Question de M. MAMAN André (Français établis hors de France - NI) publiée le 21/05/1998

M. André Maman appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les conclusions du deuxième rapport, en date du mois d'avril 1998, de la Commission européenne sur les indicateurs scientifiques et technologiques. Il lui rappelle que ce rapport, s'il établit clairement que l'Union européenne est aujourd'hui la deuxième puissance scientifique mondiale, fait ressortir un certain nombre de faiblesses, qui affectent notre politique de recherche. Au premier rang d'entre elles, la Commission européenne met en lumière le caractère paradoxal de notre système de brevets. En effet, si la part du Vieux Continent continue à augmenter en matière de publications scientifiques (plus de 208 000 en 1995) - alors que celle des chercheurs américains stagne (203 000 en 1995) - le coût financier élevé des brevets européens semble constituer un obstacle à la valorisation industrielle des résultats de nos chercheurs. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les initiatives que son ministère compte prendre pour que la recherche européenne, en général, et française, en particulier, puisse rattraper son retard, à un moment où, plus que jamais, l'accès au savoir est devenu le principal moteur de la croissance.

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 16/07/1998

Réponse. - Le rapport de l'Union européenne, comme les statistiques de l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle) ou de l'OST (Observatoire des sciences et des techniques) dressent tous le même constat : les Européens en général, les Français en particulier, ne déposent pas assez de brevets par rapport à leurs grands concurrents mondiaux. Au plan mondial, l'activité en matière de brevets est très liée à l'internationalisation des stratégies industrielles et des technologies. Il serait donc naturel qu'un grand pays scientifique et exportateur comme la France soit très bien placé en nombre de prises de brevets et de commercialisation des technologies. Ce n'est pas assez le cas. Les efforts pour améliorer cette situation portent dans quatre directions : simplifier le dispositif européen, réduire le coût des brevets notamment lors de la création d'entreprises et, et pour les PME, assouplir le système juridique français pour le rendre plus favorable à l'accompagnement de l'initiative des chercheurs et lever les freins nés d'une mauvaise adaptation aux processus de l'innovation, inciter les universités et les organismes à développer leurs relations avec le monde économique et social. L'Office européen des brevets (OEB) est régi par la convention de Munich. S'il constitue une porte d'entrée unique sur les différents systèmes nationaux, il n'intègre pas la poursuite de l'unification du système de brevets en Europe. Certes, il permet plus facilement que par le passé de couvrir tout le champ européen, mais il ne réduit pas l'addition de coûts nés de l'hétérogénéité des systèmes de protection nationaux. Sur proposition de la Commission européenne, les Etats membres de l'Union ont engagé une concertation pour instaurer un brevet communautaire. Ce brevet assurerait une protection uniforme sur tout le territoire de l'Union, à des coûts de dépôt mais surtout de maintenance et de défense des brevets nettement plus avantageux qu'actuellement. La France y est très favorable. Deux difficultés principales restent cependant à résoudre. L'une, juridique, concerne l'articulation entre le droit communautaire et les droits nationaux ; l'autre, culturelle, concerne la défense du multilinguisme et la place du français. Des solutions restent à trouver pour concilier cette exigence et la nécessité d'adopter des dispositifs de protection de la propriété intellectuelle adaptés à des consortiums de recherche de plus en plus internationaux et à l'organisation de plus en plus complexe. Le coût des traductions et les taxes sont les deux principaux freins à la prise de brevets cités par les acteurs économiques. Une réflexion est engagée pour atténuer, voire supprimer ces freins, au moins dans un certain nombre de cas. Le système juridique français est lui aussi trop contraignant. De nombreux chercheurs qui souhaiteraient valoriser les résultats de leurs travaux soit en collaborant avec une entreprise, soit en créant leur propre entreprise, rencontrent encore trop d'obstacles pour y parvenir. Le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a mis à l'étude un projet de loi visant à assouplir les règles en vigueur dans plusieurs cas : faciliter la collaboration des chercheurs du secteur public avec les entreprises, renforcer la mobilité temporaire ou permanente des personnels de recherche publique vers les secteurs d'application et les entreprises, favoriser la création de jeunes entreprises de haute technologie par l'essaimage en garantissant aux chercheurs une possibilité de retour dans leur établissement d'origine en cas d'échec. Au plan institutionnel, la France compte 23 organismes publics de recherche et 160 établissements d'enseignement supérieur investis de missions de recherche et de valorisation. De par la loi, chaque établissement doit définir une politique de valorisation adaptée à ses caractéristiques propres et mettre en place une organisation et une structure appropriées. L'effort de valorisation de la recherche universitaire sera poursuivi à deux niveaux : d'une part, au niveau global de chaque établissement, d'autre part, au niveau de chacune des équipes de recherche, sur la base du volontariat. Dans les prochains contrats quadriennaux avec les établissements d'enseignement supérieur, une attention particulière sera portée à la mise en uvre d'une politique structurée et concertée de valorisation, incluant un suivi des politiques de brevets et licences. Pour ce qui est des établissements publics de recherche, le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie souhaite instaurer une plus grande cohérence et un effort plus important de ces organismes dans leurs relations contractuelles avec les entreprises. Pour favoriser la diffusion et le développement des activités de recherche, et en valoriser l'exploitation à des fins économiques et sociales, les organismes poursuivront plusieurs objectifs : faciliter le transfert des résultats des travaux de recherche, permettre aux industriels d'accéder à certaines spécificités qui fondent l'excellence de la recherche publique française, participer à la création d'entreprises et, en particulier, apporter une garantie de soutien dans la phase où le risque technologique est élevé. Afin d'amplifier et d'organiser la création d'entreprises par les chercheurs, utilisant les résultats de leurs recherches et les compétences des laboratoires dans lesquels ils travaillent, il sera mis en place un dispositif spécifique d'incubation favorisant l'éclosion des projets les plus prometteurs.

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