Question de M. MASSON Paul (Loiret - RPR) publiée le 19/09/1997

M. Paul Masson attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation de l'hôpital de Pithiviers. L'hôpital de Pithiviers est frappé dépuis le 4 juillet 1997 par une décision du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation du Centre. Les activités des services de chirurgie et de gynéco-obstétrique sont suspendus. Les chirurgiens opèrent à Etampes. Les personnels sont transférés. La maternité arrêtée. Le secrétaire d'Etat s'est rendu à Pithiviers le 8 septembre. Devant le conseil d'administration de l'établissement, il a confirmé cette décision. Il a cependant laissé beaucoup d'espoir pour la maternité " symbole pour une ville ", ainsi qu'il le déclara par la suite. Il serait heureux d'obtenir de M. le secrétaire d'Etat à la santé quelques précisions sur les mesures nouvelles envisagées en faveur de l'hôpital de proximité de Pithiviers et de sa maternité.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 15/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 14/10/1997

M. Paul Masson. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le 4 juillet 1997, nous avons appris avec une certaine stupeur la suspension des activités des
services de chirurgie de l'hôpital de Pithiviers.
Cette suspension nous parut brutale, injuste. Elle nous sembla, en tout cas, sans aucune mesure avec les faits qui l'ont
motivée.
Vous connaissez la suite, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez suivi personnellement le dossier. La maternité
est fermée depuis trois mois, un personnel de qualité est traumatisé, une ville socialement fragile est durement frappée.
Personne ne comprend très bien ce qui se passe. Le 7 octobre, vous annoncez vous-même la réouverture de la maternité
avant la fin du mois de novembre. Vous ordonnez la remise en état immédiate du bloc opératoire. Vous prenez des
mesures très précises pour le personnel spécialisé. Mais, le 8 octobre, c'est-à-dire le lendemain, votre directeur local fait
entériner par le CROSS d'Orléans que la réouverture du service de chirurgie n'est pas envisageable parce que « la
convention anesthésique n'est pas réalisée ».
Lors de la même séance, le même directeur annonce que les travaux prioritaires à réaliser dans le bloc sont plus longs que
prévu et déclare, je cite le procès-verbal : « J'espère que ces travaux ne prendront pas trop de retard par rapport aux
délais prévus ». Pas trop de retard !
Il y a quinze jours, vous le savez, le directeur de l'établissement, sur ordre, présente au conseil d'administration de l'hôpital
un projet de budget pour 1998 d'où sont exclus les crédits initialement prévus pour ce même bloc opératoire.
Il y a, au sein du personnel, un malaise évident. Ces informations apparemment contradictoires soulèvent des
interrogations ; on ne comprend pas ; on a le sentiment étrange, il faut bien le dire, d'assister à une partie de poker
menteur. D'un côté, un discours clair, le vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat ; en arrière-plan, une administration pugnace,
quoique prudente, et qui, en tout état de cause, traîne les pieds et avance un peu masquée dans un but qui est cependant
identifié de longue date, car cela fait longtemps que ce contentieux existe, monsieur le secrétaire d'Etat : la fermeture
définitive de la chirurgie, qui sera d'ailleurs proposée au prochain conseil d'administration de l'hôpital de Pithiviers.
Les conséquences de cette décision seront sans appel : la maternité ne fonctionnera pas longtemps, car vous savez très
bien qu'une maternité ne peut subsister à terme sans l'appui rapproché d'un service de chirurgie fonctionnant toute l'année,
et non pas soixante jours par an comme prévu.
De plus, permettez-moi de le dire, la structure à trois niveaux - je n'ose pas dire l'« usine à gaz » - que vos services ont
imaginée paraît irréaliste, coûteuse et inefficace.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous confirmer aujourd'hui, ici, que la maternité sera à nouveau en état de
fonctionner le 30 novembre prochain, et pouvez-vous garantir le maintien d'une activité chirurgicale à plein temps sur le
site de Pithiviers dès lors que la convention anesthésique sera réalisée, condition sine qua non posée par votre
représentant local devant le CROSS le 8 octobre dernier ?
