Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 22/04/1998

M. René-Pierre Signé interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'évolution de la politique agricole commune (PAC) en ce qui concerne l'élevage bovin extensif. Parmi les arguments qui militent en défaveur du projet élaboré par la Commission de Bruxelles pour la réforme de la PAC, il considère comme lui que, sans même évoquer la question du coût social, la baisse des prix garantis n'est pas adaptée à l'agriculture européenne, car notre ambition économique n'est pas d'exploiter toujours plus de matière première agricole à travers le vaste monde. Elle est, bien plus, de favoriser la production de valeur ajoutée, au travers de produits transformés exprimant le savoir-faire des hommes et des territoires. D'ailleurs, les chiffres de notre balance commerciale parlent d'eux-mêmes à cet égard. Il lui rappelle que, lors du conseil des ministres européens de l'agriculture, le 31 mars à Bruxelles, il a fortement exprimé son opposition au paquet Santer et a réitéré la demande française d'un découplage entre les aides et la production. Cette proposition permettrait de rémunérer enfin en tant que telles les contributions non directement productives des agriculteurs à la société. Mais, au rang des ambitions, une " politique permettant une meilleure valorisation des produits de l'élevage bovin européen " a aussi été évoquée. En tant qu'élu d'une des principales et plus prestigieuses zones d'élevage allaitant extensif, il a particulièrement retenu cette phrase, cohérente avec la démonstration selon laquelle la production de produits à forte valeur ajoutée doit être privilégiée face à l'exportation simple de matières premières. Si la maîtrise de la production de viande bovine apparaît comme inéluctable, y compris pour les éleveurs allaitants, il est d'autant plus nécessaire que cette maîtrise soit envisagée dynamiquement, sans se contenter de réduire mécaniquement les aides afin de réduire la production. Car maîtriser cela veut dire aussi produire ce que demande le consommateur. Et face à une demande aussi diversifiée que celle que l'on peut observer dans le domaine de la viande bovine, face également à une filière qui est parmi les moins organisées, la maîtrise de la production pourrait d'abord consister à mettre le bon produit en relation avec le bon consommateur. C'est le travail des filières. Mais l'importance des sommes consacrées par la puissance publique à l'élevage lui donne le devoir d'orienter plus efficacement ces filières. Il souhaite donc savoir si ses services ont défini des propositions susceptibles d'être reprises par la Commission, afin d'encourager les éleveurs bovins extensifs à mieux valoriser leur production. Il pense en particulier aux signes de qualité, mais aussi au renouvellement des filières de distribution : la future PAC pourra-t-elle jouer un rôle quant à ces enjeux ?

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Réponse du ministère : Budget publiée le 06/05/1998

