Question de M. DELEVOYE Jean-Paul (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 31/01/1997

M. Jean-Paul Delevoye souhaite alerter M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration sur un grave effet pervers de la réglementation actuellement en vigueur en matière d'attribution de licences IV dans les communes rurales. Actuellement, l'article 41 du code des débits de boisson interdit le transfert hors commune de la dernière licence IV attribuée dans une commune donnée, lorsque le dernier café ferme. Cela semble favorable à l'aménagement du territoire et protecteur des communes rurales frappées par la désertification. Mais, en réalité, si le dernier détenteur de la licence IV ne trouve pas repreneur sur place, compte tenu qu'il ne peut non plus la vendre à l'extérieur, celle-ci devient caduque après trois ans d'inexploitation, et elle est perdue pour tout le monde. Quant à la commune elle-même, elle peut naturellement acquérir la licence, mais elle n'en aura souvent ni le désir ni la possibilité financière, étant frappée par la désertification et n'ayant aucune certitude de trouver elle-même un repreneur. Au bout de trois années d'inexploitation, même si la commune manifeste alors une volonté de renouveau, il est trop tard ; il est devenu presque impossible de racheter une licence pour deux raisons : le coût, l'existence d'une licence disponible et surtout transférable, compte tenu des stricts critères d'éloignement et d'attrait touristique en vigueur. La solution techniquement simple consisterait à modifier le code des débits de boisson, afin que les communes ayant perdu leur dernière licence IV depuis plus de trois ans puissent bénéficier de la création d'une nouvelle licence incessible qu'elles devraient gérer soit directement, dans un cadre communal, soit indirectement. Il demande au ministre de lui indiquer l'état de ses réflexions sur cette question délicate mais très importante pour le développement du monde rural.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 12/03/1997

