Question de M. VALLET André (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 29/01/1998

M. André Vallet attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la contribution des communes aux dépenses d'aide sociale et de santé. Il lui indique qu'en 1995, comme vient de le révéler l'APCG (assemblée des présidents des conseils généraux), les dépenses d'aide sociale des départements ont représenté 82 milliards de francs, soit plus de 60 % des dépenses de fonctionnement de ceux-ci. Il lui rappelle en outre que les lois de décentralisation ont cependant maintenu le principe d'une participation financière des communes aux dépenses d'aide sociale et de santé relevant pourtant de la compétence des départements (art. 93 de la loi du 7 janvier 1983, et art. 42 de la loi du 22 juillet 1983). Il lui indique également que ce contingent d'aide sociale constitue pour les communes une dépense obligatoire qui pèse de plus en plus sur les budgets communaux. En outre, il lui indique que le montant et la progression de cette dépense tendent, de simple problème ponctuel lié à des situations particulières, à devenir une véritable difficulté structurelle concernant les communes. Par ailleurs, si en moyenne nationale hors Paris, les communes participent à hauteur de 15,8 % aux dépenses nettes d'aide sociale obligatoire du département, soit 202 francs par habitant, la diversité des situations locales permet de s'interroger sur l'équité de la participation financière des communes à ce financement. Il lui signale qu'en 1995 les participations financières des communes représentaient, en moyenne hors Paris, 7,6 % des quatre taxes principales des impôts communaux. Ce taux de prélèvement était de 1,3 % pour l'Essonne, 2,9 % pour les Hauts-de-Seine, 3,1 % pour le Seine-Saint-Denis, alors qu'il dépassait 17 % dans les Bouches-du-Rhône. Il lui demande donc dans quelle mesure, dans le cadre des réformes annoncées par le précédent gouvernement, notamment en matière de clarification des compétences pour éviter les financements croisés et l'absence de lisibilité des réelles responsabilités pour le contribuable local, le Gouvernement envisage de réserver aux seuls départements le financement de l'aide sociale.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 25/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 24/02/1998

