Question de M. BOHL André (Moselle - UC) publiée le 02/07/1998

M. André Bohl appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les effets peu orthodoxes sur le plan des principes du droit des finances publiques induits par l'introduction de l'instruction comptable M 14. En effet, la définition des restes à réaliser en matière d'équipement exclut les dépenses et recettes d'investissement inscrites au budget mais non engagées au 31 décembre ; il en va de même pour les dons et legs attendus, les subventions et les cessions d'immobilisations. Cette exclusion des restes à réaliser tend à transférer à l'exécutif un pouvoir propre de l'assemblée délibérante ; en effet, l'exécutif dans ces conditions se voit investi du pouvoir non seulement de ne pas exécuter la décision de l'assemblée délibérante décidant de l'inscription budgétaire, mais même d'annuler cette délibération, puisqu'une nouvelle inscription est nécessaire. Cette procédure comptable paraît contraire au principe de l'annualité budgétaire qui est marquée très précisément par la décision de l'assemblée délibérante de réaliser des objectifs pluri-annuels en l'absence d'adoption des procédures d'autorisations de programme. Dans ce cas, les inscriptions budgétaires devraient être reportées. En effet, si en matière de section de fonctionnement les restes à réaliser sont effectivement facilement caractérisés, il n'en est pas de même pour la section d'investissement. Les procédures successives pour les opérations de constructions ou d'aménagements ne peuvent faire l'objet d'engagements contractuels juridiquement certains l'année de l'inscription au budget. Or, c'est bien là le sens de la décision budgétaire de voir l'assemblée délibérante décider la réalisation et autoriser l'exécutif à procéder aux démarches administratives et comptables. L'application de la règle du " foudroyage " des inscriptions budgétaires compréhensibles pour le fonctionnement ne l'est pas sur le plan de l'investissement décidé. La délibération de l'assemblée délibérante est pourtant un engagement juridique. L'application des circulaires actuelles ne se traduit-elle pas par une exigence de répétition de délibération de l'assemblée délibérante qui est contraire au principe de libre gestion de celle-ci ?

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Réponse du ministère : Économie publiée le 17/12/1998

Réponse. - L'instruction interministérielle budgétaire et comptable M14 qui s'applique depuis le 1er janvier 1997 à l'ensemble des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et de leurs établissements publics locaux précise que les restes à réaliser de la section d'investissement au 31 décembre de l'exercice correspondent, quelle que soit la taille de la collectivité : pour les dépenses, aux dépenses engagées non mandatées ; pour les recettes, aux recettes certaines n'ayant pas donné lieu à l'émission d'un titre de recettes. Cette définition des restes à réaliser de la section d'investissement exclut les dépenses et les recettes de cette même section non engagées au 31 décembre de l'exercice. Cette exclusion résulte, d'une part, de l'article 51 de la loi nº 92-125 du 6 février 1992 relative à l'adminsitration territoriale de la République, codifié à l'article L. 2342-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui a réaffirmé le principe de la tenue obligatoire de la comptabilité d'engagement par le maire et, d'autre part, de l'arrêté du 26 avril 1996 pris en application de la loi. Les dispositions relatives à la définition des restes à réaliser, tant en section de fonctionnement qu'en section d'investissement, ainsi définies, ont été, en conséquence, intégrées dans le corps de l'instruction interministérielle budgétaire et comptable M14. En outre, il convient de souligner que si la tenue de cette comptabilité fait l'objet d'un développement particulier dans le cadre de l'instruction M14, cette obligation s'applique également aux exécutifs du département et de la région. Cette disposition, conforme au principe de l'annualié budgétaire, traduit la volonté du législateur d'une saine gestion des derniers publics : elle permet ainsi à l'ordonnateur d'apprécier, en cours d'exécution budgétaire, le montant des crédits disponibles de dépenses de la section d'investissement (et de la section de fonctionnement) au regard des mandats émis, mais également et surtout des engagements de la collectivité envers les tiers (fournisseurs d'immobilisations, titulaires de marchés publics, établissements de crédits). Une comptabilité d'engagement régulièrement tenue constitue, pour l'ordonnateur, un outil de gestion efficace d'utilisation et de suivi des fonds publics en prévenant tout risque d'insuffisance de crédits budgétaires et en ne lui permettant pas d'engager sa collectivité au-delà des autorisations budgétaires accordées par l'assemblée délibérante. S'agissant des opérations à caractère pluriannuel, la loi du 6 février 1996 a tiré les conséquences de ces dispositions en ouvrant la procédure d'autorisations de programme et de crédits de paiement aux communes de 3 500 habitants et plus et aux départements. En l'absence d'un suivi particulier des autorisations d'engagement, seuls les crédits engagés peuvent être reportés. En effet, l'inscription budgétaire en dépensses constitue une autorisation d'engager mais ne saurait valoir obligation de dépenser. La délibération du conseil municipal portant ouverture de crédits budgétaires s'analyse, en matière de dépenses, comme la limite maximale des dépenses que le maire est autorisé à exécuter au cours d'un exercice. Cette délibération ne s'apparente donc aucunement, au sens des dispositions de l'arrêté du 26 avril 1996, à un engagement juridique donné par la collectivité à un tiers précisément dénommé (fournisseurs, par exemple), excepté le cas particulier des subventions versées à des tiers. De plus, conformément aux dispositions de l'article L. 2312-2 du CGCT, ce contrôle de l'assemblée délibérante sur l'ordonnateur est renforcé par l'existence d'un niveau de contrôle des crédits de dépenses au niveau du chapitre, de l'article ou de l'article spécialisé. Ainsi, au regard de l'arrêté du 26 avril 1996, les crédits de dépenses et de recettes de la section d'investissement non engagés au cours d'un exercice (et non repris en restes à réaliser) doivent-ils faire l'objet d'une nouvelle délibération de l'assemblée délibérante au cours de l'exercice suivant. La mise en uvre de l'article 51 de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République ne remet évidemment nullement en cause le principe de liberté de gestion dévolu aux communes, mais participe de la volonté du législateur d'opérer une gestion saine des collectivités locales à partir d'une comptabilité d'engagement tenue obligatoirement par le maire.

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