Question de M. PLASAIT Bernard (Paris - RI) publiée le 30/10/1998

Question posée en séance publique le 29/10/1998

M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Des incidents graves ont émaillé les récentes manifestations lycéennes à Paris : vitrines brisées, magasins pillés,
voitures incendiées, mobilier urbain saccagé.
Le 16 octobre, cent cinquante-trois personnes ont été arrêtées, cent vingt-deux placées en garde à vue dans les locaux
de la police judiciaire, dont soixante-quinze mineurs. Sur ces cent vingt-deux personnes, soixante-trois ont été déférées
devant la justice dès le lendemain, dont trente et un mineurs. Parmi ces trente et un mineurs, qui n'ont pas été
écroués, deux comparaîtront devant un tribunal correctionnel afin d'y être jugés ; six ont été mis en examen et
vingt-trois font l'objet d'une convocation par un juge des enfants.
Ces quelques chiffres mettent en lumière deux phénomènes particulièrement inquiétants : d'une part, la recrudescence
de la délinquance juvénile et, d'autre part, la faiblesse de sa répression.
Nul ne conteste que l'accroissement de la délinquance juvénile dans notre pays est un véritable fléau. Tout le territoire
national est concerné, mais cela est surtout criant en milieu urbain, où sévissent des bandes de jeunes organisées,
souvent encadrées par des adultes, qui se livrent à des trafics en tout genre, dépassant le seul trafic de stupéfiants.
Chacun sait ici que les délinquants mineurs sont pratiquement intouchables : souvent arrêtés, moins fréquemment
déférés et rarement condamnés.
A Paris, des groupes de pilleurs d'horodateurs utilisent systématiquement des mineurs pour recueillir les pièces de
monnaie.
L'ordonnance de 1945 est ainsi dévoyée : non seulement elle ne protège pas les mineurs mais elle conduit au contraire
à leur exploitation.
La politique du « tout prévention » a montré ses limites. Elle est pourtant, semble-t-il, de plus en plus le seul credo du
Gouvernement. J'en veux pour preuve la note adressée le 19 août dernier par le directeur de la sécurité publique de la
préfecture de police à tous les chefs de service pour les inviter à atténuer toute forme de répression à l'égard des
mineurs délinquants.
Ce texte traduit d'ailleurs la philosophie de la circulaire du ministre de la justice en date du 15 juillet 1998, intitulée «
Politique pénale en matière de délinquance juvénile », dont l'orientation délibérément préventive ne peut qu'inquiéter. Car
la prévention, c'est aussi et peut-être surtout une sanction rapide et proportionnée.
Plusieurs sénateurs socialistes. La question !
M. Dominique Braye. On comprend qu'elle vous embarrasse !
M. Bernard Plasait. C'est en effet à partir du moment où un enfant croit que tout lui est permis qu'il est sur le chemin
de la délinquance.
M. le président. Votre question, s'il vous plaît, monsieur Plasait.
M. Bernard Plasait. Fort de ce constat accablant, ma question sera double.
Premièrement, le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre en oeuvre une politique nationale de sécurité ambitieuse,
dotée des moyens matériels et des effectifs nécessaires, en étroite concertation avec les élus locaux et tous les
acteurs de terrain ?
Deuxièmement,...
M. le président. Merci, monsieur Plasait.
La parole est à Mme le garde des sceaux.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 30/10/1998

Réponse apportée en séance publique le 29/10/1998

M. le président. Merci, monsieur Plasait.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Je voudrais d'abord affirmer ici avec force qu'il n'y a
pas, dans notre pays, d'impunité pour les auteurs d'actes de délinquance.
M. Dominique Braye. Dans les discours, pas dans les faits !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Au cours de la période récente, que ce soit à la suite des agressions
commises à l'encontre d'agents des transports publics ou à l'occasion des manifestations lycéennes, tant les forces de
police que les magistrats ont fait preuve d'une sévérité exemplaire.
Les magistrats ont pris des décisions de comparution immédiate et ils ont annoncé des sanctions. Bien entendu,
celles-ci doivent être proportionnées aux actes qui ont été commis. Les magistrats ont en effet le devoir de juger de
façon individualisée et non en fonction de circonstances générales. C'est ce qu'ils ont fait, et je les en félicite.
Je conviens avec vous que la délinquance juvénile est un phénomène qui a, hélas ! tendance non seulement à s'étendre
mais aussi à s'aggraver et à toucher des sujets de plus en plus jeunes. A cet égard, le Gouvernement a défini une ligne
claire à l'occasion du conseil de sécurité intérieure du 8 juin dernier. Il a décidé qu'à chaque acte de délinquance devait
correspondre une sanction proportionnée à l'acte commis.
M. Dominique Braye. Et les 80 % de classements sans suite ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il a été également décidé que les moyens adéquats seraient mis en
oeuvre. Ils le sont. Est ainsi prévue la création de délégués du procureur, de manière à réaliser les convocations en
temps réel.
Il convient également de faire en sorte que, dans tous les cas où il s'agit de primo-délinquants, puissent être adoptées
les mesures de réparation qui les mettent directement face à leurs victimes.
Par ailleurs, des dispositifs d'hébergement beaucoup plus diversifiés sont mis en oeuvre. Les moyens correspondants
sont dégagés dans mon budget. Je mentionnerai la création de 150 postes d'éducateur et celle de classes relais.
S'agissant des contrats locaux de sécurité, mis en oeuvre conjointement par les préfets et par les procureurs, 186 sont
d'ores et déjà signés et 456 sont en cours d'élaboration, en coopération, ainsi que vous le souhaitez, avec les
collectivités locales.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est précisément ce sujet-là qui est au centre des discussions.
Quant aux fameux classements sans suite, puisque j'ai entendu quelqu'un crier à ce sujet au fond de l'hémicycle,...
M. Henri Weber. Brailler !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... je tiens à dire qu'ils concernent, pour une très large part, des actes
dont les auteurs sont inconnus : par définition, on ne peut pas poursuivre des gens dont on ne connaît pas l'identité !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. C'est faux !

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