Question de M. PENNE Guy (Français établis hors de France - SOC) publiée le 13/03/1997

M. Guy Penne souhaite attirer particulièrement l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la recherche sur la loi no 79-18 de 1979 et de son système de dérogation. Il craint que, sous le couvert de cette loi et de son système de dérogation, une histoire " officielle " soit en voie de constitution. En effet, il apparaît qu'en l'état actuel des dispositions de la loi et de ses multiples décrets d'application soumettant la communication des archives publiques à un système arbitraire de restrictions et de dérogations, cette réforme se révèle pour le moins mineure et faussement libérale. De fait, sous prétexte de protéger le " secret défense " (indéfiniment prolongé sans nécessité militaire), la vie privée des individus (même décédés), l'honneur des Harkis (utilisés une fois de plus comme supplétifs), la législation en vigueur allonge de trente à soixante ans les délais de communication de certains documents et donne aux autorités administratives le pouvoir d'accorder ou de refuser des dérogations aux lecteurs. Il en résulte, en pratique, que des conservateurs expurgent des dossiers même légalement communicables, demandent à des lecteurs de s'engager à ne pas prendre de notes ou à ne pas publier les résultats de leurs recherches dans les archives sans leur avis préalable et, beaucoup plus souvent, sélectionnent les chercheurs en fonction de préjugés politiques ou sociaux. Actuellement, seuls les historiens agréés obtiennent facilement les dérogations requises. Jouissant du privilège d'accéder à des sources d'information interdites aux autres, ils se posent en spécialistes dont les affirmations sont d'autant plus difficiles à contester qu'il est impossible de consulter les archives publiques sur lesquelles elles se fondent. Des pans entiers de l'histoire de France pendant cinq ou six décennies risquent ainsi d'être soustraits aux investigations des chercheurs et au libre débat historique, notamment en ce qui concerne la collaboration et la résistance, l'épuration et les guerres de décolonisation. Il tient à réaffirmer le principe fondamental de l'égalité pour tous de participer à la recherche des réalités du passé. La liberté de la recherche est une condition essentielle du progrès des sciences historiques ; aussi demande-t-il au ministre de la recherche les mesures qu'il entend prendre pour favoriser réellement l'accès aux archives.

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Réponse du ministère : Recherche publiée le 08/05/1997

Réponse. - La loi no 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives stipule que les documents d'archives publiques peuvent être librement consultés à l'expiration d'un délai de trente ans. Toutefois, la loi prévoit des délais spéciaux pour certains documents, en particulier pour ceux qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense nationale. Pour ces derniers documents, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, le délai est porté à soixante ans à compter de la date de l'acte. L'administration des archives peut cependant autoriser la consultation des documents d'archives publiques avant l'expiration de ces délais. La loi n'a assorti cette consultation d'aucune restriction. Le décret no 79-1038 du 3 décembre 1979 relatif à la communicabilité des documents d'archives publiques, pris en application de la loi précitée, précise que les dérogations aux conditions de communicabilité sont accordées par la direction des archives de France après accord de l'autorité qui a effectué le versement ou qui assure la conservation des archives. L'autorisation de dérogation mentionne expressément la liste des documents qui peuvent être communiqués, l'identité des personnes admises à en prendre connaissance et le lieu où les documents peuvent être consultés. L'autorisation indique enfin si la reproduction des documents peut être effectuée et, dans ce cas, en détermine les modalités. Les dispositions législatives et réglementaires rappelées ci-dessus visent en premier lieu à protéger la vie privée des personnes et à éviter de divulguer des informations qui pourraient encore avoir des conséquences néfastes sur la sûreté de l'Etat ou la défense nationale. Elles veillent toutefois à ne pas porter atteinte à la recherche historique, grâce aux dérogations qui sont accordées aux chercheurs. Les nombreux travaux menés sur l'histoire du gouvernement de Vichy, du gouvernement provisoire de la République française ou de la IVe République montrent que l'accès à ces informations est très largement ouvert à la communauté des historiens. Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a du reste pas eu à connaître de cas de restriction qui auraient pu faire obstacle aux travaux de recherche sur l'histoire du pays depuis 1940.

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