Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 02/10/1998

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la situation des personnels, techniciens en service actuellement dans la fonction publique de l'Etat, de l'hôpital et de la fonction publique territoriale. Elle lui fait remarquer que les responsabilités des techniciens sont de plus en plus importantes du fait de l'évolution des connaissances scientifiques et techniques, que le niveau de formation devient de plus en plus élevé, mais que la place des 30 000 techniciens n'est toujours pas reconnue par une revalorisation indiciaire. Elle lui demande quelles mesures il envisage en vue de la discussion pour la publication d'un statut tenant compte des évolutions et responsabilités de l'ensemble des techniciens des trois fonctions publiques.

- page 3765


Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 21/10/1998

Réponse apportée en séance publique le 20/10/1998

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 311, adressée à M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ils sont
techniciens territoriaux, adjoints techniques hospitaliers, techniciens de l'équipement, techniciens de l'industrie et des
mines, techniciens forestiers, techniciens des services de l'agriculture, techniciens de la ville de Paris. Ils sont plus de
30 000 en France et ont des responsabilités plus grandes en raison des évolutions technologiques et des besoins des
administrations concernées.
En 1990, de longues discussions ont eu lieu pour que ces fonctionnaires de la catégorie B technique soient reconnus.
Malheureusement, ils ont été oubliés. Depuis, ils revendiquent et font valoir leurs droits. Le protocole Durafour n'a prévu
qu'un gain indiciaire de vingt-cinq points en fin de carrière. Cent quatre-vingt-treize points ont été accordés aux
ingénieurs des travaux et aux cadres supérieurs. Pourtant, les techniciens ont des responsabilités plus affirmées dans
les services techniques des administrations. Elles se rapprochent de celles qu'excercent les ingénieurs et parfois
même les techniciens remplissent les fonctions de ces derniers.
Le 29 février 1996, votre prédécesseur m'avait répondu que la bonification indiciaire avait pris en compte l'exercice des
responsabilités nouvelles. Cette remarque n'était pas fondée. La plupart des techniciens n'ont pas bénéficié de cette
nouvelle bonification indiciaire, ceux du premier grade n'ont bénéficié que de quelques points, le plus souvent un ou
deux, soit une majoration de vingt-cinq francs à cinquante francs par mois. On ne peut parler de prise en considération
de la spécificité des fonctions exercées par les techniciens.
De plus, les différentes administrations en ont profité pour remettre en cause certains acquis par une politique
malthusienne de rétrogradation du deuxième au premier grade, de réduction d'effectifs des deuxième et troisième
grades, d'allongement de la période de stage portée à deux ans, de blocage des avancements, d'insuffisance, voire
d'absence, de débouchés en catégorie A, de non-reconnaissance des spécificités des métiers exercés.
Monsieur le ministre, il faut maintenant reconnaître l'importance de la fonction des techniciens.
Plus grave, ces derniers ont l'impression d'être sous-estimés et rejetés.
Comparez leur situation avec celle des techniciens supérieurs de la défense, auxquels a été reconnu le titre de
technicien supérieur et un recrutement à bac + 2. Pourquoi ne pas étendre cette reconnaissance aux techniciens des
trois fonctions publiques ? L'équipement, les mines, l'agriculture et les collectivités territoriales sont pourtant des
administrations aussi nobles et importantes que celle de la défense, et le niveau des techniciens y est aussi élevé.
Pourquoi ceux-ci n'ont-ils pas été pris en compte ?
Mais ce qui paraît encore plus contestable, c'est que l'avenir des fonctions n'est pas pleinement assuré. En effet, vous
refusez le recrutement au niveau bac + 2. Or refuser de valoriser à son niveau réel de formation initiale et continue la
fonction de technicien territorial, ce n'est pas servir la fonction publique, monsieur le ministre.
C'est cette raison de fond qui me conduit à vous interpeller ce matin. Je ne suis pas le délégué syndical des
techniciens de la fonction publique, mais je suis très préoccupée de constater que ces techniciens n'obtiennent pas la
reconnaissance de leur savoir et des garanties quant à leur avenir et en matière de qualité et de modernité des services
techniques publics.
Dans les faits, la qualification des techniciens atteint au minimum le niveau bac + 2. Il faut reconnaître que, dans la
fonction publique territoriale, ils sont souvent chefs des services techniques ; à l'hôpital, ils sont notamment
responsables de la logistique des marchés ; à la Ville de Paris, au ministère de l'industrie, au ministère de l'agriculture,
à l'Office national des forêts, aux mines, ils sont souvent responsables de services de missions d'études techniques et
encadrent des effectifs importants.
M. le président. Veuillez poser votre question, madame le sénateur.
Mme Marie-Claude Beaudeau. J'en termine, monsieur le président.
Vous vous rendez donc bien compte, monsieur le ministre, que les tâches assumées par les techniciens et les
ingénieurs ont tendance à se rapprocher, à se chevaucher et à s'interpénétrer. ll y a, vous ne pouvez le contester,
rapprochement des fonctions.
Ma question est la suivante : le « tuilage » des indices ne serait-il pas un correctif logique à cette évolution vers ces
