - RPR) publiée le 24/01/1997

M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur les difficultés que représente la recherche d'un premier emploi pour les jeunes diplômés. Le maître mot des recruteurs est l'expérience. Mais comment, au sortir de l'université, justifier de deux ou trois années passées en entreprise comme l'exigent les employeurs ? On pourrait penser que les stages effectués tout au long de l'enseignement supérieur ou tout au moins, le stage de fin d'études permettent de pallier en partie ce manque d'expérience professionnelle. Or ceux-ci ne sont que très peu reconnus et par conséquent ne facilitent pas systématiquement l'accès à l'emploi, ce qui est regrettable. Les organismes comme l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) ou l'association pour l'emploi des cadres (APEC) qui font l'interface entre les entreprises et les demandeurs d'emploi et qui sont confrontés aux exigences de plus en plus pointues des entreprises, notamment en matière d'expérience, observent scrupuleusement ces demandes et ont tendance à ne transmettre que les curriculum vitae en tout point identiques aux voeux des employeurs. L'absence d'expérience à proprement parler est alors un barrage insurmontable qui ne permet même pas aux jeunes de postuler et d'acquérir, peut-être, cette expérience tant recherchée. Conscient que c'est aux employeurs qu'il appartient de donner leur chance aux jeunes, il lui demande ce qu'il entend faire pour sensibiliser les entreprises sur la nécessité d'embaucher de jeunes diplômés et pour revaloriser les stages aux yeux des recruteurs.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 05/02/1997