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les deux questions toutes simples que je vous pose.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le
sénateur, voici des réponses simples à des questions complexes : oui, je l'espère, autour du 30 novembre, la maternité
sera réouverte ; non, le service de chirurgie ne sera pas réouvert. C'est d'ailleurs ce que j'ai précisé devant le conseil
d'administration lors de la séance un peu houleuse à laquelle j'ai assisté. Vous vous en souvenez, puisque vous y étiez !
Mais je vais m'expliquer maintenant plus longuement après ces réponses simples.
Depuis le 4 juillet, monsieur le sénateur, en application de l'article L. 712-18 du code de la santé publique, le bloc
opératoire et les services de chirurgie et de maternité de l'hôpital de Pithiviers ont été placés en suspension d'activité par
l'agence régionale de l'hospitalisation. Cette mesure faisait suite à plusieurs incidents et accidents médicaux, et une enquête
des services de l'inspection de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Loiret a été diligentée.
Compte tenu de la gravité de la situation, nous avons demandé, Mme Martine Aubry et moi-même, une enquête à
l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, afin de faire la lumière sur le fonctionnement de l'hôpital de Pithiviers.
Vous en avez connu les résultats : ce rapport était accablant, il faisait état d'une désorganisation des services et d'une
mésentente profonde au sein de l'équipe chirurgicale.
Permettez-moi de vous dire que ce n'était pas une surprise pour moi et que, même de loin - je n'habite pas Pithiviers -
j'avais entendu parler de cette mésentente et de ce dysfoncionnement, très particulièrement en ce qui concerne la chirurgie
: il suffisait, monsieur le sénateur, de s'adresser à quelques médecins de Pithiviers pour en connaître les détails.
Outre cette mésentente et cette désorganisation de l'équipe chirurgicale, le rapport de l'IGAS faisait état d'une absence de
sécurité anesthésique, de locaux inadaptés, d'une coupure quasi complète de l'hôpital avec la médecine de ville. Il mettait
surtout en évidence le fait que le mode d'exercice chirurgical dans cet hôpital était dangereux en raison d'une pratique
insuffisante et de la réalisation, sans véritable garantie de la qualité de l'exercice médical, d'opérations trop complexes.
Depuis lors, sous mon impulsion - et je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir relevé que je m'y suis attaché, ainsi
que je l'avais dit - et sous la coordination de la direction des hôpitaux de Paris ainsi que de l'agence régionale de
l'hospitalisation, les conditions de la réouverture de la maternité ont pu être réunies.
Je n'y croirai cependant, monsieur le sénateur, que lorsque j'y serai avec vous et que je la verrai fonctionner, car il a fallu,
je vous l'assure, s'acharner à trouver un personnel suffisamment qualifié pour y travailler. Elle n'a, en effet, en rien
démérité, au contraire, vous avez raison de le souligner.
J'ai eu l'occasion de porter ces décisions à la connaissance du conseil d'administration de l'hôpital de Pithiviers, le 8
septembre. J'ai insisté pour que la fin de la suspension de la maternité soit effective vers la fin du mois de novembre et, à
quelques jours près, je pense que ce calendrier sera respecté, même s'il est vrai qu'il faut tenir compte des délais
nécessaires à la réalisation des travaux de mise en conformité et de sécurité des locaux d'anesthésie.
Vous avez sans doute constaté que nous ne nous acharnions pas, en ce qui concerne la sécurité des locaux, sur un hôpital
ou sur un autre, sur une clinique ou sur une autre : nous faisons, de ce point de vue, flèche de tout bois, car il en va de
notre responsabilité.
Quoi qu'il en soit, il ne convenait pas de rouvrir le service de maternité de Pithiviers, avec l'activité de chirurgie
obstréticale que cela sous-entend, sans le mettre en conformité avec la législation. C'est ce que nous avons fait,
notamment en ce qui concerne les locaux d'anesthésie.