M. André Vallet. Comme vient de le révéler l'assemblée des présidents de conseils généraux, les dépenses d'aide
sociale des départements ont représenté 82 milliards de francs en 1995, soit plus de 60 % des dépenses de
fonctionnement des départements.
Les lois de décentralisation ont maintenu le principe d'une participation financière des communes aux dépenses d'aide
sociale et de santé qui relèvent de la compétence des départements.
Le contingent d'aide sociale constitue pour les communes une dépense obligatoire qui pèse de plus en plus dans les
budgets communaux. Son montant et sa progression tendent à évoluer : le simple problème ponctuel, lié à des situations
particulières, devient un problème structurel concernant toutes nos communes.
Si, en moyenne nationale, les communes - je me permets d'écarter Paris, qui est à la fois département et commune -
participent à hauteur de 15,8 % aux dépenses nettes d'aide sociale obligatoire du département, soit 202 francs en
moyenne par habitant, la diversité des situations locales nous conduit à nous interroger sur le maintien des participations
financières des communes au financement de l'aide sociale obligatoire des départements.
En 1995, les participations financières des communes représentaient en moyenne, toujours hors Paris, 7,6 % des impôts
pour les quatre taxes principales. Ce taux de prélèvement s'élevait à 1,3 % pour l'Essonne, à 2,9 % pour les
Hauts-de-Seine et à 3,1 % pour la Seine-Saint-Denis, alors qu'il dépassait 17 % dans les Bouches-du-Rhône.
Aussi, dans le cadre des réformes annoncées par le précédent gouvernement, notamment en matière de clarification des
compétences, pour éviter des financements croisés et l'absence de lisibilité des réelles responsabilités pour le contribuable
local, ne conviendrait-il pas de réserver le financement de l'aide sociale aux seuls départements ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, s'il est vrai que le contingent communal
augmente d'année en année, passant, hors Paris, de 9,4 milliards de francs en 1993 à 11,4 milliards de francs en 1996,
son poids par rapport aux dépenses nettes légales d'aide sociale des départements reste stable, les communes assurant
globalement 15 % de cette charge.
J'ajouterai, monsieur le sénateur, que la progression des dépenses d'aide sociale des départements connaît, depuis peu,
une certaine décélération : l'augmentation était de l'ordre de 8 % pour les exercices 1993 à 1995 ; elle s'est élevée à 4 %
en 1996, ce ralentissement se confirmant en 1997. L'augmentation des dépenses des communes doit donc logiquement se
ralentir, à l'avenir, dans les mêmes proportions.
Toutefois, ce ralentissement de la progression de la participation des communes ne fait pas oublier au Gouvernement que
leurs responsabilités sont en effet, vous l'avez souligné, de plus en plus lourdes dans ce domaine. Cette situation entretient,
vous l'avez également rappelé, certaines questions sur l'organisation des compétences des collectivités publiques en
matière d'aide sociale, telles qu'elles ont été fixées par les lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983.
L'efficacité de la politique sociale nécessite la plus grande clarté s'agissant des responsabilités respectives des collectivités
publiques.
A cet égard, s'il n'est pas envisagé de modifier sensiblement le partage des responsabilités institué par les lois de 1983, le
Gouvernement étudie les conditions d'une évolution du dispositif réglementaire de répartition du contingent entre les
communes institué par le décret du 31 décembre 1987.
Ce dispositif, qui favorise un freinage efficace de la progression de la contribution globale des communes dans les
départements où elle s'avère supérieure à la moyenne nationale, laisse en effet une grande liberté aux conseils généraux en
ce qui concerne le choix des critères de répartition du contingent entre les communes.
Pour remédier aux disparités que cette réglementation a fait naître entre les communes, au détriment des villes en
particulier, le Gouvernement s'emploie à rechercher les éléments d'un rééquilibrage qui seront proposés à la concertation
des associations d'élus.
La décision susceptible de vous donner satisfaction est donc repoussée d'ici à quelques semaines ou à quelques mois.
Je souhaite compléter cette réponse, monsieur le sénateur, en formulant une remarque.
Les divers rapports qui ont été remis à Mme Aubry et à moi-même, en particulier en ce qui concerne la précarité - il s'agit
d'un problème très préoccupant - laissent entrevoir des perspectives lourdes de financement pour la prise en charge des
personnes démunies.
D'après le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé, le CREDES, un Français sur
quatre n'aurait pas les moyens financiers d'accéder aux soins et déciderait donc de ne pas se soigner. Selon le Haut
Comité de la santé publique, douze à quinze millions de personnes se trouveraient dans cette situation dans notre pays.
Personnellement, je n'arrive pas à croire à ces chiffres. L'expérience que nous avons - la fréquentation des établissements
hospitaliers, intimement liés aux communes, en particulier - nous donne à penser qu'il conviendrait de vérifier ces chiffres :
il s'agirait non seulement des personnes qui doivent aller à l'hôpital et se soigner, mais également de celles qui se trouvent
dans une situation de précarité.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'apprécie le fait que vous envisagiez d'apporter plus de clarté dans la
répartition des sommes affectées à l'aide sociale.
Je ne veux pas aborder le fond du débat, mais le moins que je puisse dire c'est que, aujourd'hui, cette répartition est très
inégale.
Vous avez indiqué que cette charge pesait à hauteur d'environ 15 % sur les budgets communaux. Or le Haut-Rhin, par
exemple, engage une dépense de 730 francs, alors que la Guyane prévoit une dépense de 2 609 francs au titre du
contingent d'aide sociale. C'est dire que le contribuable de la Guyane et celui du Haut-Rhin ne participent pas de la même
manière à cette charge !
Mais le fond de ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, était autre. Je ne souhaite pas ouvrir un débat sur la précarité,
qui nous préoccupe tous, mais est-il bien raisonnable - je sais que le précédent gouvernement envisageait d'agir, et
j'aimerais savoir si vous comptez aujourd'hui oeuvrer dans le même sens - est-il bien raisonnable, dis-je, que les
communes jouent le rôle de percepteurs pour les conseils généraux ? En effet, elles prélèvent une somme qu'elles versent
directement au conseil général pour une compétence qui dépend, aux termes de la loi de décentralisation, exclusivement
des conseils généraux.

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