Question de M. RAOULT Paul (Nord - SOC) publiée le 12/12/1997

Question posée en séance publique le 11/12/1997

M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
En application de la politique européenne de l'environnement, la France doit mettre en oeuvre la directive du 21 mai 1992
relative à la conservation des habitats naturels ainsi qu'à la protection de la faune et de la flore.
Cette directive vise à créer un réseau européen dénommé Natura 2000. Il contribuera à assurer le maintien de la diversité
biogéographique en Europe.
Avant d'aboutir à la constitution de ce réseau, une mission préalable d'expérimentation, le programme LIFE, est menée
actuellement sur trente-deux sites potentiels, dont celui des forêts de Thiérache, dans le département du Nord.
En tant que président du parc naturel régional de l'Avesnois, j'ai suivi attentivement la démarche entreprise sur ce site. Les
études sont aujourd'hui achevées. Les actions de concertation avec l'ensemble des acteurs ont été menées sous la tutelle
du sous-préfet d'Avesnes. Nous achevons la phase finale de l'opération avec l'élaboration des cahiers d'objectifs.
Je n'évoquerai pas ici les rebondissements successifs qu'a connus ce dossier. Je note simplement que la procédure s'est
engagée dans des conditions catastrophiques.
La précipitation, les nombreuses incertitudes, la mauvaise appréciation sur le terrain de l'application de la directive ont
créé un climat de psychose et d'opposition souvent farouches. Les élus locaux en supportent souvent les conséquences
alors que ce dossier reste de la responsabilité de l'Etat.
Aujourd'hui, la poursuite de la démarche se heurte à une radicalisation des positions des acteurs locaux, agriculteurs et
forestiers. Les craintes de ces derniers se conjuguent avec les inquiétudes liées à la réforme de la politique agricole
commune.
Monsieur le ministre, je souhaiterais avoir des engagements fermes du Gouvernement à la fois sur la méthode et sur les
moyens pour mener à bien ce dossier.
Comment l'Etat souhaite-t-il faciliter et améliorer la concertation locale ? La précipitation avec laquelle est menée la
procédure, la faiblesse des moyens financiers mis à la disposition pour cette mission pénalisent le bon déroulement de
cette mission d'expérimentation. Ce sont souvent les élus locaux, à travers, notamment, les parcs naturels régionaux, qui
assurent la mise en oeuvre de cette concertation.
Quelle est la position de l'Etat, qui est le premier propriétaire forestier national, quant à l'application de la directive Natura
2000 sur son domaine privé ?
L'Etat demande aujourd'hui aux propriétaires forestiers de s'engager et de respecter la logique de cette directive. Il doit
montrer l'exemple !
Quelles instructions seront données à l'Office national des forêts en tant que gestionnaire des espaces retenus dans les
périmètres ?
Pouvez-vous aujourd'hui apporter des précisions quant aux mesures financières compensatoires qui seront mises en place
pour répondre aux contraintes de gestion acceptées par les propriétaires ?
Vos réponses sont attendues avec impatience par tous les partenaires, qui souhaitent être rassurés pour appliquer
loyalement la directive Natura 2000. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 12/12/1997

Réponse apportée en séance publique le 11/12/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, votre question concerne au
premier chef le ministre de l'environnement. Compte tenu de sa formulation, je me sens cependant concerné, la politique
forestière relevant de mes compétences.
Au plan national, la procédure Natura 2000 continue d'évoluer. Des progrès ont été accomplis. Il est toutefois évident
qu'il nous faudra obtenir plus de transparence.
L'envoi d'une première proposition pour des sites susceptibles d'être reconnus d'intérêt communautaire a eu lieu au début
du mois de décembre. Mais la concertation se poursuit, notamment au niveau des préfets et des préfets de région, et elle
devrait permettre d'enrichir la première liste qui prévoyait a minima 535 sites pour 888 450 hectares, auxquels il convient
d'ajouter 169 660 hectares marins, soit, au total, 1,6 % du territoire national.
En dépit de cela, la France accuse en ce domaine un retard, ce que le commissaire européen nous rappelle avec une
fréquence soutenue.
Vous avez évoqué le vécu de votre démarche dans l'un des trente-cinq sites du programme LIFE, à savoir les forêts de
Thiérache.
Ayant en charge la politique forestière, j'ai attendu que l'Office national des forêts, l'ONF, apporte une contribution
particulière à la préservation de cette biodiversité exceptionnelle de la France. L'Etat, par le biais de l'ONF, s'est donc
attaqué à l'inventaire des sites forestiers domaniaux, qui représentent à ce jour 8,5 % des sites retenus. Ce n'est pas à la
mesure des forêts privées, qui représentent 85 % des forêts françaises !
Quant à l'Etat, il a pris ses responsabilités. Il reste à poursuivre la concertation en cours. J'ai déjà reçu les propriétaires
forestiers, qui sont venus me dire leurs attentes, mais aussi leurs appréhensions.
S'agissant des mesures compensatoires - on fait référence aux surcoûts de gestion - elles font l'objet d'un des points du
mémorandum interprétatif de la directive Habitat, qui a été adoptée par la Commission et qui invite les Etats membres à
tenir compte des financements qui résulteraient de la procédure. C'est une question que Dominique Voynet et moi-même
suivons avec une toute particulière attention. (Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Poncelet et Arzel
applaudissent également.)

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