Il s'agit aussi de mettre rapidement un terme à la rédaction et à la signature des conventions de partenariat avec les
hôpitaux de Pithiviers, d'Etampes et d'Orléans, ainsi qu'avec plusieurs établissements rattachés à l'Assistance publique des
hôpitaux de Paris. C'est ainsi qu'une série de conventions de fonctionnement médical et de protocoles portant sur les
gardes et l'activité des chirurgiens et anesthésistes viendra concrétiser la mise en réseau de plusieurs établissements autour
des services de maternité et d'anesthésie.
Les autres dispositions relatives à l'hôpital de Pithiviers concernent - vous le savez, monsieur le sénateur - le renforcement
et l'amélioration du service des urgences, l'ouverture d'un service mobile d'urgence et de réanimation, un SMUR, la mise
en place d'une véritable garde de radiologie placée sous la responsabilité du centre hospitalier d'Etampes et, enfin, le
renforcement de l'activité de pédiatrie, qui est indispensable puisque nous maintiendrons, je l'espère, l'activité de la
maternité.
L'ensemble de ce dispositif sera mis en oeuvre par l'agence régionale de l'hospitalisation du Centre. Le rôle du centre
hospitalier de Pithiviers dans ses missions d'hôpital de proximité sera ainsi conforté.
Je vous garantis donc la pérennité de l'établissement et, comme je m'y suis engagé, aucune suppression d'emploi
n'interviendra, au contraire.
C'est dans cette optique que sera étudié le développement des activités de médecine avec le renforcement du plateau
technique des consultations. Nous espérons que le registre presque entier des spécialités médicales sera ainsi disponible
en consultation et que les spécialistes travailleront en complémentarité - ce que je souhaite infiniment, et je m'engage à tout
faire pour cela - avec la médecine de ville de Pithiviers.
Ce dispositif permettra d'assurer la qualité et la sécurité des soins que les habitants de Pithiviers et des environs sont en
droit d'attendre de leur établissement hospitalier.
Je tiens à rendre hommage devant vous, monsieur le sénateur, à tous ceux qui mobilisent leur énergie, dans les hôpitaux
comme dans les administrations. Je sais que ce n'est pas simple, et vous avez vous-même souligné le décalage qui existent
entre les décisions et la réalité administrative. Mais vous n'êtes pas assez naïf pour vous en étonner !
Quoi qu'il en soit, s'agissant de la réouverture de Pithiviers, je rends hommage au travail de chacun, y compris au travail
militant des habitants de la ville et à votre propre action, monsieur le sénateur, car il s'agit d'un bel exemple de solidarité.
Je pourrais revenir en détail sur la chronologie,...
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi toutefois de vous inviter à la concision, car notre ordre du
jour est chargé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Pour résumer donc, ce n'était pas simple, monsieur le sénateur.
Avec Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, nous n'avons pas voulu faire de Pithiviers un cas d'école, car il serait
très difficile, pour ne pas dire impossible, de répéter ces efforts et d'en obtenir les effets escomptés dans tous les
établissements.
Simplement, nous avons tenu à changer de méthode : nous sommes partis des besoins des habitants, en prenant en
compte le fait que nous, responsables de la sécurité dans les hôpitaux à l'échelon gouvernemental, ne pouvions, à
l'évidence, assurer suffisamment cette sécurité à l'hôpital de Pithiviers.
La chirurgie, monsieur le sénateur, il n'en est pas question, car je ne trouverai pas de chirurgien compétent ; mais, avec le
service mobile d'urgence et de réanimation, le SMUR, c'est-à-dire la manière médicalisée de transporter au plus vite, à 30
kilomètres, les urgences éventuelles, nous devrions faire face à la situation.
