Question de M. DARNICHE Philippe (Vendée - NI) publiée le 19/02/1998

M. Philippe Darniche appelle l'attention Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'application concrète du projet de loi visant à porter la durée légale du temps de travail à trente-cinq heures hebdomadaires. En effet, il lui demande, très clairement, de quelle manière il entend apporter une réponse simple à un projet de loi fort technique et, en conséquence, arriver à convaincre cet entrepreneur, qui, parmi tant d'autres tout aussi réalistes, ne comprend aucunement l'utilité d'une telle réforme. Pour résumer sa situation difficile, emblématique de centaines d'autres, il définit son entreprise à forte main-d' oeuvre comme une entreprise qui " emploie soixante-quinze personnes, dont le chiffre d'affaires atteint vingt millions de francs dont 10 % à l'exportation directe et plus de 50 % en indirect. Actuellement confrontée à un contexte de mondialisation ou de compétitivité primordiale pour le maintien de ses activités sur le territoire français (...), elle a supprimé vingt emplois au cours des deux dernières années et se bat pour garder l'équilibre. Compte tenu de la structure de ses coûts (50 % de son chiffre d'affaires représente de la main-d' oeuvre directe), l'application de la loi de trente-cinq heures hebdomadaires en l'an 2000 laisse le choix suivant à son dirigeant : 1o soit fermer et arrêter l'ensemble de l'activité entraînant la perte de soixante-quinze emplois ; 2o soit réduire drastiquement son activité aux produits pour lesquels la main-d' oeuvre est inférieure de 20 % ; 3o soit, enfin, délocaliser la production dans un pays à faible coût de main-d' oeuvre ". Au regard de ces trois options qui provoquent, d'une façon ou d'une autre, une perte totale ou partielle d'emplois dans l'entreprise, il lui demande son avis personnel pour tenter de rassurer ce chef d'entreprise très inquiet, fortement représentatif du secteur des Très Petites Entreprises (TPE), des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et industries (PMI) françaises, qui - dans leur très grande majorité - ne comprennent aucunement les effets bénéfiques qu'un tel projet de loi pourrait entraîner en termes de nouvelles créations d'emplois, dès lors qu'il n'arrive même pas à empêcher la destruction des emplois déjà existants et qu'il pèse, une fois de plus, sur la compétitivité des entreprises françaises confrontées à l'augmentation des coûts et à la pression constante de la concurrence internationale.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 20/08/1998

Réponse. - L'honorable parlementaire attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, à partir de l'exemple d'une entreprise, sur la situation des petites et moyennes entreprises, qui risquent d'être très défavorisées par la réduction du temps de travail, laquelle menace selon lui leur compétitivité et pourrait les inciter soit à arrêter tout ou partie de leur activité, soit à la délocaliser. Loin de nuire à la compétitivité des entreprises, la réduction du temps de travail représente une opportunité pour les entreprises de toute taille de revoir l'organisation du travail afin de devenir plus performantes, sans dégrader les conditions de travail des salariés. Elle peut permettre une réorganisation du fonctionnement de l'entreprise dans le sens d'un allongement de la durée d'utilisation des équipements et des périodes d'ouverture aux clients, ou dans le sens d'une meilleure adaptation aux fluctuations cycliques de l'activité. De plus, cette réforme s'accompagne pour les entreprises d'une importante aide de l'Etat ayant la forme de réductions de cotisations de sécurité sociale. Cette aide permet d'aborder le surcoût lié à une compensation salariale totale pour les salariés disposant de rémunérations égales au SMIC. Elle couvre l'intégralité du coût des embauches des salariés rémunérés au niveau du SMIC. Une majoration spécifique est prévue pour les entreprises employant des ouvriers et des salariés dont les rémunérations sont proches du SMIC dans une proportion particulièrement importante. Dans le cas où la réduction du temps de travail est mise en place dans le but de développer l'emploi, les modalités d'embauche peuvent être adaptées à la situation de l'entreprise. En effet, l'entreprise dispose d'un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail pour procéder aux embauches compensatrices. Les personnes embauchées peuvent être recrutées sous contrat de travail à durée indéterminée, sous contrat de travail à durée déterminée, à temps partiel ; de telles souplesses dans les modalités d'embauche visent à tenir compte des différents types ou niveaux d'activité que peuvent connaître les services ou ateliers des entreprises, qui de ce fait ne peuvent se voir imposer un mode uniforme de recrutement. Enfin, le recours à une réduction généralisée du temps de travail pour diminuer le chômage - qui est la priorité absolue du Gouvernement - s'appuie sur le succès de l'expérience acquise en la matière avec l'aide à la réduction du temps de travail créée par la loi du 11 juin 1996. Ces expériences, quoiqu'insuffisamment générales pour avoir un effet important sur l'emploi, montrent que la réorganisation de l'activité résultant nécessairement de la réduction du temps de travail peut favoriser à la fois une réelle amélioration de la productivité, la compétitivité des entreprises et le maintien ou le développement de l'emploi.

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