Réponse apportée en séance publique le 11/03/1997

M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, je connais
votre souci de réhabiliter la ville, d'équilibrer l'aménagement du territoire, et je sais l'intérêt que vous portez au monde
rural.
Je sais aussi que vous tenez à faire en sorte que chaque lieu soit un lieu de convivialité, d'échange entre les citoyens.
A ce propos, un nombre important de communes rurales ont appelé mon attention sur une distorsion qui, actuellement, les
pénalise en matière d'attribution des licences IV.
En effet, dans l'état actuel du code des débits de boisson, l'article 41 interdit le transfert hors commune de la dernière
licence IV et, lorsque le dernier détenteur n'a pas trouvé repreneur, si la commune ne s'est pas portée acquéreur au bout
de trois ans, cette licence est perdue pour tout le monde.
Parfois, nous voyons revivre une commune - c'est d'ailleurs un miracle que vous soutenez par votre politique - grâce à la
volonté de ses élus et de ses habitants. Il est alors important de recréer un lieu de convivialité. Or, la licence IV ayant
disparu, il est impossible pour la commune d'en racheter une autre, et ce pour deux raisons : le coût, mais aussi l'existence
d'une licence disponible et surtout transférable.
A notre avis, le plus simple, monsieur le ministre, serait de modifier le code des débits de boissons afin de permettre aux
communes ayant perdu leur dernière licence IV depuis plus de trois ans de créer une nouvelle licence incessible qu'elles
devraient gérer soit directement, dans un cadre communal, soit indirectement.
Tel est le fruit de nos réflexions sur ce sujet. Peut-être pourrait-on envisager aussi cela à l'échelon intercommunal.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. C'est avec grand
plaisir que je réponds au président de l'Association des maires de France. (Sourires.)
Le code des débits de boissons a été conçu au début de la IIIe République essentiellement comme un moyen de lutter
contre l'alcoolisme. Il est vrai que la France connaissait alors un nombre de débits de boissons exceptionnellement élevé,
puisqu'il approchait les 600 000. Pour le réduire, un système de licence particulièrement rigide fut mis en place. Ainsi
réglementé, le nombre des établissements devait considérablement diminuer, évolution qui continue d'ailleurs, malgré la
croissance démographique, puisque le nombre de licences IV est aujourd'hui inférieur à 150 000.
Cette réduction hautement souhaitable voilà un siècle ne l'est donc plus aujourd'hui. Si l'alcoolisme n'a certes pas disparu,
les habitudes de consommation ont, elles, évolué. Dès lors, la protection des consommateurs, en particulier des mineurs,
n'est plus aussi dépendante de l'ouverture des débits de boissons.
En revanche, il est certain que les débits de boissons jouent un rôle important dans l'animation et dans la vie sociale des
villes et des quartiers, y compris des quartiers en difficulté. Songez que, maintenant, nous favorisons la réouverture de
pizzerias ou même de « bistrots », ce qui n'était plus toléré depuis un certain nombre d'années. Notre ambition est de
susciter la vie et de permettre à la jeunesse de se rassembler.
A la campagne, comme vous l'avez très justement fait remarquer, monsieur Delevoye, ces débits de boissons sont parfois
les seuls lieux de réunion et de convivialité. Leur préservation, sans excès, contribue aux objectifs de la politique de la ville
et à ceux du développement des zones rurales, auxquelles la Haute Assemblée est particulièrement attachée.
Le code des débits de boissons a d'ailleurs été modifié pour protéger le dernier établissement de la commune contre le
risque d'un transfert. Cependant, en effet, les dispositions de l'article L. 41 du code des débits de boissons ont deux
conséquences particulièrement regrettables : d'une part, la disparition définitive de la dernière licence non exploitée
pendant trois ans dans le cas où le commerce périclite - hélas ! nous en avons beaucoup d'exemples ; d'autre part,
l'absence d'indemnisation du dernier exploitant qui, contraint de cesser son activité, ne peut cependant revendre sa
licence.
La réforme de cet article est actuellement en cours d'examen, en particulier à votre demande, dans le cadre d'un groupe
de travail interministériel. Plusieurs solutions sont à l'étude, notamment une autorisation d'exploiter incessible,
l'aménagement des conditions de cession des licences et le délai de péremption. Je vais d'ailleurs prier mes collègues en
charge du dossier de faire en sorte que les conclusions de ce groupe de travail soient examinées très rapidement.
Nul doute, monsieur le sénateur, que ce groupe de travail souhaitera entendre les remarques du président de l'Association
des maires de France et, au-delà, qu'il sera sensible aux arguments de la Haute Assemblée.
Il est exact que notre préoccupation de tous les instants est de maintenir l'activité, de maintenir la vie. Tout à l'heure, votre
collègue M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra me confiait qu'il était en difficulté avec La Poste et qu'il allait donc me poser
une question à ce sujet. Je veux bien être interrogé pour ce qui intéresse l'aménagement du territoire, la ville ou
l'intégration. Sur La Poste, peut-être faut-il plutôt interpeller M. Fillon. Mais, qu'à cela ne tienne ! Un moratoire a été
décidé en 1993 par le gouvernement de M. Balladur ; il est toujours en vigueur ; il n'a pas été supprimé et, par
conséquent, tous les ministères doivent l'appliquer. Telles sont les directives du Premier ministre.
Pour revenir à la question que vous m'avez posée, monsieur Delevoye, je suis persuadé que nous allons trouver une
solution, car tout cela relève du bon sens, et le bon sens, c'est ce qui plaît à la Haute Assemblée ! (Sourires et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président. Soyez remercié, monsieur le ministre, à la fois de votre réponse et de ce jugement de valeur, certes un
peu partial, compte tenu de l'affection particulière que vous portez à la Haute Assemblée. (Sourires.)
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je remercie M. le ministre du compliment qu'il vient de nous faire et c'est très volontiers que je
l'inviterai à prendre une consommation dans l'un de ces cafés qui auront retrouvé leur licence IV, dans un délai que
j'espère relativement bref. (Sourires.)
Plus sérieusement, monsieur le ministre, vous avez réaffirmé l'existence du moratoire et insisté sur la réflexion en cours
concernant les schémas sur les départementaux des services publics dans les zones en difficulté, en milieu urbain comme
en milieu rural. Sachez que j'apprécie beaucoup votre réponse, d'autant que vous entendez faire en sorte que les
conclusions de ce groupe de travail soient rendues dans les meilleurs délais.
Au-delà de la situation de ces lieux de convivialité et du problème des licences IV, je vois se profiler la réflexion sur la
pluriactivité et sur le maintien des services publics dans les territoires, qui sont nécessaires pour garantir un développement
équilibré et éviter la fracture territoriale.

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