Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 11/02/1998

Mme Marie-Claude Beaudeau demande à M. le secrétaire d'Etat à la santé de lui préciser les mesures modificatives du décret no 87-482 du 1er juillet 1987 qu'il envisage pour permettre à tout employé originaire d'un département ou territoire d'outre-mer, exerçant actuellement dans un établissement public hospitalier métropolitain, de bénéficier des congés bonifiés. Elle lui demande également de lui préciser les mesures financières qu'il envisage d'attribuer à chaque hôpital concerné afin de permettre ainsi une application nouvelle de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 01/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 31/03/1998

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question comporte en fait trois volets.
Premier volet : le congé bonifié a été accordé à tout agent hospitalier comme à tout employé de la fonction publique
originaire des départements ou territoires d'outre-mer exerçant sur le sol métropolitain. Cette disposition a été appliquée
sans trop de difficulté à l'origine.
Deuxième volet : depuis juillet 1987, des clauses restrictives ont été apportées, limitant le droit aux congés bonifiés. Des
administrations exigent que l'agent apporte la preuve de sa résidence habituelle dans un département ou territoire
d'outre-mer entendu comme celui où se trouve le « centre des intérêts matériels et moraux de l'agent ». Des interprétations
très restrictives et diverses sont alors apportées, les situations personnelles étant différentes.
Troisième volet : complétant ces interprétations, les réductions des crédits d'Etat, notamment ceux qui sont destinés aux
hôpitaux, conduisent les administrations dans un souci d'économies à remettre en cause un certain nombre d'acquis et de
droits des personnels et, en premier lieu, les congés bonifiés. C'est le cas dans la plupart des centres hospitaliers du
Val-d'Oise, mais aussi du Val-de-Marne, notamment à Créteil, et dans les Yvelines à Versailles.
Aujourd'hui, est remise en cause la destination du lieu où le fonctionnaire a le centre de ses intérêts matériels et moraux.
Dans certains cas, plus aucun congé bonifié n'est accordé.
Cette situation n'est pas admissible car elle entraîne, vous le comprendrez, l'existence de zones de non-droits.
Cette remise en cause est injuste. Un droit est contesté alors qu'il trouve son origine dans des batailles syndicales de
1946, puis dans les accords et les lois ayant défini un droit à réparation pour un habitant des départements et territoires
d'outre-mer quittant son département ou son territoire d'origine situé à dix mille kilomètres de la métropole pour travailler
et servir l'Etat français.
Le Gouvernement s'était engagé. Il n'est que, en 1980, M. Papon, alors ministre du budget, pour avoir le premier osé
définir de façon restrictive et défavorable les notions de résidence et, par là-même, de congé bonifié.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de redéfinir ce droit et de lever toutes les interdictions, les interprétations,
les restrictions.
La quasi-unanimité des salariés originaires des DOM-TOM conservent domicile, famille, attaches au pays. Cessons de
donner des interprétations administratives aux réalités humaines que personne ne conteste. La meilleure preuve est qu'à
l'heure de la retraite ces travailleurs venus en métropole retournent dans leur pays, c'est-à-dire là où sont leurs racines,
leur famille et, dans bien des cas, leurs biens, même s'ils sont modestes.
Je vous demande également, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, de définir des moyens financiers pour apporter une
aide exceptionnelle aux hôpitaux devant appliquer les congés bonifiés.
N'oubliez pas que nombre de centres hospitaliers ne fonctionnent que grâce à la présence de nombreux employés
originaires des DOM-TOM, représentant dans certains cas 10 % du personnel.
Le jour où, lors de la discussion d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre financier, le 27 décembre 1994, M.
Hoeffel, alors ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales, a pris la responsabilité de
soustraire au Centre national de la fonction publique territoriale la gestion des congés bonifiés pour les agents communaux,
un processus de transfert s'est effectivement engagé.
Accompagné de budgets difficiles en constante régression et en fragile équilibre, le transfert compromet l'existence et la
réalisation d'un droit. N'était-ce pas là aussi une préfiguration de ce que représentent la remise en cause des statuts et
l'abolition des conventions collectives ?
Aujourd'hui, face à une déferlante de remis en cause, il faut trancher. Envisagez-vous de réaffirmer le droit au congé
