Question de M. GRANDON Jean (Eure-et-Loir - NI) publiée le 29/05/1998

Question posée en séance publique le 28/05/1998

M. le président. La parole est à M. Grandon.
M. Jean Grandon. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes
chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, mais elle
pourrait aussi s'adresser à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Elle traite d'un fait divers tragique.
Voilà quelques semaines, le 28 avril très exactement, une jeune fille de vingt-trois ans, Bénédicte, étudiante en DEA
d'ingénieur agronome, était à l'arrêt avec son vélo au feu rouge du carrefour du boulevard Saint-Marcel et de l'avenue des
Gobelins à Paris.
La jeune fille, bousculée par un camion stationné à côté d'elle, roula sous le lourd véhicule et fut littéralement écrasée
par l'essieu arrière droit. Elle décéda sous le choc, les secours d'urgence n'ayant rien pu faire.
La tristesse de cet accident au cours duquel une jeune personne dans la force de l'âge perdit la vie ne m'autorise pas à
faire des commentaires de circonstance, mais il m'appartient, en ma qualité de sénateur du département dont était
originaire la jeune fille décédée, d'évoquer différents aspects de ce tragique accident.
L'enquête a déterminé que le chauffeur dudit camion avait ce que l'on peut appeler un « vrai faux » permis de conduire
d'origine étrangère, validé prétendument en France, mais sur lequel les enquêteurs s'interrogent.
Connu par les services de police pour l'irrégularité de son séjour en France jusqu'en août 1997, l'intéressé a déclaré qu'il
n'avait pas conduit depuis plus de cinq ans, effectuant divers travaux, notamment des ménages, avant de reprendre le
volant sans test préalable ; il travaillait sans contrat, sans bulletin de salaire, c'est-à-dire au noir, et de façon
permanente.
Payé forfaitaitement 100 francs par voyage effectué, il faisait trois à quatre transports par jour. Quant au camion, celui-ci
n'avait fait l'objet d'aucune visite technique, pourtant obligatoire.
Ce récit parle de lui-même. J'ai rencontré les parents de la victime. Nous ne pouvons qu'être impuissants devant la
douleur qui les submerge, mais nous, élus de la nation, et vous, membre de l'exécutif national, nous devons nous
employer à donner un message d'espoir afin que de tels drames ne se reproduisent pas.
Que vous inspire, monsieur le ministre, le récit d'une telle injustice de la vie ?
Quelles décisions comptez-vous prendre ? Pourriez-vous concevoir et décider un contrôle beaucoup plus strict des
embauches, un respect de la législation du travail plus fort ? Est-il normal que les Français payent de leur vie
l'inconscience d'étrangers en recherche d'emploi ?
Une prise de conscience générale s'impose, qui soit suivie d'actes responsables. (Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

- page 2586


Réponse du ministère : Équipement publiée le 29/05/1998

Réponse apportée en séance publique le 28/05/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous venez
d'évoquer un drame affreux. Il illustre tragiquement la situation que l'on retrouve parfois dans le transport routier, secteur
où souvent l'ultralibéralisme a largement ouvert la porte au dumping économique et social.
M. Philippe de Gaulle. Ah !
M. Raymond Courrière. Et l'employeur, alors !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est aussi vrai pour le travail
clandestin ; c'est ce que disent non seulement les organisations syndicales du transport routier, mais également les
organisations patronales.
Cette situation a été à l'origine des conflits dans le transport routier en 1994, 1996 et 1997. Je sais que vous y êtes
sensible puisque, comme l'ensemble des parlementaires, vous avez adopté la loi de moralisation du transport routier de
marchandises que je vous ai présentée à la fin de l'année dernière. Je vous en rappelle les dispositions essentielles :
plus de garantie en matière financière et d'honorabilité pour exercer la fonction d'employeur, possibilité étendue de
l'immobilisation des véhicules en infraction, exigence accrue en matière de formation professionnelle.
S'agissant du travail illégal, depuis 1996, les inspecteurs du travail des transports - je ne parle bien entendu que pour ce
qui relève de ma compétence - ont plus que doublé le nombre des procès-verbaux dressés. Je vous rappelle que les
effectifs budgétaires de l'inspection du travail des transports ont été augmentés de manière significative en 1998.
Trente-deux nouveaux postes de contrôleurs ont été créés et les premiers recrutés seront opérationnels à partir du 1er
juillet prochain.
Monsieur le sénateur, mesdames, messieurs, je peux vous assurer que cet effort sera poursuivi. J'ai proposé au
Gouvernement, qui en a été d'accord, que les effectifs de contrôle soient accrus de manière significative dans les
prochaines années. Ils le seront de 60 postes supplémentaires d'ici à l'an 2000 par rapport à 1997. Je vous demanderai
donc cette fois, mesdames et messieurs les sénateurs de l'opposition, de voter la partie fonctionnement du prochain
projet de loi de finances, de sorte que tout le monde soit bien d'accord pour augmenter les effectifs de contrôle.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)

- page 2587

Page mise à jour le