Question de M. CLOUET Jean (Val-de-Marne - RI) publiée le 05/03/1998

M. Jean Clouet rappelle à Mme le ministre de la culture et de la communication que le château de Vincennes est un ensemble domanial classé au titre des monuments historiques et est occupé conjointement par des services dépendant du ministère de la culture et de la communication et du ministère de la défense (services historiques notamment). Cette particularité a conduit, en 1998, à la création d'une commission interministérielle - sous la présidence de M. Jean-Philippe Lecat - chargée d'assurer la gestion du site, de conduire les indispensables travaux de restauration, de favoriser son animation et sa mise en valeur. Depuis 1988, près de 100 millions de francs (provenant pour deux tiers de la culture et pour un tiers de la défense) ont été mis en oeuvre pour aller en ce sens mais ce sont plus de 300 millions de francs qu'il faudrait encore y consacrer, selon les dernières estimations de l'architecte en chef des monuments historiques. Le donjon a été fermé en septembre 1996 et son accès au public serait interdit au moins pour cinq années encore si les travaux se déroulaient au rythme actuel et sans mauvaise surprise. Il observe d'ailleurs que, dans l'hypothèse d'une simple reconduction de la dotation annuelle actuelle, il faudra plus de trente ans pour voir la fin des travaux, sans tenir compte du passage du temps qui imposera de nouvelles interventions sur certaines parties du monument. Ainsi que l'écrivait Jean-Philippe Lecat en 1993 : " Croit-on que si le Royaume Uni, la Russie ou l'Allemagne possédaient, aux portes de leur capitale, un ensemble monumental témoin de leur histoire nationale et de la naissance de l'Etat qui fonda leur rang parmi les nations, ils hésiteraient à faire de sa renaissance le grand projet de la décennie à venir ? " Est-il raisonnable de se résigner à ce que le château de Vincennes, présent dans l'imaginaire de chaque Français en raison, notamment, du souvenir qui l'associe à Saint-Louis, reste indéfiniment délaissé, masqué par d'éternels échafaudages et soustrait à la fréquentation du public ? Il persiste à croire le contraire et c'est pourquoi il lui demande si cet admirable ensemble monumental qu'est le château de Vincennes ne pourrait se voir affecter une dotation budgétaire abondée en vue d'une accélération des travaux ou, mieux encore, faire l'objet d'un " grand projet " doté d'un financement approprié, aux bases éventuellement élargies.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 01/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 31/03/1998

