Question de M. PEYREFITTE Alain (Seine-et-Marne - RPR) publiée le 23/10/1997

M. Alain Peyrefitte attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'abandon annoncé du surgénérateur " Superphénix ". Cette décision paraît avoir été prise de manière arbitraire, sans délibération gouvernementale. A plus forte raison sans débat parlementaire, contre l'avis de l'académie des sciences, sans consultation du commissariat à l'énergie atomique (CEA) ni d'Electricité de France (EDF). Peut-on connaître, peut-on entendre les spécialistes qui ont pu conseiller une telle attitude ? Il est regrettable de constater que des préjugés idéologiques l'emportent sur les intérêts du pays et sur les calculs de la raison. En 1996 et 1997, la parfaite marche de Creys-Malville a démontré que les techniques mises en oeuvre dans une centrale à neutrons rapides étaient aujourd'hui au point pour une utilisation à l'échelle industrielle. Cette centrale est un prototype unique au monde. Il est donc normal que, pendant ses premières années de service, elle ait connu des pannes et nécessité des réglages. C'est le lot de tout prototype, surtout à un pareil niveau de haute technologie. Aujourd'hui, il apparaît qu'elle est devenue fiable, moins polluante que les autres centrales nucléaires et a fortiori classiques, et qu'elle fonctionne bien. D'autre part, la sûreté de Superphénix n'a jamais été mise en cause. La direction de la sûreté des installations nucléaires autorise en effet régulièrement, après des vérifications minutieuses, la poursuite de l'exploitation de cette centrale. La décision, confirmée par M. le premier ministre dans sa déclaration de politique générale, ne concerne pas uniquement le destin d'un réacteur isolé. Elle s'inscrit bel et bien, par sa dimension stratégique, dans l'Histoire. Elle concerne l'indépendance et la pérennité de l'approvisionnement énergétique de la France. En tout état de cause, une décision si lourde de conséquences ne devrait pas être définitivement arrêtée sans que le Parlement ait eu l'occasion d'en débattre. Il lui demande s'il lui paraît acceptable qu'un effort acharné de trente ans, qui a permis au pays d'acquérir une position de tête dans la technologie nucléaire la plus difficile, se trouve sacrifié à une alliance électorale de circonstance, pour satisfaire une infime minorité, qui n'a à offrir de son côté que des fantasmes ou des illusions de retour au passé.

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 16/09/1999

Réponse. - L'honorable parlementaire attire l'attention du Premier ministre sur l'arrêt du surgénérateur " Superphénix ". Conformément à ses engagements politiques, et en particulier ceux pris par le Premier ministre lors de la campagne législative, le Gouvernement a en effet décidé le 2 février 1998 l'abandon de Superphénix, prototype lancé dans les années 70, dans un contexte de pénurie d'énergie et de faiblesse estimée de ressources en uranium. Cette centrale est désormais inadaptée au contexte actuel. En outre, ce prototype, qui constituait un saut technologique considérable, a été difficile à maîtriser et a coûté beaucoup plus cher que prévu. Il ne peut en l'état constituer un modèle à répliquer à l'identique dans un programme d'équipement en surgénérateur. Pour autant, Superphénix représente une technologie très riche, développée par des personnels particulièrement motivés et performants, qui ont montré que la France savait mettre au point des équipements technologiques innovants de très haut niveau. Il faudra tirer profit de l'expérience accumulée et poursuivre les recherches dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides pour l'avenir à plus long terme. Lorsque le Gouvernement a pris la décision d'arrêter Superphénix, le réacteur était à l'arrêt, le Conseil d'Etat ayant annulé le décret autorisant son fonctionnement. Le précédent Gouvernement n'avait pas signé le décret autorisant Superphénix à redémarrer en tant que centrale de production électrique ; de plus, un rapport de la Cour des comptes stigmatisait son coût global. Le Gouvernement a donc décidé que Superphénix ne redémarrerait pas, même pour une durée limitée. Pour autant, les opérations de démantèlement dureront plusieurs années et seront à la charge d'EDF. Le Gouvernement entend mettre à profit l'expérience qui sera acquise lors de ce démantèlement, en vue de celui des centrales classiques. Par ailleurs, le Gouvernement a confirmé la poursuite des recherches sur la transmutation, de manière à fournir au Parlement les moyens de prendre des décisions sur l'aval du cycle 2006. A court terme, les programmes de recherche nécessaires pour le respect de la loi 1991 ont été orientés sur Phénix, réacteur de taille plus petite mais conçu dès le départ à des fins de recherche. Phénix est particulièrement souple pour l'expérimentation, du fait notamment de la brièveté du cycle, et permet de disposer d'une instrumentation adaptée aux études expérimentales. Sa montée en puissance a été décidée en 1998, après avis favorable de l'autorité de sûreté. Comme suite à une première campagne d'essais, ce réacteur fait actuellement l'objet de travaux de jouvence afin de pouvoir répondre aux programmes de recherche jusqu'en 2004.

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