Réponse apportée en séance publique le 05/05/1998

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est évident que la
baisse des prix garantis qui est inscrite dans le projet élaboré par la Commission de Bruxelles n'est pas adaptée à
l'agriculture européenne.
En effet, notre ambition économique est non d'exporter toujours plus de matières premières agricoles, mais de favoriser la
production de valeur ajoutée au travers de produits transformés qui sont l'expression des savoir-faire des hommes et des
territoires.
Le 31 mars, à Bruxelles, M. Le Pensec a fortement exprimé son opposition au « paquet Santer ». Il a réitéré la demande
française d'un découplage entre les aides et la production. Cette solution permettrait de rémunérer enfin, en tant que telles,
les contributions non directement productives des agriculteurs à la société.
M. Le Pensec a également évoqué, parmi nos ambitions, une « politique permettant une meilleure valorisation des produits
de l'élevage bovin européen ».
En ma qualité d'élu d'une des principales régions d'élevage allaitant extensif, j'ai particulièrement retenu cette formule,
cohérente avec la démonstration selon laquelle la production de biens à forte valeur ajoutée doit être privilégiée par
rapport à la simple exportation de matières premières.
Si la maîtrise de la production de viande bovine apparaît comme inéluctable, elle doit être envisagée dynamiquement : il ne
s'agit pas de se contenter de réduire mécaniquement les aides afin de réduire la production. Car maîtriser, cela veut dire
aussi produire ce que demande le consommateur. C'est le travail des filières.
L'importance des sommes consacrées par la puissance publique à l'élevage lui donne le devoir d'orienter plus efficacement
ces filières. Face à une demande aussi diversifiée dans le domaine de la viande bovine, le rôle de la politique agricole
commune devrait être d'encourager l'émergence d'une filière elle-même diverse mais efficace, car plus proche tant des
producteurs que des consommateurs.
Je souhaite donc savoir si les services du ministère de l'agriculture et de la pêche ont défini des propositions susceptibles
d'être reprises par la Commission, afin d'encourager les éleveurs bovins extensifs à mieux valoriser leur production ? Je
pense en particulier aux signes de qualité, mais aussi au renouvellement des filières de distribution. La future PAC
pourra-t-elle jouer un rôle quant à ces enjeux ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, mon collègue Louis Le Pensec aurait aimé
répondre lui-même à la question très importante que vous avez posée sur l'élevage extensif bovin. Malheureusement, étant
retenu par d'autres obligations, il m'a prié de le faire à sa place.
Ainsi que vous l'avez rappelé, lors du Conseil des ministres de l'agriculture qui s'est tenu le 31 mars dernier, Louis Le
Pensec a exprimé son profond désaccord avec les premières propositions de règlement que la Commission européenne a
présentées sur la réforme de la politique agricole commune, la PAC.
Aujourd'hui, c'est en effet la politique agricole dans son ensemble qui doit être repensée pour accompagner l'agriculture
dans sa diversité. Il vaut mieux prendre en considération l'ensemble des fonctions de l'agriculture, et non pas seulement sa
seule fonction de production. En d'autres termes, il apparaît effectivement nécessaire de découpler, au moins
partiellement, les aides de la production.
De diverses façons, les agriculteurs contribuent à la protection de l'environnement, au maintien de l'emploi et des activités
en milieu rural et à l'entretien des paysages. En outre, ils orientent de plus en plus l'activité de leur exploitation vers des
productions à haute valeur ajoutée.
A cet égard, nous connaissons tous le rôle essentiel de l'élevage bovin, en particulier de l'élevage extensif, pour l'activité
d'un département, ainsi que pour l'aménagement du territoire et l'entretien de l'espace.
De plus, de par la qualité de sa production, ce type d'élevage contribue également à rassurer le consommateur et à
reconquérir cette confiance dont notre production a tant besoin.
La politique agricole doit prendre en compte tous ces aspects, et c'est avec cet objectif que le ministre de l'agriculture et
de la pêche aborde de façon déterminée les négociations communautaires sur la réforme de la PAC.
Il est clair que la baisse de 30 % des prix garantis qui est proposée par la Commission est inappropriée en ce qui
concerne la viande bovine.
Comme Louis Le Pensec l'a déclaré à de nombreuses reprises devant ses collègues de l'Union européenne, il vaut mieux
ouvrir la voie politique permettant une meilleure valorisation des produits de l'élevage bovin européen sur le marché
communautaire que de se lancer à la conquête d'hypothétiques marchés mondiaux.
De plus, les augmentations progressives prévues pour les aides directes risquent de ne compenser que très partiellement
les pertes de revenu des éleveurs extensifs. Sur ce point, un net rééquilibrage est indispensable.
L'équilibre des marchés ne sera pas véritablement atteint sans maîtrise de la production. Mais, le ministre de l'agriculture
et de la pêche l'a dit très clairement, les efforts dans ce domaine doivent être répartis équitablement entre troupeaux
laitiers et allaitants, d'une part, et entre Etats membres, d'autre part.
Je puis vous garantir que mon collègue Louis Le Pensec veillera, dans les négociations en cours, qui semblent devoir être
longues, à ce que ces orientations soient respectées. Il restera vigilant afin que soit préservé l'intérêt des élevages et, en
particulier, celui des élevages les plus sensibles, les élevages herbagers.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d'Etat, la position que vous avez exprimée prend parfaitement en compte
le souci des éleveurs de viande bovine dans le bassin allaitant.
J'ajouterai seulement que les crises récurrentes affectant les cours de la viande bovine n'ont pas que des causes
structurelles, liées aux différentes phases du cycle de la production. La surproduction chronique est aussi le résultat d'une
mauvaise mise en relation entre les produits et leurs consommateurs. C'est pourquoi il me semble que la PAC pourrait
efficacement aider les éleveurs bovins, en particulier les éleveurs extensifs, à maîtriser leur production si elle les incitait à
s'organiser au sein de filières économiques pertinentes.
Ceux qui, par exemple, se sont engagés dans la valorisation de leurs produits par une filière courte, au travers de la vente
directe ou d'une boucherie coopérative, ont besoin des services de spécialistes de la mise en marché. Les autres éleveurs,
qui sont la majorité en zone extensive, doivent être encouragés à recourir aux signes de qualité au sein de coopératives.
Cette question des signes de qualité croise en réalité celle des filières. L'appartenance à un groupe de producteurs ayant la
même production définie et identifiée entraîne de plus en plus souvent la constitution d'une coopérative de dimension
humaine, bien délimitée géographiquement, et donc efficace économiquement.
Ces deux simples suggestions rejoignent la démarche de M. Le Pensec en faveur d'une autre PAC, ambitieuse et
imaginative. Cette PAC que veut également la majorité des parlementaires, c'est celle qui assumera le développement de
nos zones d'élevage traditionnel, et finalement la pérennité de notre modèle européen.

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