Question de M. ROCCA SERRA Jacques (Bouches-du-Rhône - UC) publiée le 14/11/1997

Question posée en séance publique le 13/11/1997

M. le président. La parole est à M. Jacques Rocca Serra.
M. Jacques Rocca Serra. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre - je suis donc très heureux qu'il soit présent
dans l'hémicycle aujourd'hui - et concerne la liaison fluviale Rhône-Rhin. (Ah ! sur les travées du RPR.)
Monsieur le Premier ministre, je ne reviendrai pas sur l'intérêt stratégique, économique, touristique, écologique, comme
pour le domaine de l'emploi, qu'il y a à achever le canal à grand gabarit Rhône-Rhin.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !
M. Jacques Rocca Serra. Cette liaison Nord-Sud est capitale pour notre pays. Après le voeu exprimé par tous les
présidents de la Ve République, sans exception, la représentation nationale l'avait bien compris puisque, avec le
consensus de tous les groupes parlementaires, elle avait décidé, dans la loi du 4 février 1995 sur l'aménagement du
territoire, l'achèvement et le financement de cette liaison.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !
M. Jacques Rocca Serra. Cette décision avait été prise après une longue réflexion inspirée, en particulier, par l'exemple
de la liaison Rhin-Main-Danube, qui organise, depuis 1992, toute l'Europe fluviale de Rotterdam à Constanza, isolant la
France, et notamment son premier port - Marseille - des grands flux européens. La liaison Rhône-Rhin aurait permis, en
outre, d'oxygéner l'Arc latin, à partir duquel la France pouvait conforter sa politique méditerranéenne.
Monsieur le Premier ministre, dans votre déclaration de politique générale, vous avez, brutalement et sans aucune
concertation, annoncé l'abandon de ce projet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'était avant les élections !
M. Jacques Rocca Serra. Le 1er novembre dernier, le Journal officiel publiait le décret abrogeant la déclaration
d'utilité publique de la liaison Saône-Rhin, remettant ainsi définitivement en question ce projet et, par conséquent, la parole
de l'Etat et la volonté du Parlement.
De surcroît, un engagement pris par la France au niveau européen était renié.
Mais le plus grave, outre l'absence de concertation et le mépris dans lequel fut tenu le Parlement, c'est bien le
manquement à la parole de l'Etat.
Il n'est pas bon pour la démocratie que la parole de l'Etat, clairement exprimée selon les procédures légitimes de nos
institutions,...
M. René-Pierre Signé. C'est la politique !
M. Jacques Rocca Serra. ... puisse être remise en cause à chaque changement de majorité. Elle ne peut être sujette à
caution ni à réinterprétation permanente au gré des bouleversements politiques.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cinquante milliards de francs !
M. Jacques Rocca Serra. Monsieur le Premier ministre, j'en appelle aux responsabilités d'Etat...
M. René-Pierre Signé. On a voté, et vous avez été battus !
M. Jacques Rocca Serra. ... dont vous vous prévalez et que vous entendez pleinement assumer, pour vous demander
de revenir sur votre décision (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)

- page 3438


Réponse du ministère : Équipement publiée le 14/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 13/11/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mesdames, messieurs les
sénateurs, comme cela a été dit l'abandon du projet du canal à grand gabarit Rhin-Rhône a été décidé au terme d'une
réflexion collective menée non seulement au cours de la campagne des élections législatives, qui a donné les résultats que
vous savez (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes. Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants.), mais également au cours des
réflexions qui, tout au long de ces dernières années, n'ont pas manqué.
Les questions qui ont été posées sur ce projet n'émanaient pas uniquement d'un côté de l'échiquier politique. J'ai rencontré
beaucoup de personnalités et d'élus de votre bord, monsieur le sénateur, qui étaient également sensibles à ce problème et
qui estimaient nécessaire de chercher d'autres solutions.
Il est vrai que ce projet a été déclaré d'utilité publique en 1978 et que, par une loi de 1980, la Compagnie nationale du
Rhône a été chargée de sa réalisation. Si rien n'a été entrepris depuis, c'est parce que, au fur et à mesure, réflexions et
interrogations sur l'efficacité et l'utilité de ce projet n'ont pas manqué.
Du point de vue des transports, tout d'abord, la sous-utilisation des capacités actuelles du Rhône et de la Saône ne
pouvait donner à penser que l'addition d'un nouveau maillon allait accroître le trafic dans des proportions en rapport avec
l'investissement réalisé.
Il s'agit là d'un élément d'ordre économique, mais il ne faut pas oublier non plus l'aspect écologique du problème.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il faut intégrer cette dimension. En effet, ce projet, vieux de plus de vingt ans, se révélait plus destructeur que créateur
dans ce domaine.
Enfin, sous l'angle économique, il est apparu que les ressources affectées à la réalisation de cet ouvrage - là encore, cette
appréciation n'émane pas que d'un côté de l'échiquier politique - pouvaient être déployées en faveur d'autres usages
prioritaires et qu'elles auraient un meilleur impact sur l'emploi et le développement économique du pays et des régions
concernées.
Ainsi, les réflexions engagées sur le TGV Rhin-Rhône montrent bien le souci du Gouvernement de mieux relier le bassin
rhodanien et le bassin rhénan, qu'il s'agisse du trafic voyageurs ou du trafic marchandises, du fait des capacités libérées sur
le réseau existant par la réalisation d'infrastructures nouvelles.
Le Gouvernement ne méconnaît pas non plus l'intérêt du transport fluvial. Ainsi, j'ai engagé récemment une concertation
sur le choix des fuseaux pour ce qui concerne la future liaison Seine-Nord, ainsi que des études pour la liaison Seine-Est.
Dans le même temps, les dotations budgétaires affectées à la voie d'eau en 1998 vont progresser de 23 %. Elles
profiteront notamment à l'axe rhodanien, où la voie d'eau a peu progressé en matière de trafic des marchandises.
Enfin, je tiens à souligner, parce que la question a été quelquefois évoquée, que, pour la desserte terrestre du port de
Marseille, qui est en effet notre premier port de Méditerranée, les initiatives prises dans le domaine ferroviaire ont, de ce
point de vue, un grand intérêt.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif d'une politique de transport plus équilibrée et efficace,
respectueuse de l'environnement, ayant le souci du développement économique et social du pays, est au coeur de nos
préoccupations. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)

- page 3438

Page mise à jour le