Question de M. ALLOUCHE Guy (Nord - SOC) publiée le 10/10/1997

Question posée en séance publique le 09/10/1997

M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers
collègues, pour la troisième fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France a à connaître d'un crime contre
l'humanité qui mêle l'histoire d'un homme et la mémoire d'une nation.
Parce que la conscience se constitue d'abord par le souvenir, aucune société, aucun individu ne peut vivre en paix avec
lui-même sur un passé refoulé ou mensonger. Et c'est parce que l'amnésie guette autant les êtres que les peuples que les
plus hautes autorités du pays ont rappelé l'impérieux devoir de mémoire qui perpétue le sentiment d'appartenance à la
nation.
Au devoir de mémoire s'ajoutent le devoir de justice et le devoir de vérité.
Le devoir de justice a commencé hier, et il est juste qu'un homme accusé de crime comme l'humanité - crime
imprescriptible - puisse répondre de ses actes devant une cour d'assises.
M. Jacques Larché. Et la séparation des pouvoirs ?
M. Guy Allouche. Le devoir de vérité va se poursuivre avec la recherche historique, essentielle pour lutter contre l'oubli,
la déformation de l'histoire et l'altération de la mémoire, grâce à l'accès plus rapide et plus facile aux archives permis par
une récente décision de M. le Premier ministre.
Le devoir de mémoire, indispensable à la formation de la conscience morale et civique des jeunes générations, s'impose
plus que jamais. A cet égard, je veux saluer le remarquable travail de notre corps professoral qui, bien au-delà des
programmes officiels, concourt, par des manifestations diverses et nombreuses, à la sensibilisation de notre jeunesse aux
dangers du racisme, lequel est d'abord un crime contre l'esprit.
M'adressant à vous, monsieur le ministre de l'éducation nationale, je vous demande quelles instructions nouvelles, quelles
incitations, quelles actions concrètes et permanentes, quelles manifestations le Gouvernement entend promouvoir afin que
chaque jeune de notre pays fasse sienne la célèbre formule : « Plus jamais ça. » (Applaudissements sur les travées
socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 10/10/1997

Réponse apportée en séance publique le 09/10/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, il
n'échappe à personne que la question que vous m'adressez est particulièrement grave et alarmante pour l'ensemble de
notre pays.
M. le Premier ministre a annoncé dans son discours d'investiture son intention, et nous l'avons mise en oeuvre, de
restaurer l'enseignement de la morale civique.
Dans ce cadre, nous avons indiqué aux enseignants - en continuité, je dois le dire, avec ce qui avait été fait par mon
prédécesseur - que chaque cas d'actualité devait être saisi pour en dégager la valeur exemplaire, pour rappeler le devoir
de mémoire, mais aussi pour rappeler la rigueur du raisonnement qui fonde les règles de la République, ce qui signifie
qu'en aucun cas l'école ne saurait se substituer à la justice.
M. Pierre Fauchon. Ah bon ! Tout de même !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Le cas dont vous parlez,
monsieur le sénateur, qui évoque une horrible période qui a défiguré l'image de notre pays, met en relief des problèmes
graves : le racisme, qui est à la fois une abomination et une absurdité scientifique et biologique, mais aussi le choix posé
aux fonctionnaires entre l'exigence de leur conscience et les ordres qui leur sont donnés. Il y a là matière à débats.
Je le répète, sans se substituer à la justice, nos enseignants sont en train de faire réfléchir les élèves en classes d'histoire,
de philosophie, de français, toutes matières qui se prêtent le plus à ce genre de travail.
M. Emmanuel Hamel. Rappelez aussi la responsabilité du Front populaire dans la défaite ! (Vives exclamations sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Marques de désapprobation sur
certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur Hamel n'interrompez pas l'orateur.
M. Jean Chérioux. Qui a voté les pleins pouvoirs ? (Nouvelles protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Mesdames, messieurs
les sénateurs, je pense que cette période est trop grave pour qu'elle nous divise.
M. Christian Poncelet. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je pense que nous
devons être tous unis dans la réprobation de ce qui constitue une tache dans notre histoire. (Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)

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