Question de M. SOUVET Louis (Doubs - RPR) publiée le 09/07/1998

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre délégué aux affaires européennes sur les compétences communautaires en matière de circulation internationale des personnes. Dans ce domaine, et si aucune modification n'est proposée par l'un des partenaires communautaires, le Conseil pourrait, au terme de cinq ans après l'entrée en vigueur du traité, décider de délibérer selon la règle de la majorité qualifiée au Conseil et une codécision du Parlement européen. De plus, la Commission se verrait confier le monopole de l'initiative au terme de cinq ans ; c'est-à-dire qu'un Etat membre pourrait seulement soumettre une demande à la Commission qui apprécierait librement et sans recours possible, s'il le faut la présenter au Conseil. Il est à craindre qu'à terme le Parlement français et donc le peuple français dont il est l'émanation ne perdent tout pouvoir de décision et de contrôle sur des domaines aussi sensibles que l'obtention des visas, les conditions de droit d'asile, le statut de réfugiés ; les contrôles aux frontières intérieures ou extérieures de l'Union, les conditions de séjour ou la politique de l'immigration. Il rapelle à toutes fins utiles que le Royaume-Uni, le Danemark et l'Irlande ont obtenu des dérogations leur permettant de conserver leur droit de décision autonome sur tous ces sujets. Il demande si le Gouvernement est bien conscient du fait que dans ces domaines, la France ne disposera plus que de 11,5 % des voix du Conseil et 13,9 % au Parlement européen.

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 20/08/1998

Réponse. - L'honorable parlementaire fait part au ministre délégué chargé des affaires européennes des préoccupations que suscitent les dispositions du traité d'Amsterdam en matière de libre circulation des personnes. L'article 73 O (67, dans la nouvelle numérotation), prévoit que, pendant une période transitoire de cinq ans après l'entrée en vigueur du nouveau traité, le Conseil statue à l'unanimité sur proposition de la commission ou à l'initiative d'un Etat membre, et après consultation du parlement européen. Il convient de relever à cet égard qu'aux termes du traité de Maastricht (art. K.1 et K.3), la commission partage d'ores et déjà le droit d'initiative avec les Etats membres dans le domaine de la politique d'asile, des règles régissant le franchissement des frontières extérieures des Etats membres et de l'exercice du contrôle de ce franchissement, de la politique d'immigration et de la politique à l'égard des ressortissants des pays tiers. Après cette période de cinq ans, le conseil statuera sur proposition de la commission. Celle-ci aura ainsi le monopole de l'initiative, qui est déjà le sien dans le cadre du traité de Rome, pour toutes les matières relevant de la compétence communautaire. Encore convient-il de souligner que, dans ces domaines, le traité fait obligation à la commission d'examiner toute demande d'un Etat membre visant à ce qu'elle soumette une proposition au conseil. Cette disposition formalise en réalité une pratique courante dans les relations entre les Etats membres. Par ailleurs, le conseil devra prendre une décision en vue de rendre la procédure de codécision visée à l'article 251 (nouvelle numérotation) applicable à tous les domaines couverts par le nouveau titre IV (libre circulation des personnes) ou à certains d'entre eux. Le conseil devra donc statuer sur l'opportunité de passer, dans chacune de ces matières, de l'unanimité à la majorité qualifiée et à la codécision avec le parlement européen. Il est important de relever que cette décision sera prise à l'unanimité des Etats membres, et qu'elle ne pourra donc être adoptée sans l'accord du gouvernement français. Au moment de l'adoption d'une telle décision, une appréciation pourra être portée sur les progrès effectués dans la réalisation de l'espace de liberté, de sécurité et de justice que prévoit le traité. L'article 73 I sous a), introduit par le traité d'Amsterdam, établit en effet un lien contraignant entre l'adoption de mesures visant à assurer la libre circulation des personnes, d'une part, et des mesures d'accompagnement concernant les contrôles aux frontières extérieures, l'asile et l'immigration, d'autre part, qui doivent être adoptées dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur du traité. Ce lien établi par le traité constituera un levier, permettant au Gouvernement, chaque fois que des propositions seront faites tendant à faciliter l'instauration de la libre circulation des personnes, de demander que des progrès soient réalisés dans la mise en uvre des mesures d'accompagnement visant à renforcer la sécurité. Par ailleurs, trois Etats membres bénéficient de dérogations relatives aux dispositions du titre IV du traité CE. Celles-ci s'expliquent à la fois par le fait que deux de ces Etats (Irlande et Royaume-Uni) ne sont pas parties aux accords de Schengen, et parce que le Danemark, qui a signé un protocole d'adhésion à la convention de Schengen, a maintenu les réserves qu'il avait émises lors de la ratification du traité sur l'Union européenne, en 1992. La France n'est pas dans la même situation. Elle participe, depuis mars 1995, à la coopération prévue par les accords de Schengen, qui fonctionne de façon satisfaisante. Dans ce cadre, la levée des contrôles aux frontières intérieures et la mise en uvre progressive de la libre circulation des personnes se sont accompagnées de la mise en place du système d'information de Schengen, du renforcement de la coopération policière et judiciaire et de la signature d'accords bilatéraux de coopération policière et douanière avec nos principaux voisins. Le traité d'Amsterdam aura pour effet d'intégrer cette coopération Schengen dans le cadre de l'Union européenne. Les politiques en matière de libre circulation des personnes, de visas, d'immigration et, partiellement d'asile, seront progressivement approfondies et développées à partir de ce socle commun de mesures. C'est cette évolution progressive, par étapes, reposant sur une période transitoire minimale de cinq années, qu'aménage le traité d'Amsterdam.

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