bonifié ? Envisagez-vous d'abandonner les restrictions, les malentendus et je dirai les faux prétextes avancés contre les
démarches déposées ? Pourquoi refusez-vous la proposition de création d'un fonds spécial géré paritairement avec les
salariés originaires des DOM-TOM ?
Si vous acceptiez cela, le droit, je crois, serait garanti.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Madame le sénateur, vous m'avez posé une question technique, je
vous répondrai techniquement. Mais comme vous n'avez pas dit que cela, je vous répondrai auparavant que le
Gouvernement est très conscient de l'apport que représentent les travailleurs originaires des DOM-TOM dans notre tissu
hospitalier. Vous avez eu raison de le souligner, le nombre est souvent considérable de ces employés, de ces travailleurs
qui participent à la vie et à l'organisation de nos hôpitaux.
Je vous répondrai aussi qu'un emploi dans les DOM-TOM en général, et dans les départements d'outre-mer en
particulier, n'est pas facile à trouver. Cette offre hospitalière en métropole représente donc pour de nombreuses familles
un apport tout à fait particulier et très notable.
Sur le plan technique, le décret n° 87-482 du 1er juillet 1987 fixe les conditions d'attribution des congés bonifiés aux
fonctionnaires hospitaliers qui, exerçant leurs fonctions sur le territoire européen de la France, ont leur résidence habituelle
dans un département d'outre-mer. Le lieu de la résidence habituelle est celui où se trouve le centre des intérêts moraux et
matériels de l'agent. Cette réglementation ne s'applique pas aux fonctionnaires des territoires d'outre-mer.
Concernant le financement de ces congés, des crédits supplémentaires nécessaires ont été attribués en 1987 aux
établissements, notamment à ceux qui sont susceptibles d'être concernés par un fort taux d'octroi de congés bonifiés. Ce
sont souvent ceux de la région parisienne. Ces crédits sont actuellement toujours dans les bases budgétaires de ces
établissements.
S'agissant de la législation ou de la réglementation en vigueur concernant les congés bonifiés accordés dans les trois
fonctions publiques - car il ne s'agit pas seulement de la fonction publique hospitalière, madame le sénateur, vous le savez
- aucune modification n'est actuellement envisagée, j'ai le regret de vous le dire.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Sur le plan politique, je me permettrai d'ajouter que, en plus d'un droit, le congé
bonifié est une reconnaissance de la situation de ces travailleurs exilés beaucoup plus victimes que les autres du chômage
et des bas salaires, car ils sont bien souvent plus exploités, ils effectuent des travaux pénibles et contraignants, n'ayant pas
pu trouver d'emploi dans leur département d'origine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question et le débat de ce matin étaient très attendus par les agents hospitaliers. Il est
vrai que les congés bonifiés ne concernent pas que les agents hospitaliers mais, pour le moment, aucune collectivité
territoriale ne les a remis en cause ; je pense aux collectivités locales, principalement les communes, ce problème n'existe
que dans les hôpitaux.
Je peux vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre réponse de ce matin était très attendue. Ainsi, dans mon
département, par exemple, au centre hospitalier de Montmorency-Eaubonne, une trentaine de congés bonifiés ont été
refusés. Certains, au cours d'un débat, ont même établi une comparaison entre cette remise en cause des congés bonifiés
et le fait que le Gouvernement, estiment-ils, a déjà « lésiné » sur la célébration du 150e anniversaire de l'abolition de
l'esclavage. (M. le secrétaire d'Etat sourit.) Eh oui, monsieur le secrétaire d'Etat, vous voyez comment les choses sont
ressenties dans les hôpitaux !
Le congé bonifié, c'est, encore plus qu'un droit aux vacances, un droit au pays. C'est aussi, pour celui qui est venu
travailler en métropole pour l'Etat, un témoignage de respect de la dignité de sa culture et de son identité, un moyen
d'entreprendre une formation nouvelle permettant d'accéder à des emplois qualifiés ; c'est une organisation du travail et
des congés qui valorise l'apport culturel et le savoir des agents, qu'ils viennent de la Guadeloupe, de la Martinique, de la
Réunion, voire de la Corrèze ou du Midi.
Nous estimons donc, avec les agents hospitaliers, que la République doit reconnaître le droit aux congés bonifiés. Mais ce
droit, pour s'exprimer, a besoin de spécificités. La loi du 9 janvier 1986 allait dans le bon sens, mais elle doit être
confirmée, et il faut surtout prévoir des moyens en vue de son application.

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