nouvelles responsabilités ? Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour aller dans cette voie et rompre avec la
politique de votre prédécesseur ? Je vous propose l'ouverture de nouvelles négociations avec l'union des techniciens des
trois fonctions publiques et l'ensemble des organisations syndicales, pour aborder ces questions avec un esprit
nouveau.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Madame la
sénatrice, la carrière des techniciens des trois fonctions publiques a sensiblement été revalorisée dans le cadre du
protocole Durafour. S'agissant, par exemple, des techniciens des travaux publics de l'Etat, cette réforme s'est traduite
pour ces agents par un gain moyen annuel de 8 425 francs. Ce n'est pas négligeable et on ne peut donc pas dire qu'ils
ont été oubliés.
Ces revalorisations étaient, il faut le rappeler, destinées à reconnaître les nouvelles qualifications et le niveau de
responsabilité de ces agents.
D'autres instruments ont été mis en place, qui ont également permis de prendre en compte, au cas par cas, l'exercice
de responsabilités particulières. Il s'agit, par exemple, de la nouvelle bonification indiciaire, de la création de débouchés
de carrière sous forme de statut d'emplois et de l'octroi de primes de technicité.
Des mesures conduisant à privilégier la promotion interne et à faciliter le passage de ces agents dans un corps
d'ingénieurs des travaux ont également été adoptées. Pour les corps d'ingénieurs des travaux publics de l'Etat, cette
proportion est ainsi passée de un sixième à un cinquième des recrutements, soit, tout de même, 20 % d'augmentation !
Les réformes qui ont été mises en oeuvre ont représenté des avancées significatives, qui ne sauraient être ignorées ou
sous-estimées.
L'architecture des statuts particuliers des corps et cadres d'emplois qui a résulté de l'application de l'accord Durafour et
les principes qui ont régi ce dispositif ne doivent pas être remis en cause.
Il n'est, ainsi, pas souhaitable d'élever, comme vous le suggérez, les conditions de diplôme requises pour être candidat
aux concours d'accès aux corps de techniciens. Une telle mesure conduirait en effet à interdire l'entrée dans la fonction
publique à des personnes qui, bien qu'ayant les capacités pour exercer ce métier, ne détiennent pas un diplôme
sanctionnant un premier cycle de l'enseignement supérieur. Une partie importante de la population, je pense aux
bacheliers, serait ainsi exclue, alors même que des baccalauréats professionnels, précisément destinés à former à de
tels métiers ont été créés.
Des réformes pourront toutefois être mises en oeuvre, au-delà des mesures strictement prévues dans le cadre du
protocole Durafour, dès lors qu'elles seront justifiées par l'apparition d'éléments objectifs nouveaux et qu'elles ne
constitueront pas une atteinte à ce que l'on pourrait appeler « l'esprit » du protocole d'accord. Le fait qu'en 1990 on ait
considéré qu'une formation organisée après un recrutement au niveau du baccalauréat et homologuée au niveau III,
c'est-à-dire à bac + 2, devait permettre à des techniciens de bénéficier du classement indiciaire intermédiaire constitue
ainsi un précédent qui pourra être pris en considération.
Telle a été la démarche du Gouvernement à l'occasion de l'examen de la situation des techniciens des travaux publics
de l'Etat, dont le stage vient de faire l'objet d'une homologation et qui devraient prochainement bénéficier d'une
revalorisation de leur carrière.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. Madame Beaudeau, je ne peux vous accorder que trente secondes, car, tout à l'heure, vous avez
épuisé les cinq minutes dont vous disposiez.
Vous avez la parole.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, les éléments que vous venez de me fournir ne peuvent me
satisfaire puisque vous ne répondez même pas à la demande d'ouverture de négociations avec les techniciens et leurs
représentants syndicaux.
Vous appréciez mal le malaise qui s'installe, avec les manifestations de personnels à l'équipement, à l'Office national
des forêts, la grève du zèle des techniciens. Vous appréciez mal le fait que la CGT et FO aient rejoint l'union des
techniciens des trois fonctions publiques avec la même revendication fondamentale en faveur d'un véritable statut de
technicien supérieur.
L'intérêt du service public est bien de reconnaître ce statut et de l'intégrer dans l'ensemble des filières techniques pour
tenir compte de la spécificité des besoins.
Le risque est grand, vous le savez bien, monsieur le ministre, de voir glisser des actions des fonctions publiques vers
des secteurs semi-publics ou privés. L'exemple de la Grande-Bretagne, qui n'a pu faire face, par exemple, au problème
résultant de la maladie de la vache folle, parce qu'elle n'a pas aujourd'hui de service technique public, est patent.
Nous parlons de l'équipement, de l'hôpital, de l'Office national des forêts, des mines et de la fonction territoriale. Ne
s'agit-il pas de secteurs où des dangers se manifestent au regard de la garantie de l'intérêt public, et même de la santé
des Français ?
Monsieur le ministre, je réitère ma demande : il importe que vous receviez les organisations syndicales pour en débattre
et qu'à la suite de ce dialogue vous envisagiez avec les hauts fonctionnaires de l'Etat d'engager un rattrapage.
N'attendez pas que les techniciens soient dans la rue !

- page 3865

Page mise à jour le