Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 30/01/1998

M. Bernard Piras attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des administrateurs ad hoc. Le régime juridique de ces derniers est partiellement évoqué par le projet de loi, actuellement en débat au Parlement, sur la prévention et la répression des infractions en matière sexuelle. Malheureusement, lors de cette réforme, la situation de ces administrateurs ad hoc n'est évoquée que de manière partielle, alors que leur mission ne peut être cantonnée au droit pénal. En effet, leur intervention peut, par exemple, se révéler nécessaire en matière de droit civil (problème de succession ou de filiation). Il est indispensable qu'un projet de loi, ou bien un décret si cela relève du domaine réglementaire (encore que si l'on se réfère au statut des tuteurs, cf. loi no 64-1230 du 14 décembre 1964, une loi paraît mieux appropriée), soit adopté pour appréhender de manière globale le statut de ces auxiliaires de justice qui ont une mission bien particulière d'ordre public ou de service public. Il doit ainsi être précisé dans leur statut : le mode de désignation, notamment l'agrément, la qualification nécessaire, les causes d'exclusion et les cas d'incompatibilités, le refus et la démission, le mandat, notamment le contenu et le contrôle, la responsabilité et la rémunération... Il semble à ce sujet que, selon une réponse à une question écrite posée par un député, une réflexion soit actuellement menée à la Chancellerie. Il est vivement souhaitable qu'elle débouche sur un texte permettant une reconnaissance publique du rôle des administrateurs ad hoc. Mais avant que celui-ci ne soit adopté définitivement, un problème doit être réglé de manière urgente : à qui incombe le financement de ces mandats judiciaires ? Les conseils généraux sont-ils tenus de les financer ? Sont-ils tenus légalement d'exercer ces mandats lorsque le juge ne trouve personne pour le faire ? A ce jour, il semble qu'aucun texte ne prévoit clairement à qui il revient de verser ces sommes. De fait, la situation varie en fonction des départements concernés, selon que le conseil général décide ou non d'assumer cette charge, ou que la trésorerie générale accepte ou non d'appliquer les décisions judiciaires. Mais, même au titre des frais de justice, l'indemnisation est refusée par certains TG. C'est ainsi que dans certains départements les administrateurs ad hoc ne sont pas indemnisés depuis plusieurs mois. Par ailleurs, les indemnités prévues aux articles R 130 et R 138 du code de procédure pénale, lorsqu'elles sont versées, ne couvrent qu'une partie infime, voire dérisoire, des frais exposés par l'administrateur ad hoc, puisque l'indemnité kilométrique est de 0,38 F. Il lui demande alors sur quelle base les administrateurs ad hoc peuvent solliciter le remboursement de leurs frais et auprès de qui.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 25/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 24/02/1998

