Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - SOC) publiée le 25/02/1998

M. Gérard Delfau attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la déplorable situation dans laquelle se trouve la profession des syndics et administrateurs de biens. Les révélations sur des pratiques délictueuses, parfois cautionnées par les services fiscaux, et les mises en examen se succèdent, sans que la chancellerie n'ait envisagé une remise en ordre ; ce qui crée un préjudice grave à tous ceux qui exercent honnêtement ce métier. Il est temps de réagir. D'autant que le mal est plus profond qu'on ne l'écrit. Au-delà des délits constitués et sur lesquels se penche la justice, il y a toute une zone de pratiques à la limite du droit devant lesquelles le citoyen se trouve désarmé, tant la loi et la réglementation protègent abusivement cette profession. Il lui demande ce que compte faire le Gouvernement pour remédier à cet état de fait.

- page 928


Réponse du ministère : Justice publiée le 01/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 31/03/1998

M. Gérard Delfau. Madame le garde des sceaux, je voudrais attirer votre attention sur la déplorable situation dans
laquelle se trouve la profession de syndic et d'administrateur de biens.
Les révélations qui se succèdent sur des pratiques délictueuses, parfois, lit-on, cautionnées par les services fiscaux, et les
mises en examen n'ont, à ma connaissance - mais peut-être suis-je mal informé - pour l'instant, pas conduit la Chancellerie
à prendre des mesures de remise en ordre.
Or, cette situation, outre qu'elle est très préjudiciable à ceux qui en sont victimes, nuit gravement à tous ceux qui exercent
honnêtement ce métier et qui, heureusement, sont nombreux.
Il est donc temps de réagir, d'autant que, comme j'ai pu le constater en examinant d'un peu plus près cette question,
nombre de pratiques qui ne paraissent pas conformes à l'intérêt bien compris des deux parties sont permises par la
réglementation actuelle. Au-delà des délits constitués, sur lesquels se penche la justice, il y a toute une zone d'habitudes, à
la limite du droit, devant lesquelles le citoyen se trouve désarmé, tant le législateur s'est montré précautionneux par rapport
à cette profession.
Madame le garde des sceaux, que comptez-vous faire pour remédier à cet état de fait ?
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu
m'interroger sur les intentions du Gouvernement pour remédier aux pratiques contestables de certains syndics de
copropriété.
Je rappelle tout d'abord que le droit positif comprend déjà des règles visant à protéger non les professionnels concernés,
mais leur clientèle.
Ainsi, la réglementation à laquelle sont soumis les administrateurs de biens et les syndics de copropriété prévoit que
chaque année, à l'occasion du renouvellement de leur carte professionnelle, le préfet vérifie le casier judiciaire des
intéressés et s'assure que leurs activités sont couvertes par une assurance de responsabilité civile professionnelle et par
une garantie financière suffisante pour assurer le remboursement des fonds détenus pour le compte d'autrui.
En outre, cette réglementation prévoit notamment que le « mandataire ne peut demander ni recevoir, directement ou
indirectement, d'autres rémunérations, à l'occasion des opérations dont il est chargé, que celles dont les conditions de
détermination sont précisées dans le mandat ou dans la décision de nomination, ni de personnes autres que celles qui y
sont désignées. »
D'une manière plus générale, en cas de non-respect des obligations légales ou contractuelles qui leur incombent, ces
professionnels engagent, sur les bases du droit commun, leur responsabilité civile et, le cas échéant, leur responsabilité
pénale pour escroquerie, faux et usage de faux.
Les procédures qui sont en cours devant nos juridictions répressives, auxquelles vous avez fait allusion, monsieur le
sénateur, montrent l'effectivité de notre droit positif.
Cependant, je crois, comme vous, qu'il faut agir aussi dans un souci de prévention et qu'il importe de compléter le
dispositif existant, pour mettre un terme à certaines pratiques qui peuvent échapper à la loi pénale sans être pour autant
satisfaisantes. C'est pourquoi une réflexion est en cours à la Chancellerie afin de réformer la loi du 10 juillet 1965 fixant le
statut de la copropriété. Cette réflexion, qui, dans une deuxième étape, associera tous les acteurs de la copropriété, a
pour objet essentiel d'assurer une plus grande transparence, une meilleure lisibilité de la comptabilité des syndicats, un
meilleur contrôle de la gestion des syndics, notamment lors de la passation des marchés de travaux et fournitures, car c'est
là, en effet, qu'un certain nombre d'abus ont eu lieu.
Parallèlement, des actions pourront être menées avec les partenaires concernés, tendant à mieux informer et former les
copropriétaires. Enfin, et sans exclure une réforme de loi Hoguet sur certains points, j'ai d'ores et déjà demandé à mes
services de revoir les dispositions du décret concernant l'accès à la profession afin d'améliorer la compétence des
professionnels de l'immobilier.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse, qui est très complète.
Depuis quelque temps, la vérification annuelle à laquelle procèdent les préfets doit sans doute être plus méticuleuse, et
c'est utile. Je suis bien sûr particulièrement satisfait d'apprendre qu'une réflexion est en cours pour réformer, le cas
échéant, la loi de juillet 1965. C'est en effet le noeud du problème. Au-delà des dispositifs à mettre en place pour éviter
que les pratiques ne deviennent délictueuses, une volonté politique s'impose. La profession doit avoir le sentiment que les
règles de la morale ordinaire s'appliquent à tous, y compris dans ce secteur. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nombre de
professionnels sont honnêtes et pâtissent des égarements de certains de leurs collègues.
Je voudrais prolonger cette réflexion en vous demandant d'examiner très rapidement la question, s'agissant toujours de la
profession de syndic et d'administrateur de biens, des sinistres économiques. En effet, il règne, là aussi, une opacité quasi
totale.
Sachez, madame la ministre, qu'en ma qualité de maire ou de parlementaire, lorsque je suis saisi par un chef d'entreprise
en difficulté, il m'arrive de ne pas réussir à joindre au téléphone certains syndics de mon département, alors même que,
parfois, l'argent de ma commune ou d'une autre collectivité peut être engagé.
J'ai en mémoire ce chiffre terrifiant selon lequel 80 % environ des plans de reprise aboutissent en fait à une liquidation
d'entreprise.
Si ce second volet est apparemment distinct, il présente toutefois des analogies par l'esprit qui le régit et par le type de
profession qu'il concerne. Il me paraît donc mériter aussi l'effort urgent de la Chancellerie. Je vous en remercie par avance
de ce que vous entreprendrez.

- page 1335

Page mise à jour le