Si tout se déroule bien, si, comme je le souhaite et le crois, la maternité est réouverte fin novembre, si le dispositif de
chirurgie obstétricale et l'anesthésie fonctionnent, le dialogue en sera facilité d'abord avec les habitants de Pithiviers, mais
surtout avec les malades, qui en ce qui me concerne, m'intéressent encore plus que les habitants, voire avec l'ensemble du
personnel hospitalier et des habitants des villes qui ont à faire face à des problèms hospitaliers.
En somme, c'est une leçon non pas de pédagogie, car je ne suis pas prétentieux au point de croire que j'y réussirai, mais
d'humanité, qui consiste à considérer les besoins des habitants d'une ville et à essayer de les satisfaire avec eux. Voilà ce
que nous avons voulu faire, monsieur le sénateur, et j'espère que nous réussirons vers la fin du mois de novembre.
M. Paul Masson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le président, d'avoir laissé M. le secrétaire d'Etat
s'exprimer un peu plus longuement sur ce sujet.
La fermeture d'une maternité, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne se produit pas tous les jours, et la liquidation d'un bloc
opératoire est une affaire sérieuse dans une ville de 10 000 habitants.
J'ai noté avec beaucoup de satisfaction deux choses : la première, c'est l'assurance de la réouverture de la maternité aux
alentours du 30 novembre ; la seconde - cela prouve bien que l'on gagne à se connaître davantage - c'est la chaleur avec
laquelle vous vous engagez pour parvenir à des solutions concrètes et positives.
En revanche, permettez-moi de vous dire ma déception quand je vous entends analyser un rapport dont chacun sait qu'il
n'est que le produit de l'administration dans toute sa sècheresse et dont vous savez mieux que quiconque qu'il contient un
certain nombre d'inexactitudes, notamment celle qui consiste à considérer le nombre des malades sur la moitié seulement
du secteur géographique sur lequel l'hôpital assied ses activités à l'heure actuelle. Il est tout de même fâcheux de trouver
de telles incongruités dans un rapport d'inspection générale !
Sur le fond, j'attends que l'on me démontre qu'une maternité peut fonctionner sans chirurgien. Vous avez une formule
nouvelle ; nous verrons ce qu'elle vaut. Je ne suis pas un spécialiste, mais j'apprends tous les jours que la chirurgie appuie
une maternité parce qu'il y va de la responsabilité de ceux qui opèrent.
Vous dites qu'il y a mésentente entre deux ou trois chirurgiens. Le fait est connu de longue date. Mais, monsieur le
secrétaire d'Etat, ferme-t-on une école parce qu'il y a mésentente entre trois instituteurs ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas pareil !
M. Paul Masson. Arrête-t-on un train parce qu'il n'arrive pas à l'heure ? Ferme-t-on un usine parce qu'il y a des
dysfonctionnements dans un certain nombre de services ? Non !
La mesure frappe de plein fouet une population très laborieuse. Vous connaissez la situation de Pithiviers, on vous l'a
décrite. Vous savez que la situation sociale n'est pas brillante et vous savez les difficultés qui sont inhérentes à cette
fracture sociologique entre deux parties de la population.
Monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut traiter Pithiviers comme on traiterait n'importe quoi ou n'importe qui. Je sais,
d'ailleurs, que telle n'est jamais votre attitude.
Je vous demande de continuer à avoir en faveur de Pithiviers cet engagement personnel que je sens et dont je vous rends
grâce, de faire en sorte que l'administration n'ait pas des solutions toutes faites qui relèvent des instructions ministérielles
permanentes.
On ne saurait analyser la situation de Pithiviers aujourd'hui, en 1997, bientôt en 1998, comme on l'analysait en 1950. Cela
n'a rien à voir. Pithiviers est au centre d'un bassin démographique qiu va se développer, toutes les analyses nationales le
prouvent.
Il serait donc aberrant, aujourd'hui, de supprimer un centre de soins, un établissement public au service d'une population
qui est à la fois laborieuse, dynamique, intelligente et pleine d'espoir.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, la requête ultime que je me permets de vous présenter, le constat étant fait que le
rapport direct entre les parlementaires et le ministre est préférable à la médiation d'une administration.

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