M. Jean Clouet. Madame le ministre, le château de Vincennes, ensemble domanial classé au titre des monuments
historiques, est occupé conjointement par des services dépendant du ministère de la culture et de la communication et du
ministère de la défense, notamment par les services historiques des armées. Cette dualité a conduit, en 1988, à la création
d'une commission interministérielle - sous la présidence de M. Jean-Philippe Lecat, l'un de vos prédécesseurs, madame le
ministre - chargée d'assurer la gestion du site, de conduire les travaux de restauration, de favoriser son animation ainsi que
sa mise en valeur.
Depuis 1988, près de 100 millions de francs, provenant pour les deux tiers de la culture et pour un tiers de la défense, ont
été dégagés mais ce sont plus de 300 millions de francs qu'il faudrait encore y consacrer, selon les dernières estimations
de l'architecte en chef des monuments historiques.
Le donjon a été fermé au mois de septembre 1996 et son accès au public sera interdit au moins pour cinq années encore
si les travaux se déroulent au rythme actuel et s'il n'y a aucune mauvaise surprise.
J'observe que, dans l'hypothèse d'une simple reconduction de la dotation annuelle actuelle, il faudrait plus de trente ans
pour finir les travaux, sans tenir compte de l'oeuvre du temps, qui imposera de nouvelles interventions sur certaines parties
du monument.
Ainsi M. Jean-Philippe Lecat pouvait-il écrire en 1993 : « Croit-on que si le Royaume-Uni, la Russie ou l'Allemagne
possédaient, aux portes de leur capitale, un ensemble monumental témoin de leur histoire nationale et de la naissance de
l'Etat qui fonda leur rang parmi les nations, ils hésiteraient à faire de sa renaissance le grand projet de la décennie à venir ?
»
Est-il raisonnable de se résigner à voir le château de Vincennes, présent dans l'imaginaire de chaque Français en raison,
notamment, du souvenir qui l'associe à Saint Louis, rester indéfiniment délaissé, masqué par d'éternels échafaudages et
soustrait à la fréquentation du public ?
Je persiste à croire que non.
C'est pourquoi je vous demande, madame le ministre, si cet admirable ensemble monumental qu'est le château de
Vincennes ne pourrait pas se voir affecter une dotation budgétaire augmentée, en vue d'une accélération des travaux, ou,
mieux encore, faire l'objet d'un « grand projet » doté d'un financement approprié dont les bases seraient éventuellement
élargies.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je partage, monsieur le sénateur, votre
sentiment sur la place qu'occupe le château de Vincennes au premier rang du patrimoine historique et architectural de la
France.
Cette conviction, qui est également celle du ministre de la défense, exige de parvenir à une gestion coordonnée du
château, permettant à chacun d'exercer sa mission dans de bonnes conditions. En témoignent les décisions récemment
prises par la commission interministérielle du château de Vincennes, consistant à compléter la protection de l'ensemble au
titre des monuments historiques, le château ne bénéficiant aujourd'hui que de protections partielles, et à redéfinir la
situation domaniale de chacun des éléments du château.
Parallèlement, et depuis plusieurs années, un effort est mené par nos deux ministères pour développer la fréquentation du
monument et sa présentation au public : fouilles archéologiques du manoir capétien, journées du patrimoine, expositions
organisées par le ministère de la défense, visites gérées par la Caisse nationale des monuments historiques et des sites,
concerts, projet de nouvelle mise en lumière de la sainte-chapelle et de la tour du village, participent de cette
préoccupation majeure. La ville de Vincennes s'associe d'ailleurs à ces opérations, avec les « fêtes du château ».
La restauration du château bénéficie également d'un effort conjoint de nos deux administrations. Ainsi, en raison de
l'importance majeure de ce monument, le ministère de la culture cofinance, à titre très exceptionnel, les travaux de
restauration des parties classées du château qui sont affectées au ministère de la défense.
Pour autant, cette restauration doit être menée progressivement. Si les besoins globaux en travaux ont été estimés à 300
millions de francs - je confirme le chiffre que vous citez, monsieur le sénateur - tous ne présentent pas le même degré
d'urgence.
Dans l'idéal, plusieurs monuments insignes exigeraient eux aussi la mise en oeuvre rapide de crédits considérables. Il
convient cependant de répartir, en fonction des besoins les plus pressants, une enveloppe donnée entre ces édifices et la
grande majorité des monuments classés, appartenant ou non à l'Etat, dont la conservation doit également être assurée.
Pour ce qui concerne spécifiquement le donjon de Vincennes, élément phare du monument avec la sainte-chapelle,
l'opération de restauration devait en effet demander cinq années. Cette contrainte assez lourde, mais que la Caisse
nationale des monuments historiques et des sites tente de compenser partiellement par une information extérieure des
visiteurs sur l'édifice et le chantier, ne pourrait être levée par la seule multiplication des crédits. Il convient en effet de
consacrer le temps nécessaire aux phases d'études préalables et de mener les travaux selon une progression précise,
élaborée en fonction des données structurelles déterminées par ces études.
Vous avez rappelé, monsieur le sénateur, que 100 millions de francs ont été consacrés à la restauration du château de
Vincennes depuis dix ans et que ces crédits provenaient pour les deux tiers du ministère de la culture. L'enveloppe prévue
par ce département pour le château s'élève en 1998 à 13,27 millions de francs, grâce à la restauration des crédits liés au
patrimoine, auxquels il convient d'ajouter les sommes consacrées à l'entretien et les investissements de la Caisse nationale
des monuments historiques et des sites. L'effort sera poursuivi dans les années à venir, principalement sur le donjon, puis
en fonction des besoins qui apparaîtront par ailleurs et de la programmation des travaux que nous pourrons dégager des
études que j'évoquais précédemment.
M. Jean Clouet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Madame le ministre, après vous avoir remerciée de votre réponse courtoisement circonspecte,
permettez-moi de vous remettre en mémoire que tous les rois de France, jusqu'à Louis XV inclus, ont résidé au château
de Vincennes, et que le général de Gaulle avait envisagé de le faire.
Sans aller jusque-là, peut-être pourriez-vous, madame le ministre, vous y rendre quelques instants, si vous ne l'avez déjà
fait. Je suis sûr que vous ne regretterez pas cette visite. (Sourires.)

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