Question de M. LAFFITTE Pierre (Alpes-Maritimes - RDSE) publiée le 06/03/1998

Question posée en séance publique le 05/03/1998

M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, que je remercie d'être à
nouveau présente dans notre assemblée.
L'informatisation du secteur de la santé engagée par les gouvernements successifs est une nécessité, et je souscris
pleinement aux objectifs affichés, car il s'agit de moderniser un secteur essentiel, dont l'importance économique et sociale
est bien connue. Le thème est d'ailleurs d'actualité puisque, si mes sources sont exactes, une importante convention est en
cours de signature.
Permettez-moi à ce sujet de présenter deux remarques.
Premièrement, la formation et l'information nécessaires du corps médical sont-elles suffisamment larges et précises ? Les
médecins, en particulier les médecins de ville, comprennent-ils ce qui leur sera demandé ? Savent-ils comment s'équiper
en matériel et en logiciels ? Ne conviendrait-il pas, compte tenu de l'insuffisance de cette formation et de cette information,
de retarder jusqu'au 30 juin la date limite de dépôt des demandes d'aide à l'informatisation ?
Deuxièmement, vous avez décidé de développer l'utilisation des cartes SESAME VITALE 1 dans une partie du territoire
d'abord puis sur l'ensemble du territoire. Ne serait-il pas souhaitable en même temps d'expérimenter le système SESAME
VITALE 2, dont le contenu médical, simple mais évolutif, intéresserait probablement beaucoup plus l'ensemble du corps
médical ? Je crains en effet que le système SESAME VITALE 1, qui contient essentiellement des renseignements d'ordre
administratif, certes utiles pour les caisses primaires d'assurance maladie, soit ressenti comme moins positif par le corps
médical.
Je ne voudrais pas que, compte tenu de la modification des habitudes qu'implique l'informatisation, le corps médical se
sente un peu frustré. En effet, ce qui l'intéresse vraiment, c'est le contenu médical. Or ce contenu me semble trop
complexe pour être prédéfini par une structure administrative, aussi compétente soit-elle, sans expérimentation préalable.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Le département des Alpes-Maritimes souhaiterait, compte tenu de son dynamisme et de ses
réalisations en matière d'informatique et de télécommunications, conduire une telle expérimentation, en accord avec la
caisse primaire d'assurance maladie, les médecins hospitaliers et les médecins libéraux. Accepteriez-vous que nous
pratiquions un tel test, madame le ministre ?

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 06/03/1998

Réponse apportée en séance publique le 05/03/1998

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, votre question me permet de faire
le point sur l'informatisation du système de santé.
J'ai eu à m'en occuper dès mon arrivée au ministère et j'ai eu alors le sentiment, sentiment que vous semblez partager, que
ce dossier avait été pris à l'envers et qu'il accusait beaucoup de retard.
En effet, on a expliqué aux médecins qu'ils devaient s'informatiser pour transmettre, par le système SESAME VITALE 1,
leurs ordonnances à la Caisse nationale de l'assurance maladie, laquelle pourrait ainsi contrôler les prescriptions et les
honoraires. Les médecins ont donc considéré l'informatisation d'abord comme un outil de coercition et de contrôle, alors
qu'elle doit être beaucoup plus.
Elle doit d'abord - c'est l'objet de la carte SESAME VITALE 2 - offrir la possibilité de suivre le malade. En effet, cette
carte permettra, en toute sécurité, de conserver la mention des examens de santé et des bilans préalables, donc d'éviter
les doubles examens, mais aussi de mieux comprendre le passé médical du malade.
Elle donnera également la possibilité - c'est tout l'enjeu du réseau de santé sociale que nous mettons en place - de
transmettre aux médecins des éléments d'aide au diagnostic, d'aide aux protocoles, pour les rendre à la fois moins coûteux
et plus efficaces, mais aussi elle facilitera la détection des épidémies, pour y porter remède au plus vite. Voilà l'enjeu de
l'informatisation.
Quand nous sommes arrivés au Gouvernement, nous avons trouvé un corps médical complètement bloqué contre
l'informatisation, ce qui fait que l'aide décidée par la CNAM de 9 000 francs par médecin, qui devait être versée avant le
31 décembre, n'avait donné lieu qu'à très peu de demandes de la part des médecins, tant ils redoutaient cet outil de
coercition.
Nous avons d'ores et déjà repoussé le délai à mars 1998. En outre, avec Bernard Kouchner, nous avons décidé de
charger une personnalité, M. Joël Renaudin, de s'occuper de l'ensemble du dossier d'informatisation dans ses volets
médical, hospitalier et de liaison avec la caisse nationale de l'assurance maladie.
Parallèlement, j'ai mis en place un groupe de médecins destiné à faire comprendre à l'ensemble du corps médical que le
partage de l'information doit avant tout aider à l'amélioration de la politique de santé, que la maîtrise des dépenses de
santé n'est qu'un aspect second du problème et que, d'ailleurs, elle sera favorisée plus par l'absence de doublon en termes
d'examen ou par l'établissement de protocoles plus fins et meilleurs pour les malades que par l'utilisation d'un outil de
coercition technocratique et centralisé, comme cela avait été prévu. (Protestations sur les travées du RPR.)
Si, il a été conçu comme cela, et il y a des centaines de milliers de médecins dans ce pays...
M. Charles Descours. Vous ne les avez pas encore convaincus !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... qui ne se sont pas informatisés parce qu'ils ont eu
peur des contrôles,...
M. Charles Descours. Ils ont toujours peur !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... alors que l'informatisation est un outil formidable
d'amélioration du système de santé !
A force de vouloir faire peur, au lieu d'inciter l'ensemble des professionnels de santé à participer à l'amélioration de ce
système, on en arrive à des blocages qui sont dignes du xixe siècle !
M. Charles Descours. Tout à fait !
M. le président. Veuillez conclure, madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les choses évoluent, et je m'en réjouis : ainsi,
SESAME VITALE 1 sera, comme prévu, expérimenté en Bretagne dès le mois d'avril, mais je suis d'accord avec vous
pour estimer que c'est SESAME VITALE 2, déjà expérimenté à Nantes, qui constitue l'élément essentiel du dispositif,
grâce aux informations que nous pourrons soumettre aux médecins et à la participation de ceux-ci aux programmes de
santé, à la connaissance des épidémies, par le biais du réseau « Santé sociale ». Nous négocions actuellement un contrat
avec un organisme qui mettra en place ce grand réseau.
J'espère que les médecins comprendront l'enjeu de l'informatisation et qu'ils s'équiperont dans un bref délai. Pour cela, il
faut que la CNAM fixe très rapidement les normes, afin que nous rattrapions notre retard et que nous disposions d'un
outil essentiel à la politique générale de santé. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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