Question de M. DELANOË Bertrand (Paris - SOC) publiée le 26/03/1998

M. Bertrand Delanoë souhaite attirer l'attention de M. le Premier ministre sur l'existence d'une société d'exploitation de fichiers informatiques, spécialisée dans le fichage des locataires mauvais payeurs. Cette société privée, créée depuis février 1996, aurait reçu, selon les informations parues dans la presse, un récépissé attestant que son " fichier national des incidents de paiement locatif " avait été déclaré à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), ce qui habiliterait, de fait, cette société à exercer son activité en dehors de tout contrôle. La loi " informatique et libertés " de 1978 ne soumettant à une procédure d'autorisation préalable que les fichiers du secteur public, il lui demande que les pouvoirs de la CNIL, tout particulièrement à l'égard des fichiers mis en oeuvre par des entreprises privées et qui peuvent conduire à l'exclusion sociale des personnes concernées, soient renforcés et souhaite que la constitution de fichiers de ce type enregistrant de telles informations soient, à l'avenir, soumise à l'autorisation de la CNIL et non pas à la simple délivrance d'un récépissé de déclaration qui ne permet pas à cette autorité de contrôle d'exercer véritablement ses missions.

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Transmise au ministère : Justice


Réponse du ministère : Justice publiée le 09/07/1998

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'en son état actuel la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ne soumet qu'à une simple obligation déclarative l'ensemble des fichiers à finalité purement privée, quel que soit le degré de risque potentiel pour les droits et libertés des personnes que ceux-ci peuvent présenter. S'agissant de tels fichiers, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est en effet tenue, dès lors que le dossier qui lui est adressé est complet, de délivrer sans délai au déclarant le récépissé l'habilitant à mettre en uvre, sous sa propre responsabilité, le traitement automatisé. L'on ne saurait cependant en déduire que, sous le régime en vigueur, les fichiers du secteur privé se trouvent soustraits à tout contrôle de leur licéité, puisque la CNIL dispose d'ores et déjà de prérogatives lui permettant de procéder à des vérifications sur place, d'adresser un avertissement au responsable du fichier et de dénoncer au parquet les infractions dont elle peut avoir connaissance. Il n'en demeure pas moins que l'inégalité de traitement procédural dont font actuellement l'objet, d'une part, les fichiers à finalité privée et, d'autre part, les fichiers à finalité publique, seuls soumis à un contrôle préalable à leur mise en uvre, est inadaptée aux développements considérables qu'a connus l'informatique dans de nombreux secteurs de la vie économique et sociale et aux dangers que présentent certaines de ses utilisations récentes. Il est à cet égard non seulement opportun mais encore indispensable compte tenu de l'obligation de la France de transposer à bref délai la directive communautaire du 24 octobre 1995 relative à la protection des données à caractère personnel, de réformer le régime d'autorisation préalable que comporte la loi du 6 janvier 1978, en subordonnant l'application de celui-ci au critère du risque que présentent certaines catégories de fichiers, ce, quelle que soit la finalité, publique ou privée, de ceux-ci. Dans ces conditions, c'est d'une manière qui rejoint les préoccupations de l'honorable parlementaire que, dans le cadre de la préparation avant l'automne 1998 du projet de loi de transposition de cette directive, la chancellerie étudie la possibilité d'introduire dans la loi du 6 janvier 1978 l'obligation de soumettre à un examen préalable notamment les fichiers ayant pour objet ou pour effet d'exclure des personnes d'un droit, d'une prestation ou d'un contrat, en suivant sur ce point une suggestion formulée par le rapport intitulé Données personnelles et société de l'information remis au Premier ministre par M. Guy Braibant le 3 mars dernier. En tout état de cause le Gouvernement entend préserver à l'occasion de la transposition de la directive du 24-10-95 le haut niveau de protection assuré par la loi du 6 janvier 1978.

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