Question de M. DUPONT Ambroise (Calvados - RI) publiée le 19/06/1998

Question posée en séance publique le 18/06/1998

M. le président. La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaitais
m'adresser à Mme Voynet, mais elle est à l'instant même à l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées du
RPR.) Je voulais attirer son attention sur le problème de l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées.
En effet, plusieurs présidents de syndicats de traitement m'ont exprimé leurs inquiétudes, en faisant valoir, notamment,
que le terme de « déchets » utilisé dans le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997, relatif à l'épandage des boues
issues du traitement des eaux usées, semblait contradictoire avec l'objectif de valorisation agricole. Cette ambiguïté,
alimentée par le renforcement des exigences techniques nécessaires pour l'usage de ces boues en agriculture, autorise
toutes les remises en cause.
Cela entretient la confusion et la défiance dans l'esprit des consommateurs comme des industriels du secteur
agroalimentaire et suscite légitimement les réticences des producteurs. Cela paraît d'autant plus paradoxal que les
exploitants agricoles ont été de plus en plus sollicités pour les utiliser comme fertilisants, leur mise en décharge devant
être interdite en 2002.
Dans le Calvados, par exemple, plusieurs plans d'épandage, pourtant établis en concertation avec les agriculteurs
concernés, ont dû être révisés à la baisse, tant pour les tonnages que pour les surfaces, par crainte d'un amalgame
entre pollution du sol et recyclage des boues. Or, cet amalgame résulte des textes réglementaires qui ont fait passer
les boues du statut de fertilisants à celui de déchets.
Une telle imprécision est d'autant plus regrettable que les nouvelles normes françaises définies par l'arrêté du 8 janvier
1998 sont beaucoup plus sévères que les prescriptions européennes et que, de ce fait, le traitement préalable des
boues est très onéreux alors que, en contrepartie, il semble offrir de sérieuses garanties sanitaires et permet souvent
d'amender les sols dans de bonnes conditions.
Je souhaiterais, en conséquence, savoir les mesures que Mme Voynet compte prendre pour lever les doutes sur la
filière de valorisation des boues ou, au contraire, pour privilégier clairement l'option de l'incinération. (Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Relations avec le Parlement publiée le 19/06/1998

Réponse apportée en séance publique le 18/06/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, Mme Voynet est en effet à
l'Assemblée nationale, et je vous prie de l'excuser.
L'épandage de boues de stations d'épuration en agriculture est une voie de valorisation de ces sous-produits de
l'assainissement qui est pratiquée depuis de nombreuses décennies. Elle constitue, si les épandages sont réalisés
dans de bonnes conditions, le débouché le plus intéressant pour ces boues, d'un point de vue à la fois environnemental
et économique.
C'est pourquoi le ministère chargé de l'environnement, en liaison avec l'ensemble des ministères concernés, a souhaité
définir avec précision les conditions permettant d'apporter les garanties nécessaires d'innocuité lors de ces épandages,
afin d'en faire une filière irréprochable. Le décret du 8 décembre 1997 et l'arrêté du 8 janvier 1998 répondent à cet
objectif.
Le statut de déchet, clairement établi dans la nouvelle réglementation, met fin à une ambiguïté juridique qui existait
dans l'ancienne réglementation. Le statut de déchet est indépendant de la nature du produit. Il résulte du fait,
conformément aux termes de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des
matériaux, qu'il s'agit d'un produit dont le producteur cherche à se défaire. Cela a comme principale conséquence de
confier la responsabilité de l'élimination de la boue au producteur d'épandage et d'en contrôler la qualité.
L'une des voies possibles, qui doit être privilégiée, pour l'élimination des déchets est leur valorisation. Le statut de
déchet ne s'oppose aucunement à la possibilité d'une valorisation. L'épandage agricole des boues doit donc être
considéré comme une filière de valorisation d'un déchet, dans le cadre d'une réglementation donnant les garanties
nécessaires d'innocuité.
Toutefois, cet important renforcement de l'encadrement réglementaire des épandages de boues n'a pas suffi à apaiser
l'ensemble des critiques qui avaient vu le jour avant la sortie de ces nouveaux textes. Certaines filières agroalimentaires,
au titre de la protection de la santé des consommateurs, continuent notamment à s'interroger sur les épandages de
boues.
Aussi, il a paru indispensable au Gouvernement de mettre en place un lieu d'échanges et de débats sur cette question,
associant l'ensemble des acteurs de la filière, des producteurs de boues aux consommateurs : le comité national sur
les épandages de boues de stations d'épuration urbaines en agriculture. Il regroupe, notamment, des représentants des
collectivités locales, des professionnels de l'assainissement, des professionnels agricoles, des industries
agroalimentaires, de la grande distribution, des consommateurs, ainsi que des associations de protection de
l'environnement et des experts.
Ce comité est notamment chargé de réaliser une synthèse des connaissances scientifiques existantes, de prendre en
compte les conclusions d'un audit environnemental et économique en cours, comparant les différentes filières
d'élimination et de valorisation des boues, et de définir les conditions permettant de rétablir la confiance et la sérénité
de l'ensemble des acteurs de la filière.
L'objectif de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est donc de parvenir, au sein de ce
comité, à un accord national de l'ensemble de ces partenaires, reconnaissant l'intérêt et la pertinence de cette filière,
tout en comprenant la préoccupation de nos concitoyennes et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées
socialistes.)

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