Question de M. CAMOIN Jean-Pierre (Bouches-du-Rhône - RPR) publiée le 28/11/1997

Question posée en séance publique le 27/11/1997

M. le président. La parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, l'opération de régularisation en faveur des sans-papiers que vous avez engagée fait apparaître un
chiffre de 150 000 dépôts de dossiers. Récemment, vous avez annoncé la délivrance de 6 200 titres de séjour et de 12
000 récépissés de dossiers en cours.
Combien de temps va durer cette vaste opération et, surtout, que vont devenir les 130 000 personnes en situation
irrégulière qui se sont fait connaître des services préfectoraux ?
Allez-vous laisser ces sans-papiers s'installer dans l'illégalité ?
M. Alain Gournac. Bonne question !
M. Jean-Pierre Camoin. Hormis vos propositions financières pour les « inviter à quitter le territoire » - ce sont vos
propres termes - quels moyens, peut-être de contrainte, envisagez-vous de prendre pour que ces familles qui refuseraient
votre invitation et qui se retrouveraient sans situation et sans avenir en France retournent dans leur pays d'origine ?.
M. Alain Gournac. Très bonne question !
M. Jean-Pierre Camoin. Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser le coût des aides financières offertes
pour les départs volontaires ? Avez-vous inscrit cette somme dans le projet de budget pour 1998 ? (Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Excellente question !

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 28/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 27/11/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je suis surpris de la question que vous
me posez. Allez-vous laisser s'installer dans la clandestinité, m'avez-vous demandé, ces 150 000 demandeurs ?
Mais ils y sont, et depuis longtemps ! (Applaudissements sur les través socialistes.) Nous les avons trouvés !
M. René-Pierre Signé. C'est votre héritage !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Notre volonté est justement de mettre un terme aux situations
inextricables et insupportables de personnes qui sont à la fois irrégularisables et inexpulsables. C'est, très largement, le
produit d'une législation mal adaptée.
M. Jean-Louis Carrère. La loi Pasqua !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a engagé sans
tarder, en s'appuyant sur les objectifs définis par le Premier ministre le 19 juin dernier - la circulaire date du 24 juin - une
opération de réexamen des situations individuelles qui viendraient à se présenter sur la base de critères objectifs. Le
Gouvernement n'a jamais tenu qu'un seul langage ! Il n'en a pas changé. Il n'en changera pas, quels que soient les cris
d'orfraie entendus ici ou là.
Ces critères se fondent essentiellement sur la situation familiale des intéressés, conjoints ou enfants de Français ou
d'étrangers établis régulièrement sur notre sol.
Compte est tenu aussi des malades atteints de pathologies graves. D'ailleurs, aux termes des conventions que nous avons
signées, nous n'avons pas le droit de les renvoyer dans des pays où ils ne seraient pas soignés. Par conséquent, des titres
de séjour ont effectivement été délivrés, en très petit nombre, pour cette dernière catégorie.
M. Alain Gournac. Cent trente mille !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai également demandé que soit examiné le cas de célibataires
qui témoigneraient d'une très bonne insertion dans la société française.
Les services « étrangers » des préfectures, avec beaucoup de diligence et de dévouement, s'efforcent d'appliquer les
directives, reçoivent individuellement, à ma demande, les intéressés. Le processus se poursuit.
Les chiffres que j'ai cités étaient exacts au début du mois de novembre. Début décembre, seront publiées les statistiques
qui seront établies sur la base des informations qui auront été communiquées par chaque préfecture. Je rappelle que deux
départements concentrent à eux seuls plus de la moitié des demandes : Paris et la Seine-Saint-Denis.
Tel est donc le processus ! Il se poursuivra jusqu'au 30 avril 1998, date que j'ai donnée aux différentes préfectures pour
achever cette procédure, à la fois systématique et humaine, de réexamen des dossiers. Nous nous efforçons, en effet,
d'avoir un comportement qui soit à la fois humain, ferme, mais aussi conforme aux engagements internationaux que nous
avons souscrits et à l'image qui doit être celle de la France.
Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de le dire - M. le Premier ministre l'a également indiqué à plusieurs reprises - ceux qui ne
pourront pas être régularisés ont vocation, naturellement, à retourner dans leur pays d'origine.
Une mission interministérielle a été constituée pour faciliter cette opération, qui doit pouvoir s'effectuer de manière que
soient valorisées les compétences acquises par les intéressés, de préférence au bénéfice de leur pays d'origine, où
beaucoup reste à faire et où un certain nombre de redéploiements de crédits devront avoir lieu.
Ces flux pourront servir les rapports que la France a et se doit d'avoir avec des pays qui, pour la plupart, appartiennent à
l'espace francophone. Comment ne pas être conscient de ce qui se joue sur ce terrain ? Il s'agit aussi d'une certaine image
de la France, à laquelle vous devriez être aussi attachés que moi.
Nous n'avons absolument pas intérêt - il suffit de voyager en Afrique pour s'en rendre compte ! - à apparaître comme un
pays qui cadenasse ses frontières. Vous le savez très bien, la France est un pays ouvert au monde.
M. le président. Monsieur le ministre, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je conclus, monsieur le président !
Chaque année, 85 millions d'étrangers entrent en France et en sortent. Cela fait partie de la vocation de la France :
première destination touristique mondiale, quatrième puissance commerciale !
Nous devons faire en sorte que la maîtrise des flux migratoires s'effectue dans des conditions à la fois conformes à l'intérêt
national et compatibles avec l'image de la France et les droits des étrangers, quelle que soit d'ailleurs leur situation.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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