M. Bernard Piras. Madame le garde des sceaux, je tiens à attirer votre attention sur la situation des administrateurs ad
hoc.
Le régime juridique de ces derniers est partiellement évoqué par le projet de loi, actuellement en débat au Parlement, sur
la prévention et la répression des infractions en matière sexuelle. Malheureusement, lors de cette réforme, la situation de
ces administrateurs ad hoc n'est évoquée que de manière partielle, alors que leur mission ne peut être cantonnée au droit
pénal. En effet, leur intervention peut, par exemple, se révéler nécessaire en matière de droit civil, notamment pour les
problèmes de succession ou de filiation. Il est donc indispensable qu'un projet de loi, ou un décret si cela relève du
domaine réglementaire - encore que, si l'on se réfère au statut des tuteurs, prévu par la loi du 14 décembre 1964, une loi
paraisse mieux appropriée - soit adopté pour appréhender de manière globale le statut de ces auxiliaires de justice qui ont
une mission bien particulière d'ordre public ou de service public.
Il doit ainsi être précisé dans leur statut : le mode de désignation, notamment l'agrément, la qualification nécessaire, les
causes d'exclusion et les cas d'incompatibilités, le refus et la démission, le mandat, notamment le contenu et le contrôle, la
responsabilité et la rémunération.
Il semble, à ce sujet, que, selon une réponse à une question écrite posée par un député, M. Jérôme Cahuzac, une
réflexion soit actuellement menée à la Chancellerie. Il est vivement souhaitable qu'elle débouche sur un texte permettant
une reconnaissance publique du rôle des administrateurs ad hoc.
Mais avant que ce texte ne soit adopté définitivement, un problème doit être réglé de manière urgente : à qui incombe le
financement de ces mandats judiciaires ? Les conseils généraux sont-ils tenus de les financer ? Sont-ils tenus légalement
d'exercer ces mandats lorsque le juge ne trouve personne pour le faire ?
A ce jour, il semble qu'aucun texte ne prévoie clairement à qui il revient de verser ces sommes. De fait, la situation varie
en fonction des départements concernés, selon que le conseil général décide ou non d'assumer cette charge, ou que la
trésorerie générale accepte ou non d'appliquer les décisions judiciaires.
Mais, même au titre des frais de justice, l'indemnisation est refusée par certaines trésoreries générales. Ainsi, dans certains
départements, les administrateurs ad hoc ne sont pas indemnisés depuis plusieurs mois. Par ailleurs, les indemnités
prévues aux articles R. 130 et R. 138 du code de procédure pénale, lorsqu'elles sont versées, ne couvrent qu'une partie
infime, voire dérisoire, des frais exposés par l'administrateur ad hoc, puisque l'indemnité kilométrique est de 0,38 franc.
Je vous demande donc sur quelle base les administrateurs ad hoc peuvent solliciter le remboursement de leurs frais et
auprès de qui.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous vous préoccupez, monsieur le sénateur, de la
situation des administrateurs ad hoc désignés dans une procédure lorsque les intérêts d'un mineur sont en opposition avec
ceux de ses représentants légaux.
Vous soulignez l'absence de statut les concernant et vous insistez tout particulièrement - vous avez raison - sur le
problème de leur rémunération.
Comme vous, je suis très attachée à ce qu'une solution soit apportée à ce problème, en raison de l'intérêt qui s'attache à
ce qu'un mineur qui se trouve déjà dans une situation familiale conflictuelle, le privant de l'appui de ses parents, ne soit pas
pénalisé plus encore parce qu'il ne réussirait pas à faire valoir ses droits.
La question est en voie d'être réglée pour les administrateurs ad hoc désignés dans une procédure pénale. En effet - vous
l'avez vous-même souligné - le projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la
protection des mineurs tend à rendre obligatoire la désignation de l'administrateur ad hoc dès lors que la protection des
intérêts du mineur n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. Le texte en
discussion devant le Parlement prévoit, en outre, que les conditions de l'indemnisation des administrateurs seront fixées
par un décret en Conseil d'Etat.
Il n'en est pas de même lorsque les administrateurs ad hoc exercent des missions civiles.
Il est difficile d'évaluer, en l'état, les besoins en la matière, même si les domaines dans lesquels l'administrateur ad hoc a
vocation à intervenir apparaissent essentiellement circonscrits aux mesures d'assistance éducative, aux conflits relatifs à la
filiation et aux litiges en matière successorale.
Il est certain que ces situations appellent des aptitudes particulières et un contrôle de l'exercice des missions.
A cet égard, la situation actuelle n'est pas pleinement satisfaisante et elle appelle donc un certain nombre de mesures.
Je m'interroge, en revanche, sur l'opportunité d'un véritable statut, qui pourrait être de nature à encadrer trop strictement
une activité qui, par essence, doit s'exercer avec toute la souplesse requise.
S'agissant de la rémunération des administrateurs ad hoc, ainsi que vous le soulignez, monsieur le sénateur, les missions
sont actuellement le plus souvent remplies par des personnels de l'aide sociale à l'enfance et, dès lors, prises en charge
dans le cadre de leurs missions générales exercées pour le département.
J'ai néanmoins conscience que cette solution n'est pas pleinement satisfaisante, car le mandat judiciaire qui leur est ainsi
confié ne fait pas partie de leurs fonctions habituelles.
Il apparaît, dès lors, logique d'envisager une rémunération spécifique. Celle-ci n'étant pas prévue à l'heure actuelle, un
texte doit donc être pris à cet effet.
Bien évidemment, cette rémunération ne peut être mise à la charge des parents de l'enfant, qui s'opposent à lui dans le
litige, ou à celle du mineur, qui ne dispose pas des ressources nécessaires.
En conséquence, c'est à l'occasion de l'examen des frais de justice que la question de cette rémunération doit pouvoir être
évoquée.
Vous n'ignorez pas, néanmoins, que la question des frais de justice est délicate compte tenu de la difficulté qu'il y a à
maîtriser leur évolution. C'est pourquoi mes services procèdent actuellement à une étude approfondie en la matière pour
rationaliser leur utilisation, et c'est dans ce cadre que la question particulière de la rémunération des administrateurs ad
hoc pourra trouver une solution.
M. Bernard Piras. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Madame le ministre, votre réponse me satisfait. Je souhaite simplement que ce travail soit effectué
dans les meilleurs délais afin que les dispositions qui seront prises puissent s'appliquer rapidement et répondre ainsi aux
attentes des administrateurs ad hoc tout en améliorant les services qu'ils rendent.

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