Question de M. VASSELLE Alain (Oise - RPR) publiée le 12/02/1998

M. Alain Vasselle attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les légitimes préoccupations exprimées par bon nombre de responsables de bibliothèques départementales et municipales relatives aux intentions prêtées au Syndicat national de l'édition de faire appliquer par les pouvoirs publics un droit de prêt aux bibliothèques dans le cadre d'une directive européenne 92/100/CEE du 19 novembre 1992. Cette directive européenne vise globalement la protection des droits d'auteur et prévoit cependant que les Etats membres peuvent exempter certains établissements du paiement de ces droits. L'institution d'un droit de prêt, outre la complexité du calcul des recettes sur les prêts d'ouvrages et les lourdeurs de redistribution aux auteurs concernés, pèserait sur les finances locales. L'argument selon lequel les bibliothèques municipales et départementales font du tort aux auteurs et aux éditeurs n'est pas en soi aussi péremptoire que certains semblent l'affirmer. En effet, les emprunts de livres ne nuisent pas à l'achat en librairie. Au contraire, les acquisitions effectuées par les bibliothèques publiques permettent l'édition d'ouvrages souvent coûteux et assurent la conservation de livres qu'un lecteur ne trouverait plus chez son libraire. De plus, dans de nombreuses petites communes rurales, il n'existe souvent aucune librairie et la présence de livres est assurée uniquement par la bibliothèque locale ou le bibliobus de la bibliothèque départementale. La France n'a pas appliqué ce droit de prêt aux bibliothèques publiques dans la mesure où le Centre national du livre, créé en 1946, aide les auteurs et les éditeurs depuis 1976. Revenir sur cette décision serait contraire à l'intérêt du plus grand nombre et pénaliserait les petites communes rurales et ses fidèles lecteurs. En conséquence, il le remercie à l'avance de bien vouloir lui indiquer les intentions ministérielles face à ces légitimes interrogations exprimées par les responsables et animateurs des bibliothèques publiques, sachant que dans notre pays la lutte contre l'illettrisme passe aussi par la diffusion massive du livre sur l'ensemble de notre territoire national par le biais de relais locaux et départementaux.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 12/03/1998

Réponse. - La directive européenne du 19 novembre 1992 a reconnu le droit exclusif pour un auteur, un artiste-interprète, un producteur de phonogramme, ou un producteur d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, d'autoriser ou d'interdire le prêt de son oeuvre et de percevoir le cas échéant une rémunération au titre de cette utilisation, le prêt n'englobant pas au sens de ce texte la mise à disposition de documents à des fins de consultation sur place. Sous la forme du droit de destination qui permet aux ayants droit de céder autant de droits qu'il y a de modes d'utilisation d'un support d'information, le droit français de la propriété intellectuelle s'est révélé être sur ce point d'ores et déjà en pleine conformité avec la directive européenne. Si l'existence et la légitimité du droit de prêt ne sont pas contestables sur le plan juridique, il n'en est pas moins vrai que la question de son application par l'ensemble des organismes de prêt, et particulièrement les bibliothèques publiques, est demeurée entière. Quoi qu'il en soit, l'application du droit de prêt ne saurait en aucun cas, dans l'esprit du Gouvernement, freiner l'essor de la lecture publique, constamment encouragée par l'Etat, ni faire obstacle à l'action que mènent les bibliothèques pour un égal accès de tous au livre. Ce souci doit d'autant plus prévaloir que les études menées par le ministère chargé de la culture, en association avec les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs, des libraires et des bibliothécaires, n'ont pas fait apparaître que l'emprunt en bibliothèque concurrence ou décourage de manière significative l'achat de livres en librairie. Attentif aux souhaits des ayants droit et aux préoccupations des libraires comme aux enjeux de lecture publique portés par les élus et les professionnels des bibliothèques, le Gouvernement a choisi de conditionner l'examen des modalités d'application du droit de prêt à un consensus entre les uns et les autres. En vue de favoriser ce consensus et de permettre une étude sereine et approfondie de la question du droit de prêt en bibliothèque, le ministère de la culture et de la communication vient de confier à M. Jean-Marie Borzeix une mission de réflexion et de concertation, dont les conclusions devraient être connues d'ici à la fin du premier semestre.

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