Réponse apportée en séance publique le 04/02/1997

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le problème
immense et tout à fait d'actualité du premier emploi des jeunes diplômés.
Le 10 octobre 1996, dans une question écrite qui n'avait pas la prétention de l'originalité, je m'étais permis d'attirer
l'attention du Gouvernement sur la difficulté que représente la recherche d'un tel emploi pour ces jeunes, à qui aussi bien
les recruteurs que les entrepreneurs, et même les organismes qui devraient les aider, comme l'ANPE ou l'APEC,
objectent souvent leur manque d'expérience professionnelle.
Les stages en entreprise, disais-je dans cette question, sont loin de pallier ce manque d'expérience, même lorsqu'il s'agit
de stages de fin d'études.
Il me semblait donc que le Gouvernement devait attirer l'attention des entreprises sur le devoir qui est le leur de donner
une chance à ces jeunes et sur la nécessité de revaloriser ces stages aux yeux des employeurs.
Il ne m'a pas été répondu. C'est pourquoi j'ai transformé cette question écrite en question orale. Mais, surtout, je saisis
l'occasion que me donne, pour traiter de cet immense problème, le surgissement de l'idée des stages diplômants.
Madame le ministre, ma question est simple : les stages diplômants, proposés par le CNPF, approuvés dans leur principe
par M. le Président de la République, critiqués, comme naguère le contrat d'insertion professionnelle, le CIP, par nombre
d'organisations syndicales ou autres, va-t-il permettre de rompre l'un des points de blocage les plus nuisible de l'économie
française ou bien risque-t-on de s'embourber, encore une fois, dans cette « confrontation perpétuelle », pour reprendre
les termes d'un article récent du Monde, entre la logique économique et la logique universitaire ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, nous savons à quel point vous êtes
attentif à tout ce qui peut aider au développement de l'emploi des jeunes.
Votre question est tout à fait d'actualité puisque, vous le savez, le Premier ministre va réunir, le 10 février prochain, une
conférence nationale sur l'emploi des jeunes, qui, je l'espère, pourra relancer une forte mobilisation sur ce sujet.
La démarche que nous suivons depuis maintenant plus d'un an en matière d'emploi des jeunes est double : d'une part, tout
faire pour rapprocher la formation de l'emploi - cela va tout à fait dans le sens de votre préoccupation ; d'autre part,
encourager les démarches partenariales.
Pourquoi des démarches partenariales ? Parce que, vous le savez bien, la compétence en matière d'emploi et de
formation des jeunes est répartie.
Nous avons donc fait en sorte, depuis un an, que tous les partenaires concernés se retrouvent autour d'une même table et
oeuvrent ensemble, de manière complémentaire, en faveur de l'emploi des jeunes.
Au Gouvernement il appartient, évidemment, d'ouvrir le plus largement possible aux jeunes tous les dispositifs en faveur
de l'emploi. Il lui appartient également de donner l'impulsion à une implication très forte du service public à cet égard.
Les entreprises ont également un rôle excessivement important à jouer. Elles sont prêtes à s'engager plus fortement, que
ce soit par des formations sous contrat de travail - apprentissage, contrats de qualification - ou par des stages permettant
de professionnaliser les études - vous les évoquiez à l'instant.
Aux partenaires sociaux, il revient de faire évoluer les dispositifs qu'ils gérent et de développer la négociation sociale sur
l'emploi des jeunes.
Enfin, les collectivités locales peuvent, naturellement, accompagner efficacement les jeunes vers l'emploi grâce à leur plus
grande proximité de la population.
S'agissant du sujet particulier que vous avez évoqué, monsieur Gaillard, plusieurs dispositifs permettent déjà d'offrir aux
jeunes une formation en entreprise, garantie de leur accès à l'emploi, une expérience professionnelle sous contrat de travail
et non sous statut scolaire. Il s'agit essentiellement des contrats de qualification et des contrats d'apprentissage.
En ce qui concerne les premiers, une circulaire de mars 1996 a ouvert très largement le dispositif aux jeunes titulaires d'un
diplôme de l'enseignement supérieur du premier et du second cycle à caractère non professionnel ainsi qu'à ceux qui ont
interrompu leur cursus de formation ou qui ont échoué afin de leur permettre une réorientation et l'acquisition d'une
qualification professionnelle.
Il est également possible, pour tous les jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, de préparer, dans le cadre des
contrats de qualification, donc sous contrat de travail, les qualifications professionnelles complémentaires définies par les
partenaires sociaux et sanctionnées par un certificat de qualification professionnelle.
Le contrat de qualification a fait la preuve de son efficacité. Il était donc important pour nous d'en ouvrir l'accès plus
largement, y compris aux jeunes diplômés, comme je viens de l'indiquer.
Quant au contrat d'apprentissage - nous sommes toujours sous le régime du contrat de travail - il est actuellement en plein
développement. Les premiers résultats relatifs aux effectifs préparant un diplôme de l'enseignement supérieur par la voie
de l'apprentissage témoignent en effet d'une augmentation, de fin décembre 1995 à fin décembre 1996, de 31 % pour les
niveaux III et de 40 % pour les niveaux II et I. Pour ces derniers niveaux, si l'on tient compte des seuls effectifs de
première année, l'évolution est de 110 %, ce qui reflète bien la forte mobilisation des entreprises.
Enfin, les jeunes peuvent également bénéficier de différents types de stages « professionnalisants » dans le cadre de
l'éducation nationale, c'est-à-dire sous statut scolaire.
Tous ces dispositifs - c'est le constat qui a été dressé - doivent incontestablement être développés, car c'est certainement
l'une des meilleures façons de rapprocher la formation de l'emploi, en incluant, dans le cadre du cursus scolaire, une
période en entreprise qui permet au jeune de connaître l'entreprise tout en suivant une formation dans le cadre de
l'éducation nationale.
Vous avez évoqué ce que l'on a appelé, peut-être de manière maladroite, les stages « diplômants ». Cette proposition tout
à fait intéressante visant à développer des stages rebaptisés dernièrement, je crois, à juste titre, « première expérience
professionnelle dans l'entreprise », a été présentée par le CNPF. L'objectif de cette expérience, intégrée dans le cursus,
est en fin de compte de permettre de professionnaliser les formations universitaires.
Ce système fonctionne déjà dans d'autres secteurs. Le CNPF ne fait rien d'autre que de prolonger en les améliorant des
dispositifs qui existent déjà, notamment en IUT et dans les baccalauréats professionnels.
Les entreprises et le CNPF ont manifesté leur volonté de développer cette possibilité qui peut être donnée à des jeunes,
une fois de plus sous statut scolaire, d'avoir une meilleure connaissance de l'entreprise.
Comme vous le savez, ce dispositif fait actuellement l'objet de discussions entre le CNPF, l'éducation nationale et les
différents partenaires ; nous avons bon espoir que, d'ici à la conférence nationale ces discussions aient avancé dans le sens
qui est, je crois, celui de l'efficacité : l'amélioration de la formation des jeunes par l'intégration à leur cursus de leur
première expérience professionnelle dans l'entreprise.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Il est difficile de reprendre la parole après vous, madame le ministre, car vous avez très largement
dépassé le cadre de ma modeste question. En effet, vous avez évoqué l'ensemble des problèmes de l'emploi des jeunes,
de l'apprentissage jusqu'au stage professionnel en passant par les contrats de qualification.
Je n'ignore pas votre parfaite connaissance des dossiers et je sais que votre volonté est très forte. Le sommet sur l'emploi
des jeunes sera un point nodal de l'année 1997 et peut-être même du septennat. Le mot est galvaudé, mais, en
l'occurrence, il s'agit véritablement d'un enjeu de société. Je forme donc des voeux fervents pour que ce sommet réussisse
et je ne doute pas que vous ferez tout ce que vous pourrez pour qu'il en soit ainsi.

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